L'Hôte (II)
L'adolescent erra ensuite dans les couloirs, ce dirigeant automatiquement dans les étages supérieurs, vers le mess.
Ainsi donc, Sarah était à l'hôpital. Voilà qui expliquait bien des choses. Premièrement, pourquoi il ne pouvait pas l'atteindre. Il se détendit, inspira largement et laissa filer ses pensées vers son amie.
En quelques secondes, de la confusion le heurta de plein fouet. Il ouvrit les yeux et battit des paupières pour s'en défaire. L'émotion se dissipa peu à peu et Alexandre, soulagé, poussa un soupir.
Seuls les morts ne ressentaient plus rien. Sarah allait bien.
- La Terre à Alexandre ? chantonna alors une voix à ses oreilles, le faisant sursauter.
C'était Julie, la fille pour laquelle il avait le béguin depuis des années maintenant, mais avec laquelle il était coincé dans la catégorie ami, tant il n'osait lui avouer ses sentiments.
- Salut, Julie, désolé, j'étais ailleurs, s'excusa-t-il avec un sourire.
- J'ai vu ça, où étais-tu parti ? questionna-t-elle en riant.
Il ne répondit pas immédiatement, prétextant chercher une explication à sa question, il en profita pour observer la jeune femme. Il aimait tout chez elle. Il aimait ses profonds yeux noisette, la façon dont elle repoussait ses cheveux dorés derrière son oreille dans un geste délicat, il aimait voir son visage s'illuminer lorsqu'elle parlait d'un sujet lui tenant à cœur, sentir son odeur, entendre sa voix, le petit mouvement qu'elle faisait avec son nez lorsqu'elle était contrariée et ses lèvres, ses lèvres toutes roses et qu'il imaginait si douces et chaudes.
Ces quelques pensées osées le firent rougir et il s'ébroua mentalement.
À quoi penses-tu, enfin ! Ressaisis-toi, Alexandre.
C'était fascinant de voir à quel point la demoiselle pouvait le rendre si démuni. Lorsqu'il s'agissait d'elle, le jeune homme en venait à se demander s'il avait réellement un quelconque pouvoir.
- Nulle part, répondit-il finalement avec un haussement d'épaules. Je rêvais, voilà tout.
- Tu as toujours été un rêveur, confirma la jeune femme.
- Non, objecta une troisième voix qui les fit se détourner. Je ne dirais pas qu'il est rêveur, mais plutôt émotif, beaucoup trop émotif !
C'était Élisa, une autre de leurs amies, elle était aussi châtain que Julie était blonde, elle possédait de hautes pommettes et une détermination froide que lui avait inculqué la vie qu'elle menait et qui transpirait à travers ses yeux vert sombre. Bien que plus courte que lui, Alexandre ne s'y serait pas frotté, car il la savait prête à tout.
- Je t'ai déjà dit que tu devais t'endurcir, déclara l'adolescente en lui assénant de petites tapes sur l'épaule avant d'embrasser Julie.
Puis regardant de gauche à droite, elle demanda :
- Sarah n'est pas avec toi ?
- Non, elle est...
- Étrange, vous êtes toujours ensemble, la coupa la brune sans lui laisser le temps de finir.
- Si tu me laissais continuer aussi...
Il rapporta à ses camarades les nouvelles de son professeur, et quand il eut terminé son récit, Julie posa une main contre son cœur.
- Elle va bien ? Elle est blessée ?
- Je n'en sais rien, on ne m'a rien dit de plus.
Elisa fronça les sourcils, pensive.
- Que pensez-vous que les Paladins vont lui faire ? Dehors lors d'une Alarme ! Ce n'est pas ce qui va l'aider lorsqu'elle va être confrontée à eux.
Alexandre lança un regard aigu à la jeune fille alors qu'à côté de lui Julie blêmissait.
- On ne sait rien du tout. Pour l'instant, elle est à l'hôpital, il n'y a aucune raison de penser que les Paladins lui feront quoique ce soit ! Et Lucas doit déjà être en chemin pour aller la chercher, je n'arrive pas à le joindre lui non plus.
Puis se tournant vers Julie, il ajouta :
- Je suis sûr qu'elle va bien !
