Le Meilleur Camp (II)
L'eau de la rivière était bruyante. Furieuse et violente, elle éclaboussait d'écume les pierres mousseuses vagabondant aux pieds d'Elisa.
La maraudeuse grelotta. C'était le cinquième sceau qu'elle remplissait ainsi dans le court du torrent et ses mains avaient viré au bleu, pour autant, la jeune femme trouvait cet exercice étrangement apaisant.Il était plus facile d'organiser la suite de son plan dans ce décor. Bien qu'encore un peu maigre à son goût, celui-ci s'étoffait petit à petit aux grès des informations qu'elle parvenait à glaner.
Le meilleur moment pour agir serait sans aucun doute cette fête que Margot avait évoqué. Il lui faudrait être patiente. Elisa inspira profondément. Du calme et de la patience, ça elle pouvait en avoir, notamment ici. Sur le bord de l'eau, le silence était de mise et les pêcheurs plus loin sur sa droite mettaient cette règle en pratique avec rigueur. Margot elle-même avait cessé son bavardage incessant dès lors qu'elles avaient atteint la rive. Sa voix ne résonnait plus que pour traduire excitation et allégresse quand une prise mordait à l'hameçon ou au contraire, frustration et juron quand sa proie se jouait d'elle.
Délaissant son travail le temps de s'étirer, elle promena ses yeux verts sur le paysage. Jimmy et Louise adoreraient cet endroit. Des cabanes dans les arbres aux parties de pêches dans la rivière, tout appelait à l'abandon, à un retour au source. Il lui était facile d'imaginer les deux petits grandir ici. Louise aurait sa liberté, Jimmy sa dose d'aventure...
A quoi bon, se rabroua la Quatre après quelques minutes de contemplation. Jimmy à besoin de son traitement, traitement que l'on ne trouvera certainement pas ici.
Roulant des épaules, elle effaça de ses pensées son utopique songe et ramena son regard vers son point de départ. Plus que quelques sceaux et elle en aurait fini pour ce matin. C'est l'instinct qui lui fit relever les yeux, bien plus que les tâches blanches qui circulaient à la périphérie de son œil gauche et c'est l'instinct encore, qui la fit se tendre comme un ressort devant les deux Paladins sur la rive opposée.
— Margot ? appela-t-elle en dévisageant les deux Blancs.
Que foutaient-ils là ? Griffe n'avait jamais mentionné d'incursion de la part de ses hommes durant la période de sa mission. Ils se détestaient cordialement tout les deux, mais la Maraudeuse ne pouvait pas croire qu'il risquerait de compromettre la récuparation de l'objet de la sorte. Pas alors que c'était lui qui l'avait démarché.
Alors quoi, une autre escouade ? Cela sentait mauvais.
— Margot, répéta la jeune femme avec un peu plus d'insistance.
— Quoi, gronda la chasseuse. Tu fais chier Caroline, ça mordait !
— Rien à foutre de ta ligne ! Regarde !
Il fallait agir, il y avait des Paladins sur la rive opposée ! Voilà ce qu'Elisa aurait voulu dire à la jeune femme, mais la vue de ces deux Paladins armés de canne à pêche la laissa interdite.
— Mais qu'est-ce que...
— Hé ! rugit Margot à son côté la faisant sursauter malgré elle. Qu'est ce que vous faites les deux idiots ! On avait dit quoi a propos des uniformes ! Vous rendez tout le monde anxieux !
Sa voix portait si fort ici, que même l'eau grondante ne l'étouffa pas et surpris les deux Paladins jaillir de leurs chaussures. Le plus petit, mou sur ses pieds, glissa et se mit à dévaler la rivière en poussant un cri strident :
— Arthur ! Au secours !
— Oh, il manquait plus que ça ! s'exaspéra Margot en dévalant de concert avec le deuxième Uniforme le lit de la rivière.
