Le Meilleur Camp (V)


Il fallut quelques instants seulement à Elisa pour pénétrer dans la cabane d'Honoré, ses yeux s'habituant peu à peu à l'obscurité qui se faisait moindre de minute en minutes à la lueur des flammes qui grimpaient vers le ciel et dévoraient les arbres un peu plus loin.

Délaissant les cris d'alarmes qui montaient des Anonymes au sol, la Maraudeuse se glissa silencieusement au milieu de l'habitation, faisant bien attention à ne rien bouger de place et à esquiver les fenêtres. Elle poussa un grondement frustré quand une fois près du bureau elle constata l'absence de la besace.

Merde, fais chier !

Hors de question qu'elle reparte les mains vides. Le sac devait forcément se trouver quelque part. Méthodiquement malgré une certaine frénésie, Elisa se mit à fouiller les tiroirs du bureau qui se révèlèrent remplis de paperasses inutiles.

La besace à fait un bruit métallique quand il l'a rangé, se rappela la Quatre en ouvrant les tiroirs au dessus de l'évier. Ou est-ce que c'est ? 

Il fallait qu'elle trouve rapidement, le feu ne durerait pas éternellement. Son seul espoir de gagner du temps, c'était que celui-ci poussé par le vent ne s'attaque à d'autres cabanes. De la sorte, les Anonymes seraient bien trop occupés à tenter de le contenir pour faire autre chose et elle, elle aurait déjà filé quand le chef se rendrait compte qu'il lui manquerait quelque chose. Une brève nausée s'empara d'elle alors qu'elle s'imaginait incapable de trouver l'objet, et elle inspira un peu trop bruyament pour chasser son inconfort. Dehors, les cris redoublèrent alors que dans un bruit assourdissant, quelque chose s'écrassait au sol. Elisa releva la tête et s'arrêta un instant, se demandant si Aimé, Arthur et Perceval allaient bien. Elle grimaça : 

Et puis merde, rien à foutre ! 

Enfin ses doigts butèrent ! Extatique, elle retenta une nouvelle fois d'ouvrir le tiroir sous la table. Il refusa de bouger. Avec empressement, elle arracha de ses cheveux une des épingles qu'Aimé avait glissé dans ses cheveux et s'attaqua à la serrure. Bien que la technique ne lui était pas étrangère, la jeune femme dût s'y reprendre à trois fois avant de toucher au but tant ses mains tremblaient. Un rire fou manqua de lui échapper à la vue de la besace. Elle était là, elle était là ! Mais pas que, ses objets à elle aussi se trouvaient là, son coutelas que lui avait confisqué Modi et son vieux revolver. Pour un peu, elle en aurait lâché des larmes de joie. Mains tremblantes, elle glissa son coutelas à sa ceinture, appréciant un instant le poids réconfortant de celui-ci contre sa hanche, elle fit de même avec son revolver en s'assurant qu'il était encore chargé de ses munitions. Rassérénée, elle se saisit du sac de cuir.

Elle pinça les lèvres quand sous le coup du mouvement, son contenu émit un tintement. Tout son lui paraissait bien trop bruyant. 

Qu'est-ce que c'est que ce truc ? se questionna-t-elle.

Elle hésita une minute. Après tout ce qu'elle avait eu à faire pour en arriver là, elle avait bien le droit de savoir de quoi il s'agissait après tout. La jeune femme enfonça sa main dans la besace et ses doigts se refermèrent sur une surface rugueuse et froide. C'est sphérique, constata-t-elle en parcourant la boule métallique. Elle n'eut cependant pas l'occassion d'en apprendre davantage, un instinct primaire la faisant se jeter au sol. 

Le bruit de la lame se plantant dans le bois faisait encore grand bruit dans ses oreilles quand le coeur battant, elle fit tomber devant elle la table d'un coup de pied. Un abri temporaire somme toute, mais un abri quand même. Furtivement, elle jeta un oeil par dessus sa barricade avant de plaquer son dos contre le bois noueux de la table à diner d'Honoré.

