L'Hôte (III)

Callie.

Cette dernière, d'un pas assuré, la tête haute et avec toute la grâce dû à son secteur, se fraya un chemin jusqu'au table du secteur Quatre. Le leur, et bien qu'Alexandre fut habitué à ce spectacle où chaque regard se tournait sur le passage de la princesse de l'ouest, il ne put s'empêcher de baisser les yeux, intimidé, lorsqu'elle parvint à leur table. Il était chaque jour ébahi par l'assurance de la jeune femme.

Elle adressa aux trois autres un sourire mince avant de s'asseoir, Alexandre lui rendit son geste avec timidité et reprit sa place.

Elle était la seule à sa connaissance à témoigner autre chose que du mépris aux membres des secteurs en dessous du sien et plus particulièrement au Quatre.

Si tous dans celui-ci n'étaient pas amis avec Callie, le jeune homme était pour autant certain que la Une pouvait les compter comme alliés en cas de coup dur.

Mais bien sûr, ce n'est pas du goût de tout le monde, pensa-t-il sombrement en voyant une Une se diriger vers eux, plateau en main.

- Callie, ma belle, interpella la nouvelle venue sous les regards sombres du Quatre. Excuse-moi, mais j'avoue être confuse. Que fais-tu au juste ? J'ai d'abord cru qu'il s'agissait de prouver quelque chose, mais nous devons nous rendre à l'évidence. Ce petit jeu se poursuit sans discontinuer depuis que le ciel a blanchi, alors est-ce que c'est de la charité ? poursuivit la jeune fille dont chaque mot trahissait un certain agacement avant que leur amie ne la coupe avec calme et fermeté.

- Il ne s'agit là en rien de charité, mais d'amitié, cependant je peux comprendre ton incrédulité, il est vrai que c'est un concept plutôt rare dans le Un.

Pendant un instant, la Une et Alexandre restèrent stupides. Ébahis par la réplique cinglante. L'adolescent glissa un regard effaré à ses camarades. Julie semblait aussi ébahie que lui, mais les yeux d'Élisa eux, brillaient d'amusement.

Bouche entrouverte, la Une échappa un gloussement gêné avant de secouer la tête :

- Il doit y avoir une erreur, Callie...

- Calliope. Je m'appelle Calliope.

Les deux jeunes filles se fixèrent froidement du regard maintenant et alors que son amie se levait, Alexandre ne put s'empêcher de penser qu'il y avait autre chose entre elles, dissimulé derrière cette histoire.

- Ce sont des Quatre, asséna la fille. Ils ne sont rien et ne seront jamais rien !

- Je n'ai en aucun cas besoin de me justifier auprès de toi, je mange où je veux, quand je veux et avec qui je veux. Maintenant, s'il t'est si désagréable de me voir ici, je ne te retiens pas, car si je suis entourée d'amis, je ne t'en vois aucun ici.

Alexandre retint sa respiration comme (et il s'en aperçut ensuite) la totalité du réfectoire.

- C'est une menace ?

- Un conseil, entre gens civilisés.

- Ne pense pas t'en tirer de la sorte, tu te déshonores, tu déshonores ton nom et tu déshonores ton secteur. Monsieur mon père en entendra parler.

- Parfait, s'égaya Callie. Je ferai également la commission à mon père, il a toujours adoré que je lui parle de mes journées. Et je n'oublierai pas de mentionner la fille du sous-directeur général du conglomérat.

L'autre pâlit.

- Il y aurait un problème ? questionna alors un Paladin.

Flanqué des six autres membres de son escouade, il se posa entre les deux jeunes filles.

Alexandre, Julie et Élisa se levèrent aussitôt pour saluer.

-Lady Leroy, Lady Barthélémy ? fit la tenue blanche sans prêter attention aux trois autres.

- Ce n'est rien, nous échangions juste quelques banalités, mais il semblerait que nous ne partagions pas le même point de vue. Le ton est monté, mais rien de grave pour autant, Lady Barthélémy s'apprêtait justement à rejoindre ses camarades. N'est-ce pas ?

Leur amie appuya un regard en direction de la Une qui après un reniflement dédaigneux, tourna les talons.

- Et vous, Lady ? reprit le Paladin en glissant un regard vers Alexandre et les filles.

- Moi, je suis parfaitement à l'endroit où je dois être.

Callie adressa un sourire au Blanc.

- Vous pouvez nous laisser.

- ...Bien, acquiesça l'homme avec une pointe de réticence.

- Tu es sûre de toi ? demanda Alexandre, une fois tous rassis.

- Certaine, répliqua la brune.