—Tu es contente de toi, crétine ! répliqua l'autre en la fusillant du regard. Tiens bon Percy, j'arrive !
Elisa les yeux écarquillé suivait le groupe, hébété, cherchant à comprendre l'absurtité de toute la situation. Ils poursuivirent ainsi le garçon de la rivière pendant une dizaine de minutes avant que celle-ci, certainement épuisée par ses cris aïgues incessants le laisse s'échoir contre sa berge un peu plus loin.
— Ok, tu m'expliques pourquoi deux Paladins pêchent ici comme si de rien n'était ? Grinça Elisa à Margot alors qu'elle et le jeune homme prénommé Arthur, relevaient le Blanc trempé.
La curiosité la faisait se tenir plus près qu'il aurait fallut, bien qu'elle estimait moindre la menace que pouvait représenter ce garçon grelottant.
— On est pas des Paladins !
— Plus, réctifia Percy en tremblant de tout ses membres. On est plus des Paladins.
— Alors pourquoi vous portez encore les tenues, bandes de crétins ! répliqua Margot en leur assénant une claque.
— Aie ! répliqua le plus grand.
— Elles offrent une isothermie appréciable contre le froid, expliqua le plus petit en remettant sur son nez une paire de lunette.
Elisa en doutait fortement. Il était trempé. L'eau ruisselait comme une cascade sur l'uniforme immaculé, rendant le jeune homme pitoyable avec ses cheveux brun bouclé lui tombant sur le front.
— Elle ne cherchait pas vraiment une réponse, Perçy.
— Vous êtes des déserteurs, comprit la Maraudeuse qui soupesait déjà le poids d'une telle information.
Elle pourrait peut-être gonfler la prime à la fin de la mission...
Perceval et Arthur, comme ils s'étaient nommés, former à ses yeux un étrange duo. Ils n'avaient en rien l'étoffe des Paladins. Sa réflexion lui tira un rictus. Pour autant, il était difficile de ne pas comparé ces deux énergumènes aux blancs qui l'attendaient de l'autre côté du Mur. Le premier était trop malingre, le deuxième lui paraissait trop inexpérimenté, trop laxiste. C'était à ce demander s'ils avaient fini leur apprentissage à l'Académie.
— Comme toi en somme, ricana Margot.
— Je ne suis pas une déserteuse, merci. Et le blanc n'a jamais été ma couleur.
l'Anonyme roula des yeux au ciel.
— Alors, accouche ! Pourquoi il y a deux Paladins ici !
— Tu es bouchée ou quoi, on te dit qu'on est plus des Paladins, on a quitté le Royaume ! Et puis toi, tu es qui d'abord ?
— C'est Caroline, elle est nouvelle..., appris Margot à Arthur, puis se tournant vers Elisa, elle ajouta :
— On à trouvé ces deux là il y a quelques semaines...
— Deux semaines et trois jours pour être tout à fait exact, trouva opportun de renchérit Percy.
— Perceval, on s'en fiche !
Se pinçant l'arrête du nez, Arthur dirigea un regard agacé vers son frère, mais la façon dont il avait de placer son corps à moitié devant celui de Perceval ne trompait pas quand à l'affection qu'ils se portaient. Une vague de nostalgie envahie Elisa. Elle avait tellement hâte de retrouver Jimmy et Louise.
— C'est pas ce que j'ai demandé, fit Elisa qui sentait une chemin de sueur parcourir son dos. Comment avez vous pu accepter de prendre avec vous "d'anciens" Paladins ! Vous êtes sûr qu'ils sont dignes de confiance au moins ?
La Maraudeuse avait le cerveau qui fonctionnait à toute allure. Elle voyait à la situation et à l'arrivée de ces deux Paladins dans l'équation plusieurs possibilités. Soit, ils n'étaient en réalité que deux espions à la solde d'une escouade ou peut-être même de l'escouade qui lui avait fait atteindre le Mur en premier lieu ; soit ils avaient réelement déserté comme ils le disaient et elle pouvaient alors se servir de l'excès de suspision et d'animosité de chacun à l'encontre des Blancs pour apaiser les doutes qui pesaient sur elle.