— Tu as raté mon coeur, railla-t-elle en s'emparant de son revolver.

— Rassure toi, je ne raterais pas la seconde fois, répliqua vertement Margot.

Elisa s'évertua à respirer calmement. 

— Comment tu as su ? questionna la Quatre.

Ses yeux verts scrutaient la fenêtre devant elle et son cerveau tentait de calculer si ce qu'elle s'apprêtait à faire était réalisable. Un autre bruit lourd se fit entendre à l'extérieur et les cris avaient laissé place a une symphonie de lamentation.

— Est-ce que ça a une importance ?

Margot bougea dans son dos et Elisa s'empressa de tirer une première slave dans sa direction.

— Tu es encore en vie ?

— Ouais, pas de chance, hein !?

Un rire échappa à la jeune femme alors que la chasseuse reprenait : 

— Honoré, Modi, Raphaël et les autres ne font pas tarder ! 

— Et moi qui pensait qu'on aurait un moment en tête à tête tranquillou, répliqua la Quatre avec sarcasme. 

La respiration des deux jeunes femmes étaient devenues lourdes, la fumée dégagée par l'incendie la rendant désormais difficile. La main droite d'Elisa glissa sur le manche de son arme, lui démontrant aussi que la température avait grimpé en flêche. Il fallait qu'elle dégage d'ici.

— Ne m'oblige pas à faire ça ! cria-t-elle à son ancienne camarade.

— T'obliger à faire quoi, à me tuer ? Car tu penses avoir une chance ? 

La Maraudeuse roula des yeux.

— Je ne parlais pas de ça !

— De quoi alors, s'agaça Margot.

— De ça, lui apprit la jeune femme en se jetant par la fenêtre.

L'élan fût trop important et alors qu'elle quittait la cabane bien moins discrétement qu'elle ne l'aurait voulu, les barrières de bois l'entourant ne l'arrêtèrent pas et il s'en fallut d'un cheveux qu'elle manque le pont de singe dans sa chute.

Avec un main aggripant la besace et son arme, la seconde l'une des planches, Elisa n'eût pas le temps de souffler qu'un crac menaçant brisa l'air. La moitié droite du chemin suspendu céda et l'entraîna vers le sol. L'exclamation de peur qu'elle poussa se transforma en grondement de douleur alors qu'elle s'étalait de tout son long sur le dos. Cherchant à récupérer l'air qui lui manquait, elle ouvrit la bouche dans une inspiration gigantesque avant de manquer de s'étrangler et de tousser allégrement. Chancelante, la vision obscurcie par des milliers de points noir, elle détala.

Il n'était pas question d'attendre pour savoir si Margot avait sonné l'alerte plus que de raison, il fallait partir, courir et retrouver Jimmy et Louise. Laisser tout ça derrière soi et oublier Aimé, Arthur, Perceval et tout les autres. Jouant agressivement des coudes, elle bourait tout ce qui se trouvait devant elle avec la force d'une démente. Anonymes, étales, rien n'avait plus d'importance. Son bras gauche s'engourdissait de minutes en minutes et c'est alors qu'elle arrivait près de la grande porte qu'elle prit conscience du couteau planté dans son omoplate. La tête lui tourna.

Papillonant des yeux, elle attrapa la première personne à sa portée. Le plan ne s'étant pas déroulé comme prévu, il était temps d'improviser.

— Ouvre moi la porte, gronda-t-elle.

— Je ne sais pas comment on fait, couina une fois qu'elle regretta d'entendre.

— Lâche mon frère ! s'époumonna Arthur.

