Le rôle de l'Aînée (I)
Elisa se réveilla subitement au son d'une respiration haletante et saccadée.
Elle tâtonna dans l'obscurité, encore confuse par le sommeil. Seule sa place dans le lit était chaude, celle à sa droite était froide, Louise n'était plus là.
Elle se tourna et une fois ses yeux habitués à la pénombre, elle distingua sa petite sœur. Celle-ci était accroupie auprès du deuxième lit dans la pièce.
- Louise ! gronda-t-elle dans un chuchotement. Pourquoi tu ne m'as pas réveillé, fit-elle en se précipitant vers le lit de Jimmy.
- Pardon, mais tu dormais tellement bien ! Je ne voulais pas te réveiller, je pensais que je pourrais m'en occuper toute seule, mais j'y arrive pas. La crise ne s'arrête pas.
La petite sanglotait maintenant et Elisa s'en voulut. Cependant, elle n'avait pas le temps de la consoler, pas alors que son petit frère faisait une énième crise d'asthme. Et celle-ci était loin d'être minime.
De brusques coups résonnèrent dans le mur derrière eux, faisant sursauter les deux filles qui se tournèrent vers lui d'un même mouvement.
- FAIS-LE TAIRE ! hurla une voix aigüe.
Louise se mit à trembler et se tourna vers son ainée avec des yeux exorbités.
Adélaïde lui faisait terriblement peur.
Elisa n'en fit presque aucun cas. C'était leur tante après tout, et elle était habituée à son humeur depuis longtemps maintenant. Adélaïde était une personne détestable.
La jeune fille se tourna vers son petit frère. La respiration laborieuse de celui-ci l'avait rendu écarlate et paniqué ses yeux étaient écarquillés et ses pupilles s'étaient considérablement dilatées sous l'effet de la peur.
- Hé, hé Jimmy, Jimmy regarde-moi ! ordonna-t-elle en se saisissant du visage de son frère pour le maintenir en place. Tu es en sécurité, nous sommes là. Respire mon beau, calme toi, respire.
Elle mima pour son benjamin une respiration calme et apaisée afin qu'il puisse se caler sur elle.
Au bout de plusieurs angoissantes minutes, ponctuées par les coups d'Adélaïde contre le mur, la respiration de Jimmy s'apaisa petit à petit.
- C'est bien, tu es un vrai chef, tu t'en sors très bien.
Elisa offrit à son frère un sourire avant de l'embrasser sur le front.
- Bravo Jimmy, confirma Louise en serrant la main de son frère dans la sienne avec des yeux embués de larmes.
- Va me chercher son inhalateur s'il te plaît.
La petite s'empressa d'obéir et se précipita sur la table de nuit pour y fouiller le tiroir. Elle revint vite avec l'aérosol qu'elle tendit à sa sœur.
Elisa l'inséra doucement dans la bouche de son frère et appuya sur le bouton. Jimmy inspira profondément en fermant les yeux, les rougeurs sur ses joues devinrent rosées, signe que la crise prenait fin.
- Pardon, murmura le petit avec des trémolos dans la voix après avoir retiré l'appareil. Je t'ai réveillée !
- Oh Jimmy, c'est rien, c'est rien mon cœur, doucement, voilà tout va bien, fit-elle en enlaçant le petit dans ses bras.
Elle embrassa ses cheveux, son front, son nez et ses petites joues en attendant qu'il finisse de pleurer.
- Viens là, fit-elle ensuite en tirant Louise sur le lit.
Tous les trois se recouchèrent sous la couette.
- Il faut dormir, chuchota Elisa, blottie entre eux. Demain, vous avez école.
- Raconte-nous une histoire d'abord, chouina Jimmy en se serrant un peu plus contre elle.
Elle soupira. Elle ne connaissait pas vraiment d'histoires, ses parents ne lui en avaient jamais lu étant petite, aussi, elle se contentait de réciter à son frère et à sa sœur, une vieille comptine qui s'apprenait dans la Zone.
Devant l'insistance des petits, Elisa céda :
- Très bien, vous avez gagné.
Elle fronça les sourcils, se remémorant les paroles :
Voici l'histoire de quatre frères.
Qui s'en partir un jour en guerre.
Pour affronter leur seigneur, le roi de ses terres, leur père.
Le premier était hautain et le deuxième très airain.
Ils traversèrent mont le matin et grande rivière le lendemain.
Le troisième était malin, le quatrième plein d'entrain.
Quand dévièrent-ils du bon chemin !?
Elle fit une pause pour chercher la suite.
- Il s'est passé quoi ensuite Elisa, demanda Louise en saisissant sa manche. Après qu'ils se soient perdus.
- Écoute et tu verras.
Ils arrivèrent à un carrefour.
En quête d'un quelconque secours.
Haut dans le ciel juste un vautour.
Devaient-ils faire demi-tour ?
Et soudain un bruit, là dans les fourrés.
Le troisième se tourne, visage terrifié.
C'est qu'il les épiait, à demi-caché
L'encapuchonné !
Jimmy étouffa un petit cri de surprise et se serra davantage contre sa sœur aînée.
- L'encapuchonné... murmura-t-il avec crainte.
Cela tira un mince sourire à Elisa. Les enfants de toute la Zone prenaient souvent les paroles de cette comptine pour argent comptant, ignorant derrière les images de celle-ci la réalité qu'elle laissait ci et là percevoir.
Elle reprit :
Messieurs, dit-il en se plaçant droit devant-eux.
Vous qui avez le pouvoir de mettre le feu
Pourquoi vouloir détruire vos terres même en haut lieu !?
De tout cela ne naîtra que des malheureux !
Allons cessons cela et jouons à un jeu.
Car après tout votre père est bien généreux !
Elle s'arrêta de nouveau; à se tournant de la comptine, les choses devenaient beaucoup moins agréables pour les trois frères, qui refusant la proposition, poursuivaient leurs chemin jusqu'à atteindre leur but originel. Et ce n'étais pas là, le genre de chose qu'Elisa souhaitait chantonner aux petits pour les endormir. Après tout, celle-ci ne se terminait-elle pas sur le père prononçant « Voilà ce qu'il en coûte de s'opposer à moi ! »
La chansonnette n'était en réalité qu'une façon détournée d'apprécier ce qui avait amené à la création des différentes Zones du Royaume.
Ils comprendraient sans doute un jour, l'un et l'autre que cette comptine n'avait rien d'heureuse. Peut-être même Louise l'avait-elle déjà compris, mais pour l'instant, Elisa préférait qu'ils continuent de penser qu'il ne s'agissait que d'un conte pour enfant.
Elle glissa un regard vers son frère et s'aperçut que celui-ci dormait maintenant à poings fermés, un regard à sa gauche lui apprit que Louise avait également plongé dans le sommeil. Elle s'autorisa un léger soupir de soulagement, les embrassa et ferma elle aussi les yeux.
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