Les Cavaliers (VII)
Elle était de nouveau sur les toits du monde, à plus de douze mètres du sol, les pieds aimantés à une plateforme d'acier soutenue par un pilier du même type.
Sous elle, MAX continuait sa course effrénée. Seul.
Un regard sur sa gauche lui permit de distinguer l'ascenseur séparé de la plateforme par un chemin qui n'apparaîtrait que dans cinq minutes.
C'était le temps qu'elle avait pour défaire Léo, cinq minutes qu'elle n'avait pas le droit de gaspiller, cinq minutes qu'il lui restait peut-être à vivre.
Cinq minutes.
Si on omettait les battements assourdissants de son propre cœur, tout était silencieux là-haut.
La clameur de la foule ne les atteignait pas.
- Sarah..., murmura son frère.
- Je sais, répondit-elle en s'avançant vers le centre de la plateforme.
- Fais lui mordre la poussière, ordonna Elisa.
Léo était grand, plus grand qu'elle, ce qui n'était pas chose difficile et un travail acharné avait modelé son corps pour le rendre puissant, mais là où il frappait fort, elle visait avec précision et là où il était parfois maladroit, elle, était agile et vive.
D'une pression sur un bouton, il fit se rétracter son casque et par fairplay, elle fit de même, inspirant du même coup une large bouffée d'air.
Un acte tellement rare pendant les courses.
Ils ne firent que s'observer pendant la première minute, et cela donna le temps à la jeune femme de distinguer un véritable regret dans le regard de son adversaire.
Aucun des deux ne souhaitait être là.
Ils avaient chacun opté pour le bâton de combat, l'une des armes les plus couramment intégré dans les A.R.C, mais si celui de Léo était simple, celui de Sarah avait comme propriété d'être double et bien que plus petit dans chacune de ses mains, elle avait toujours la possibilité de le rassembler en une arme simple.
Dans un combat en un contre un, il était d'accord tacite de ne pas utiliser d'armes de jet et autres blasters, non seulement les pilotes trouvaient ça déloyal, mais en plus avec le champ de force tendu autour des plateformes de combats, c'était un coup à faire ricocher son tir contre soi-même.
- Je ne peux pas perdre Sarah. Je suis désolé !
Elle hocha la tête, elle comprenait. Bien sûr qu'elle comprenait, mais elle n'avait pas le choix, ou plutôt elle ne l'avait plus. Elle avait refusé de tourner les yeux.
Quelle naïveté, quelle sotte elle faisait, quelle idiote !
Elle avait espéré une autre course, une de celles où elle aurait été la seule à payer de ses actes. Ce qui se présentait à elle, était tout simplement des plus horrible.
- Je sais, et je suis désolée aussi, lui lança-t-elle.
Ce furent les seuls mots qu'ils échangèrent, et les coups se mirent à pleuvoir.
Elle esquiva tout d'abord un coup destiné à lui faucher les jambes d'un saut, puis se baissa pour en esquiver un autre avant de glisser entre ses jambes et d'en profiter pour lui frapper les chevilles.
Il tomba à genoux, et elle s'empressa de se retourner pour croiser ses armes autour du cou de son adversaire qui loin de se laisser aller, l'envoya valser par-dessus lui.
La tête de Sarah cogna violemment contre le sol et sa migraine qui s'était apaisée depuis le début de la course, revint avec force.
Papillonnant des yeux, elle utilisa une poussée électromagnétique pour sortir de l'axe d'une autre attaque du jeune homme.
Elle lui repassa au-dessus dans une pirouette vertigineuse et alors qu'elle pivotait pour lui faire face, le bâton de Léo lui fit perdre celui qu'elle avait dans la main droite.
Elle se jeta une nouvelle fois à terre et étira son bras gauche en direction de son arme perdue.
Celle-ci vint rejoindre sa moitié dans un clac et Sarah lança son bras en arrière, visant le garçon d'un revers qui l'atteint à la tempe.