Dans tout les cas, elle jouait gros. Heureusement, elle n'avait jamais eu peur de jouer et elle était une putain de chanceuse...
— Et toi alors, tu es digne de confiance ? cracha Arthur en bombant le torse.
Un rire mauvais échappa à Elisa
— Certainement plus qu'un Blanc qui à couché et bouffé aux frais du Roi !
— Arthur, non !
C'est qu'il mordrait le roquet ! songea la Quatre qui sautait en arrière, évitant d'un mouvement le poing du jeune homme que son frère tentait vainement de retenir. Les bras autour de la taille de son frère, le brun à lunette s'évertuait comme il le pouvait à apaiser son binome qui rouge écarlate fusillait Elisa du regard.
— Ok, ça suffit vos gamineries ! s'écria Margot.
Elle gratifia les deux assaillants d'un coup de canne à pêche avant de pointer un index menaçant vers les deux frères.
— Remontez vous deux et retirez moi ces tenues ! Si vous ne le faîtes pas, je m'arrangerais pour que ce soit Modi qui vous les enlèvent !
— Pitié, ne faîtes rien, Modi me lâcherait la grappe comme ça ! appuya un peu plus Elisa moqueuse !
— Tu es sérieuse ?
— Toujours !
Non sans un dernier regard dans sa direction qui trahisait une certaine rancoeur, Arthur entraîna son frère avec lui à bout de bras, remontant le cours d'eau en direction du village. Quelques minutes plus tard, le temps de ramasser la canne abandonnée d'un des deux energumènes, les jeunes femmes les suivirent.
Margot fulminait et Elisa ayant estimé avoir suffisament distillé le doute était à présent silencieuse.
— Ce que tu as fait, c'est vraiment pas sympa, déclara la chasseuse.
— Quoi donc ? Tu ne vas pas me faire croire que tout va bien dans le meilleur des mondes et que les Anonymes sont prêts à acceuillir des Blancs comme ça ?
— Je n'ai pas dit ça ! persiffla l'Anonyme. Mais Honoré à décidé qu'ils restaient avec nous. Pour eux, ont fait une exception...Et franchement, tu les sens dangereux toi ? Tu me fais plus peur qu'eux en toute honnêteté !
— Si ce n'étais pas le cas, je t'aurais surement traité de folle. J'ai quand même tué un Lynx, glissa Elisa en adressant à sa camarade un sourire narquois.
Margot secoua la tête.
— T'inquiète, je te ferais pas de mal, Margot. J'ai de plus gros chats à fouetter...
La blague fit mouche et la chasseuse laissa échapper un rire musical avant de s'arrêter brutalement en fronçant les sourcils, comme si elle se sentait coupable.
— Ne dis pas ça devant Zeff, gronda-t-elle en luttant contre un sourire.
— Aller, dit moi pourquoi ces gars sont l'exception ? questionna mine de rien la Quatre en bourrant légèrement de l'épaule de sa camarade.
La jeune femme lâcha le morceau après quelques secondes d'hésitation et sa réponse fit presque s'arrêter Elisa.
— Ils ne sont pas venus les mains vides. C'est tout ce que je peux te dire.
Attrapant l'épaule de la Maraudeuse, elle ajouta un air sérieux sur le visage :
— Ecoute, ne cherche pas les ennuis. Et n'oublie pas, ici on est tous dans le même camp.
Elisa sourit.
Il était facile de sourire. Elle le faisait toujours pour Louise et Jimmy. C'était là le visage qu'elle voulait leur offrir afin qu'ils ne s'inquiètent pas. Mais ici dans cette forêt entourée d'Anonymes, ce sourire ne servait qu'à dissimuler le fait que non, elle et eux n'étaient pas dans le même camp.
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