Le Messager (II)
Jetant des regards à droite et à gauche, Cameron engloba les hommes avec qui il se tenait.
La quatre-vingt-sixième vague avait signé depuis peu, à en juger par les uniformes encore un peu trop grands des plus jeunes.
Ils étaient trente, ils avaient tous quinze ans ou plus et ils seraient tous bientôt sous son commandement pour leur première année.
Parmi cette foule encore timide, il croisa le regard de Victoire et il lui fut alors difficile d'en vouloir à Ross pour son emportement précédent.
Qui apprécierait que sa plus jeune fille soit sous ses ordres au vu des derniers rebondissements.
Un sentiment de honte s'empara de lui et il s'empressa de l'étouffer. Cela ne servait à rien et il avait déjà pris une décision, revenir dessus ne ferait que le desservir. On dirait de lui qu'il était indécis, et l'indécision n'avait pas sa place ici.
Victoire lui adressa un sourire timide avant de reporter son attention sur son père qui prenait la parole.
- Lorsque l'on combat, il faut être paré à toutes les situations. Certains d'entre vous sont peut-être des Évolués, mais on ne sait jamais, vous pourriez très bien être mis dans l'incapacité d'utiliser vos compétences, c'est pourquoi il est important d'avoir plusieurs cordes à votre arc.
Sur ce, le général se saisit de deux épées longues. Leurs lames, tranchantes issues de l'ingénierie bionique, furent ensuite aspergées d'un liquide qui au contact de l'acier se solidifia, créant ainsi une fine couche protectrice pour laquelle Cameron fut soulagé.
Il les savait dangereuses ces lames, pour les avoir déjà tâtées.
Encore un bijou de technologie. Leur secret se trouvait dans les carbures fondus dans la masse de l'acier qui lui permettait par la suite de se régénérer par frottement, de la même façon que les rongeurs se refaisaient de l'émail sur un bout de bois.
- Cameron, fit Ross, le sortant de ses pensées. Viens là.
Le jeune homme se retint de rouler des yeux. Bien sûr que le vétéran allait l'appeler. Pourquoi se priver de la possibilité de lui mettre une raclée devant témoin...
Enfin, ça, c'est ce qu'il pensait. Il était loin, le temps où Ross lui semblait être un adversaire insurmontable.
Alors qu'il quittait les rangs, son adversaire lui lança l'épée et Cameron remercia intérieurement ses années d'entraînements pour l'agilité et les réflexes qu'il avait acquis.
Du fait de l'habitude, il ne la trouva pas particulièrement lourde, même s'il regrettait de ne pas avoir sa propre épée, celle-ci n'étant pas à sa main.
L'Évolué chercha un instant la conscience de Light dans son esprit, avant de faire demi-tour. Il n'avait pas envie de l'entendre, et il pouvait très bien se débrouiller tout seul.
Les deux hommes s'observèrent immobiles, cherchant la faille, alors qu'autour d'eux s'était formé un nouveau cercle.
Cameron s'avança prudemment, trop peut-être car déjà, Ross bondissait. Vif, il visa son côté droit et par pur réflexe, le garçon bloqua. Bien que maintenu sous la couche de protection, le choc des deux lames se répercuta partout dans le Cube.
Ross chassa l'épée de Cameron, comme si ce n'était rien et le garçon battit en retraite alors que le vétéran le suivait, visant désormais sa tête.
Il esquiva derechef, le bruit de la lame sifflant désagréablement au-dessus de son crâne.
Il recula encore, stupéfait. Mais c'est qu'il en voulait le bougre ! Il devait être bien plus en colère que le jeune homme ne l'avait cru.
Un sourire moqueur étira les lèvres du père de Victoire.
- Eh bien mon garçon, tu ne t'attendais pas à ce que je te vole autant dans les plumes, pas vrai ?
Le rictus de Cameron se transforma en sourire malgré lui, alors qu'un vent de nostalgie lui sautait aux yeux. Voler dans les plumes...c'était ce que Ross lui reprochait quand il était plus jeune.
Très bien. Puisque c'était comme ça.
Á partir de là, il enchaîna contre Ross toutes les attaques les plus complexes qu'il connaissait, s'allongeant au maximum, multipliant bottes et parade, les contres et les estoques dans une chorégraphie furieuse, sans qu'aucun ne parviennent à prendre l'avantage.
Ils ne se battaient plus, ils dansaient.
Pourtant alors que le combat s'étirait, Cameron perçut de la faiblesse chez son adversaire. Ses parades devenaient moins vives, ses bras tremblaient et bientôt il perdit du terrain.
La victoire était proche pour le brun. Il était trempé de sueur maintenant, celle-ci lui dégoulinait sur le visage, mais il se refusait à l'essuyer de peur de perdre son avance sur Ross dont le visage crispé et les tendons apparents de son cou, assuraient Cameron dans l'idée de son futur succès.
