Les Cavaliers (I)

« Message d'Aaron Chase à sa fille Sarah, nous sommes le neuf Juin soixante-sept.

Sarah ma chérie...

Bon sang, mais qu'est-ce que je fais...Elle n'a que cinq ans.

...

Sarah ? Ma puce, si tu lis ce message, alors c'est que je ne suis plus là et j'en suis désolé, tellement désolé.

Quand ton frère est né, ta mère et moi avons été ravis, bien qu'inquiets. La vie n'est pas facile ici, mais étant un garçon, il aurait d'une façon idiote, plus de chance.

Aussi quand toi, tu es venue au monde... Nous avons pleuré. Et pardonne moi, ma chérie, mais c'est de peur que nous avons d'abord pleuré.

...

Ton arrivée, présageait tellement de choses et nous avions si peur de te voir grandir dans ce monde. Et puis...Alors que je te tenais dans mes bras, tu as ouvert les yeux et de ta toute petite main, tu as serré mes doigts. Et j'ai alors été envahi de la certitude que tout se passerait bien.

Tu es si forte ma puce !

Toi, ton frère et ta mère vous devez veiller les uns sur les autres, car seul, on est capable de rien ou presque.

J'ignore ce que va te réserver le futur ma chérie, mais je suis certain d'une chose cependant.

Tu embraseras le monde de ton talent, comme tu as su embraser mon cœur.

Sarah, ma petite fille, ma princesse, ma petite flamme ! Je t'aime, maintenant et à jamais. »

- Tu écoutes encore ce message.

Sarah rouvrit les yeux, la voix de Lucas l'extirpant loin de celle chaude et aimante d'Aaron.

Elle lui adressa un pauvre sourire.

- Il m'apaise...j'ai l'impression d'être proche de lui.

Elle replaça le mini enregistreur sous son uniforme, là où son père pouvait être au plus près d'elle.

Son frère l'observa, bras croisé avant de s'installer sur le banc en face d'elle.

- Ton dos te fait encore mal ?

- Tu t'es déjà fait flageller Sarah ? questionna-t-il avec un sourire en coin.

Elle se mordit la lèvre. C'était une question stupide. Seulement trois jours c'étaient écoulés depuis l'incident et elle le voyait bien, faire en sorte que rien ne touche son dos meurtri.

Honteuse, elle baissa la tête.

- Si j'étais arrivée plus tôt...

- Non !

Il avait haussé le ton. L'adolescente détestait quand il faisait ça. Ces rares moments d'emportement chez son frère lui donnaient l'étrange impression qu'ils n'étaient pas égaux.

Percevant son trouble, le visage de Lucas et sa voix se firent plus doux.

- On en a déjà parlé, ce que tu as fait était totalement irréfléchi et je t'interdis de refaire un truc du genre à l'avenir !

- Parce que tu comptes subir ce genre de supplice plus souvent dans le futur !? répliqua-t-elle un peu bougonne.

- Tu sais bien que non !

- Alors arrête de me donner des ordres et de me faire la moral, ok c'était peut-être pas la meilleure idée du siècle, mais j'ai suffisamment de maman qui me fait la tête. Et je voulais juste t'aider, te protéger !

- Et je le sais ça, n'empêche que c'est mon rôle ça, finit-il en la coupant.

Elle croisa les bras sur sa poitrine vexée et pendant quelques instants le silence se fit dans la petite pièce servant de vestiaire de l'écurie de leur père.

Puis Lucas lâcha un petit rire qui se transforma rapidement en un rire franc.

- Quoi, demanda Sarah, curieuse de savoir ce qui pouvait bien faire naître une telle hilarité chez son frère.

- Rien, je me disais juste qu'à force de vouloir se protéger l'un l'autre, on va vraiment finir par se faire tuer tous les deux !

La réflexion la fit rire également. Ce n'était pas là un fou rire heureux, non. Plus ce genre de fou rire nerveux qu'il pouvait parfois vous arriver d'avoir alors que vous saviez votre tête coincée entre deux lames, prêtes à vous couper.

Son ainé prit soudain une grande inspiration, signe que la récréation était terminée.

- OK, pour la course...

- Je gère, comme toujours.

- Non, pas comme toujours justement, cette course n'a rien à voir avec les autres ! Tu savais ce qu'était la loi du Jeu, Feu et Sang jusqu'à présent au moins ?