***

Sur le chemin du retour à la fin des cours, Alexandre ressassa les différents événements de la journée. Celle-ci avait été épuisante mentalement.

Il y avait d'abord eu l'alerte et la disparition de Sarah, puis par deux fois, il avait craint d'avoir été exposé et enfin, il y avait Callie, qui malgré sa provenance et son statut d'élite était une fois de plus venue manger à leur table. Tout ça était dangereux. Il appréciait le geste, certes, mais ça n'en restait pas moins contraire aux règles.

Les Un mangeaient avec les Un et les Quatre avec les Quatre. Et s'il prenait l'envie à la fille de parler ? Et que les Paladins ne se mettent à fouiner dans leur vie, curieux de l'attention et de l'affection que leur portait la fille Leroy ? Il se rabroua mentalement, agacé de sa trop grande angoisse. Rien n'était jamais arrivé jusqu'à présent, il était en sécurité et sa famille aussi et ce n'était pas comme si la Zone n'était pas consciente des penchants de la famille de son amie. Tout le monde savait officieusement que les Leroy, par exemple, finançaient les Courses de la famille Chase et cela depuis Aaron Chase, le père de Sarah et Lucas.

Pourtant, malgré cela, il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet. Il se sentait vulnérable aujourd'hui. Peut-être plus qu'à l'accoutumée. Aurait-ce un rapport avec... Il effleura doucement la peau derrière son oreille droite avant de sursauter. Son BI venait de sonner. C'était Lucas, qui l'informait qu'il allait ramener Sarah à la maison, tout allait bien.

- Tout va bien, répéta-t-il dans un murmure.

Vraiment ? Il pressa le pas.

Lorsqu'il arriva finalement en vue de son domicile, il n'était toujours pas plus serein. C'était étrange, la façon dont il avait tellement envie d'être à la maison et à la fois de ne pas rentrer. Car la journée, il s'en doutait, était loin d'être finie.

Il s'arrêta net en plein milieu du lotissement, sous le saule pleureur.

De là où il se trouvait, il n'était pas difficile de ressentir l'angoisse de la maisonnée. Il eut un petit rire. De toute les maisons en réalité. Portes et fenêtres closes partout. C'était ce soir, difficilement supportable pour le jeune homme.

De nombreux bruits de pas vers l'entrée du lotissement lui firent tendre l'oreille et tourner la tête. Sûrement des Paladins, le couvre-feu était rehaussé les jours d'alerte et toute activité, travail comme loisir, suspendus jusqu'à nouvel ordre.

Mieux valait bouger. Il trottina jusqu'à chez lui et s'engouffra dans la maison au moment où l'escouade blanche tournait au coin de la rue.

Comme il l'avait prédit sans grand mérite, l'atmosphère était étouffante à l'intérieur et la boule dans son estomac s'alourdit. Dans l'entrée, ses yeux tombèrent sur une troisième paire de chaussures. Elle lui fit tirer un mince sourire résigné en se déchaussant. Bien entendu...songea-t-il.

Il s'engouffra silencieusement dans le couloir menant au salon. Sur la droite dans la cuisine, quelque chose mijotait et sur la gauche, l'escalier menant à l'étage lui tendait les bras. L'idée d'immédiatement se rendre dans sa chambre lui traversa l'esprit une fraction de seconde avant qu'il ne se résigne encore une fois avec agacement. Pour la deuxième fois consécutive, il se retrouvait en proie à des émotions contradictoires. À la fois soulagé de la présence de leur invité et dérangé qu'il soit là, ou plutôt inquiet qu'il soit là.

Sa mère pliait du linge quand elle le vit. Elle arrêta immédiatement pour venir le serrer contre elle.

- Mon bébé, murmura-t-elle en prenant son visage entre ses mains.

- Je vais bien.

Son père, moins démonstratif, se contenta de quitter le canapé pour venir lui poser une main ferme sur l'épaule.

-Fils.

Alexandre rassura ses parents d'un léger sourire avant de tourner son regard vers leur invité.

Celui-ci avait aux lèvres une tasse qu'il reposa doucement sur la table basse en le voyant. Ses yeux vairons se fixèrent sur lui et, d'un léger mouvement de tête, il le salua avant de se réinstaller dans le fauteuil près de l'âtre.

- Bonsoir, Alexandre, je t'en prie, ne reste pas debout.

D'un geste, il lui indiqua son propre canapé sur lequel l'adolescent s'assit. Impossible de ne pas voir sur ses genoux, l'imposant pistolet seringue, Alexandre en ressentit aussitôt des picotements derrière son oreille droite.

- Bien, et maintenant, parlons un peu d'aujourd'hui, veux-tu ?  

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