Il tituba en arrière.
La rousse se releva le souffle court et tremblante d'effort. Il fallait mettre fin à ce combat rapidement.
Elle croisa le regard du Quatre, ses yeux étaient d'un bleu acier, d'un bleu acier où la jeune femme eut le temps de distinguer une ombre qu'elle ne parvint pas à identifier juste avant qu'ils disparaissent, leur propriétaire brusquement attiré en arrière.
Comme une poupée de chiffon.
L'adolescente resta un instant stupéfaite, incapable de comprendre, refusant de comprendre ce qui venait de se passer avant que l'urgence de la situation ne la fasse s'ébrouer mentalement.
La plateforme était en train de verser en direction du sol.
L'instinct de survie de Sarah agit le premier et la jeune femme se laissa tomber au sol en activant sa combinaison pour que celle-ci la scotche à l'acier.
- Sarah, l'ascenseur, lui hurla son frère avec qui la communication avait été rétablie.
Elle jeta un regard vers la gauche, les portes de l'ascenseur s'était bel et bien ouvertes, mais encore fallait-il pouvoir les atteindre.
Si elle désactivait ses aimants maintenant, elle allait glisser et tomber et si elle ne le faisait pas, elle allait quand même glisser et tomber !
- Je ne peux pas ! hurla-t-elle en retour.
- Si tu peux ! Tu peux le faire, tu dois le faire !
- Est-ce que tu as vu ce qu'il est arrivé à l'autre, renchérit Elisa. Bouge-toi, Sarah !
- Taisez-vous, ordonna-t-elle.
- Quoi ? Hé ma petite, on est là pour t'aider, alors calme toi ! s'agaça la mercenaire.
- Non Elisa, tais-toi, j'entends quelque chose !
La ligne se tut et la pilote put enfin se concentrer, entre le bruissement de la tôle et les bourdonnements de ses aimants, elle parvint à distinguer quelque chose.
Ses yeux s'écarquillèrent, impossible, impossible et pourtant...
- Par le Roi, Lucas ! Léo, j'entends Léo, il n'est pas tombé !
- Quoi ?
Scrutant le bout de la plateforme, elle chercha frénétiquement la présence de son adversaire.
- La ! Juste là, je vois sa main ! Lucas !
Elle s'attendait à ce qu'il dise quelque chose, qu'il expire de soulagement ou autre chose, mais la ligne de son frère resta muette. Pendant ce temps la plateforme continuait sa longue agonie, penchant de plus en plus dangereusement et ce n'était plus qu'une question de temps avant que les aimants de Sarah ne cessent d'adhérer à celle-ci.
Combien de temps encore, les Maîtres du Jeu se joueraient d'elle ainsi. Un mouvement du doigt et la polarité changerait, l'entraînant vers sa chute.
Elle devait bouger, partir, et pourtant, elle en était incapable.
Les hurlements de Léo étaient désormais plus forts que n'importe quelle puissance magnétique la maintenant au sol.
- Il faut faire quelque chose, hurla-t-elle à son équipe.
- Sarah...J'ai promis...
- Non, s'il te plaît Lucas ! plaida la benjamine. Il va mourir si on ne fait rien !
- Et si tu ne bouges pas, tu vas mourir avec lui ! Je ne dirai pas à maman qu'elle a perdu sa fille dans une course ! répliqua le jeune homme avec véhémence.
Non, non !
- J'ai une idée ! Matthieu, combien de temps avant que MAX ne passe sous la plateforme ?
- Quatre minutes et soixante-dix-huit secondes, lui apprit le blond. Mais je dois te dire que...
- Et une poussée magnétique en direction du sol pourrait amortir une chute ?
-...Eh bien, il faudrait attendre d'être à moins de quatre mètres du sol pour tenter ce genre de pirouette mais...
- Merci, le coupa Sarah. C'est tout ce que je voulais savoir.
Elle désactiva ses aimants, son frère hurla et elle dévala la pente la séparant du sol.
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