- Merci Lucas, j'ai eu des cours moi aussi.

Non, elle n'en avait fichtrement aucune idée en réalité. Elle avait bel et bien eu dans l'idée d'appuyer son argumentaire de sauvetage sur le fait qu'elle était pilote. Et elle n'était pas naïve au point de croire que les courses n'étaient autre qu'un moyen de détourner l'attention des foules sur les autres problèmes de la société; il n'empêche que jusqu'à trois jours, elle ignorait que ce qu'elle avait pris pour une simple devise était en réalité une loi.

Mais bon, ça marchait plutôt bien alors...

Il secoua la tête.

- Pas question de finir autre que dans les dix premiers Sarah ! Tu dois gagner tu m'entends ! Et je ne dis pas ça pour moi, je dis ça pour toi ! Tu as accepté de prendre ma place et tu peux être sure qu'à l'heure qu'il est, les Maîtres du Jeu ont reçus des ordres pour que tu meures sur le circuit.

- Tiens, ça me changera de d'habitude !

Elle roula des yeux et Lucas soupira.

- Sarah...

- C'est bon, ça va... c'était un mauvais trait d'humour.

La fratrie retomba dans le silence.

- Lulu ? Tu sais que je vais y arriver pas vrai ?

L'émeraude plongea dans le gris et Lucas souffla :

- Oui je le sais. Tu es douée...tu es même sacrément douée, papa serait fière de toi.

Le compliment lui fit tellement plaisir qu'elle se releva pour lui sauter dans les bras :

- Mon dos, mon dos ! l'arrêta-t-il en se relevant à son tour.

- Oups, oui désolée. Est-ce que je pourrais...en faisant attention ? Oh ne roule pas des yeux, tu en meures d'envie !

Il l'attira finalement à lui et l'adolescente resta les bras ballant, afin de ne pas le blesser, mais heureuse d'avoir encore la chance de partager un tel moment en sa compagnie.

- Merci, lui murmura-t-il soudain.

Elle sourit contre son torse. Son idiot de frère qui jouait les gros durs...

- Dit, tu vas pas te mettre à pleurer comme pour ma première course hein ?

Il l'écarta de lui !

- Hé ! Je n'ai pas pleuré !

- Si t'as pleuré ! Comme un bébé même !

- T'avais onze ans ! J'étais inquiet OK ! Et toi aussi t'as pleuré !

Ils continuèrent ainsi leur querelle enfantine jusqu'à quitter la pièce, une fois dehors, Sarah se fendit d'un immense sourire.

Peu de chose avait changé depuis l'époque d'Aaron et si certains anciens membres de l'écurie avaient été remplacés après leur départ par des amis proches du frère et de la sœur, les autres étaient encore là, persuadés que la fille était aussi douée que le père.

- Alors, comment tu te sens ? questionna Callie.

En tant que fille de son parieur principal, la belle avait toujours eu un accès privilégié sous la tente des Chase.

- Comme si j'allais faire la course de ma vie ! lança-t-elle avec un grand sourire. Oh attend, c'est effectivement le cas !

Elisa éclata de rire tandis que Lucas et Julie la foudroyer du regard.

- Ce n'est pas marrant, Sarah ! fit Callie en hochant la tête.

- Rhoo c'est bon hein !

- Et lui, demanda Lucas en se tournant vers la Une, bras croisé. Sa Seigneurie, elle a changé d'avis ?

La jeune pilote leva un sourcil, elle aussi se demandait bien ce que pouvait attendre ce jeune homme qui en étant de la Cour avait fait en sorte qu'elle se retrouve ici aujourd'hui.

- Il te l'a déjà dit, tout ce qu'il veut c'est que Sarah gagne, il a dit je cite « Rien ne me ferais plus plaisir que de voir cet idiot de Monroe écumer davantage »

- Et dans le cas contraire ?

Personne ne répondit et la question resta suspendue dans les airs, glaçant la pièce.

Sarah, malgré sa combinaison, frissonna et se frotta les bras avant de s'éclaircir la gorge.

- Je vais faire un tour, il reste encore du temps avant le départ.

Elle coupa son frère d'un regard appuyé et celui-ci se contenta de fermer la bouche, taisant la réplique qu'il avait surement sur la langue.

L'air était devenu irrespirable sous la tente.

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