Sa vision s'éclaircissant un peu, Elisa fit un pas en arrière vers la porte tout en ramenant Perceval contre elle. De sa main droite, elle activa le barillet de son revolver et le pointa sur la tempe du brun à lunette, défiant ceux qui se pressaient vers elle d'avancer encore. Le garçon couina de plus belle, augmentant la pression sur le crâne de la Quatre qui la faisait déjà souffrir.

— Ouvrez-moi cette putain de porte ! rugit-elle en direction de Modi, Raphaël et Margot qui lui faisait face.

— Ne fais pas davantage de conneries, gamine, gronda Honoré sur sa droite.

Son visage était couvert de suie et ses yeux perçant, si familier, si nostalgique tirèrent un bruit étranglé à la jeune femme.

— La ferme ! 

— Arthur, elle à la clé ! s'écria Perceval.

— Non ! rugit Honoré.

Le chef des Anonymes fit un pas en avant et Elisa tira dans sa direction, le manqua de peu avant de pointer de nouveau son arme contre la tête de l'ancier Paladin.

— Personne ne bouge ! 

— Caroline, laisse mon frère...

— Ce n'est pas mon nom ! 

Le prénom de sa mère utilisé maintenant la rendait malade.

— Lâche mon frère, répéta Arthur dont l'ordre fut ponctué de plusieurs feulements.

Les yeux d'Elisa trouvèrent Zeff et ses Lynx, tendus à l'extrème avant de retourner sur le visage d'Arthur.

— Par le Roi, fulmina-t-elle. Si ils s'approchent de moi, j'explose la tête de ton frère.

— Elle bluff, fit Margot.

Un rictus s'échappa des lèvres d'Elisa avant qu'elle n'appuie sur la détente. Perceval hurla, gigotant dans tout les sens et elle crût un instant le lâcher alors que sa chaussure s'imbibait de sang.

— C'est mieux que ta tête, gronda la Maraudeuse contre son oreille, puis pour les autres elle ajouta, passant au dessus du rugissement d'Arthur : Mais vous allez m'ouvrir bordel de merde ! 

L'instinct fraternel la sauva et quand Arthur lui ouvrit la porte, la jeune femme poussa son frère au milieu de la bande.

Encore une fois elle ne s'attarda pas. Elle courrait et ça aussi vite qu'elle le pouvait, les autres sur ses talons, humains et bêtes avec pour seul moteur le visage de son petit frère et de sa petite soeur. Qu'ils aillent tous se faire pendre, elle ne mourrait pas ici ! La puissance de l'amour, Elisa ni croyait absolument pas, mais pourant par deux fois durant sa course aveugle, elle eut l'impression de voler, d'avaler la distance d'un rien, comme si celle-ci n'existait pas et quand ses jambes menacèrent de lâcher un éclair bleu frôla sa joue pour se perdre dans les arbres derrière elle. La jeune femme s'écroula au sol au moment ou l'escouade de Griffe déchirait le Mur. 

Un haut le coeur la fit convulser au sol alors qu'on la tirait vers l'avant par le col du T-shirt sous les coups incessants des blasters.

— Tu l'as gamine ? questionna la voix désagréable de Griffe.

La Quatre poussa le sac dans sa direction, le corps tremblant.

— T'en auras fallut du temps ! Mais bon travail.

Relevant la tête, Elisa croisa le regard sombre du Paladin dont les traces de griffures s'estompaient déjà tandis qu'un hurlement s'élevait dans son dos.

— Caroline, ou qui que tu sois ! Tu t'es foutu de moi gamine ! On était dans le même camp ! 

Griffe se releva et Elisa l'imita vaille que vaille, haletante, chancelante et au bord de l'évanouissement. Elle ignorait pourquoi elle sentait se besoin étrange de se justifier, pourtant elle le fit et avec toute la force qui lui restait, elle hurla en direction des arbres, tâchant d'atteindre les Anonymes dissimulés ça et là : 

—  C'est faux, je suis sans laisse, sans loi et sans limite ! J'ai toujours été dans le même camp, le meilleur camp, le mien !


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top