Les épées valsaient encore, dessinant de grandes mosaïques dans les airs avant de se rencontrer encore et toujours et soudain, il fit la brèche, là, maintenant !
Ardent, il frappa puissamment le plat de son épée dans la garde de son adversaire.
L'arme du vétéran tomba au sol.
Tu as vu ça Light ! s'écria-t-il ravi et légèrement suffisant.
Oui...
Il avait sa lame sous la gorge de Ross...Et un canon à l'arrière du crâne.
Mais, j'ai surtout vu ça, fit Light.
Pourquoi tu ne m'as rien dit !
Tiens, tu as besoin de moi, maintenant ? Dommage. répliqua son partenaire avant de refluer loin dans son esprit.
LIGHT !
Pantelant, Cameron ne bougeait plus. Autour d'eux, le Cube grondait d'applaudissement que Ross fit taire d'une main.
- Lorsque l'on combat, on doit être paré à toutes les situations, ou sinon...
- Tu es mort, finit une voix féminine qui fit se tendre un peu plus Cameron.
Sentant le canon s'éloigner de son crâne, il se retourna lentement uniquement pour se retrouver avec l'embout de l'arme contre le cœur, aux mains de Jade.
Il ne l'avait pas du tout entendu arriver. Et quoi de plus normal.
- Salut, Ghost ! Salua Joshua avec un discret regard pour Cameron.
- Morphée, Hermès, répondit-elle sans le lâcher des yeux et en enfonçant un peu plus le canon contre sa chair.
Il grimaça intérieurement.
Pour qu'elle utilise son surnom et non son prénom, c'est qu'elle aussi était en colère.
- Tu peux baisser ton arme, s'il te plaît. J'ai compris, Ghost ! répondit-il avec agacement.
Les lèvres de la jeune femme se relevèrent.
- Papa, qu'est-ce que tu en penses, il a compris ?
- Ça c'est toi qui vois, Jade.
- Je n'en suis pas certaine.
L'Évolué poussa un soupir frustré !
Ok, là ce n'était clairement pas question d'entraînement ! C'était du domaine personnel.
Sans lui laisser le temps de réagir davantage, la jeune femme abaissa son arme et vint lui claquer l'arrière du crâne dans une très bonne imitation de son père, il gronda et se saisit de son poignet alors qu'elle se retirait.
- Arrête ! chuchota-t-il furieusement.
Ils s'observèrent avec colère. Les yeux verts de sa camarade brillaient et il ne parvenait pas à savoir s'ils luisaient de tristesse ou de colère. Peut-être un peu des deux.
Se rappelait-elle de leur premier baiser ici même, elle aussi. Car lui s'était le cas, comment oublier.
Elle ramena son poignet à elle et se détourna vivement.
- Crétin, murmura-t-elle avant que l'alarme ne retentisse dans le Cube, annonçant la fin de la période d'entraînement du premier groupe.
Elle fila, traversant les vitres de la salle qui reprenaient leur transparence tandis que Ross distribuait de derniers avertissements.
- Et surtout tenez vous prêt pour la Simulation d'aujourd'hui. A votre place, je garderais mon uniforme...
Cameron ne lui prêta qu'une attention tenue, préférant fixer l'endroit où Jade avait disparu.
Joshua lui passa un bras autour des épaules, compatissant et il soupira.
- Je vais avoir pour des années, grommela-t-il alors qu'ils emboîtaient le pas vers le tunnel sud sous les chuchotements des autres soldats.
Son camarade sourit. Les lumières mouvante du tunnel lui donnaient un air inquiétant.
- Je ne trouve pas ça si mal, moi. Non, attends, me regarde pas comme ça, je vais t'expliquer, l'apaisa-t-il. Ok, tu t'es fait botter les fesses sévèrement, mais ce n'est pas une mauvaise chose. Ross le dit tout le temps, notre survie dépend de notre capacité à travailler ensemble, au-delà du fait que certains d'entre nous, aient des capacités ; Et le fait qu'ils te voient avoir des problèmes de filles, bah, ça te rend plus normal à leur yeux. Moins inaccessible.
Cameron le dévisagea.
- Tu ne nous trouves pas normaux ?
- Cameron...Tu peux voler, j'endors les gens autour de moi et je peux trifouiller leurs souvenirs. Franchement, on est loin de l'ordinaire !
La réplique lui tira un sourire. Ils émergèrent du tunnel sur la plateforme D.
- Tu vas où, maintenant ?
- A la serre, jusqu'à la pause de midi.
- Chanceux va ! Moi j'ai cours d'histoire avec Aloïs ! Il parle en énigme, je comprends rien, je déteste ça !
- Oh arrête, il n'est pas si mal, s'amusa le brun dont les paroles de son ami lui rappelaient celles de Light.
Il laissa donc un Morphée un poil grincheux et prit l'un des ascenseurs en direction des étages supérieurs.
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