Ce à quoi la blonde hocha vivement la tête tandis que l'autre ajoutait :
- Oui, oui, bien sûr. C'est de Sarah dont on parle après tout. Elle a toujours été dure au mal.
L'adolescent acquiesça en silence.
Bientôt, ils mirent fin à leur conversation. Ils approchaient des portiques de sécurité et mieux valait que celle-ci ne tombe pas dans de mauvaises oreilles. Si les Paladins qui contrôlaient l'entrée du mess venaient à entendre leurs mauvais commentaires sur eux, alors les trois jeunes gens étaient sûrs de passer également par une interrogation et cela n'était en rien bien réjouissant.
La salle où ils se regroupaient pour déjeuner était de loin la plus grande de l'établissement. Elle se devait après tout d'accueillir la totalité des élèves, soit un nombre confortable de deux-mille quatre-cent trente individus.
Alexandre avait longtemps été sidéré de la grandeur du lieu. Mais la démesure avait toujours fait partie du Secteur Un. Et il n'osait imaginer ce à quoi pouvait ressembler un espace destiné à la même chose, dans la Capitale. Probablement ne le saurait-il jamais, cachée derrière l'épais mur de séparation du premier secteur, elle lui dissimulerait à jamais ses secrets à lui, l'habitant du Quatre.
Le mess était desservi par quatre couloirs, un pour chaque secteur. (On ne mélangeait pas les cochons et les étalons) Et chacun d'eux possédait un portique de sécurité par lesquels les élèves de chaque secteur se soumettaient chaque midi à une fouille et à un scan complet. De même, on trouvait aussi deux Paladins de part et d'autre de l'entrée du réfectoire.
- Tu peux passer, fit le Paladin près de l'entrée après qu'il se soit soumis à la coutumière fouille.
Alexandre reprit son sac et s'engagea dans le mess quand la voix du gardien résonna une fois de plus dans son dos.
- Hey, toi !
L'adolescent se figea avant de se retourner lentement. Sourcils froncés, la tenue blanche s'approcha de lui et d'un geste sec, lui réajusta le col.
- On est peut-être du Quatre toi et moi, mais c'est pas une raison pour être débraillé.
Ses yeux le scrutèrent intensément derrière son casque à visière.
- File, ajouta-t-il.
Avec un hochement de tête, Alexandre s'empressa de rejoindre ses camarades, un filet de sueur lui coulant dans le dos. La peur faisait battre son cœur à tout rompre.
- Bon sang, j'ai eu une peur bleue ! chuchota Julie, le privant de ses mots.
Elisa laissa échapper un bruit confirmant qu'elle aussi et le jeune homme tenta de blaguer pour les rassurer, mais son ton était précipité, cela ne trompa personne, même pas lui.
- Je l'avais fait pour vous. « Les filles adorent les mauvais garçons ! » m'avait dit Lucas.
La plus petite éclata quand même d'un rire.
- Toi, « un mauvais garçon » ? Et pourquoi pas un Évolué pendant que t'y es ! On aura tout entendu.
Il grimaça.
Une fois à table, Alexandre examina d'un œil critique l'assiette dans son plateau.
Cette chose est censée être de la purée ?
L'odeur ne s'en approchait point, de même que la couleur et avec un peu d'imagination, il était persuadé que ça n'en avait pas le goût.
Je ne me souviens pas que ça ait cette texture là non plus.
Dépité, il glissa un regard aux filles. Toute deux ne pipaient mot et leurs assiettes commençaient déjà à se vider, bien que l'on distinguait sur leurs traits le même dégoût qui l'animait.
Lui qui s'était évertué à ne pas regarder le buffet du Un et tous les mets de qualité qui s'alignaient dessus, il le regrettait désormais. Peut-être cela l'aurait-il mis suffisamment en appétit pour enfourner l'étrange mixture.
Dans l'espoir de retarder encore un peu le moment fatidique, il leva le nez et observa ses camarades de secteur.
À eux tous, ils formaient la grande majorité des élèves de l'établissement, si bien que les tables attribuées aux élèves de son secteur même collées les unes aux autres prenaient énormément de place. Bien vite, il dut se rendre à l'évidence, les traits tirés, les conversations moroses et chuchotées, n'empêchaient en rien la digestion du semblant de purée qu'on leur avait distribué. Les assiettes se vidaient.
Il faut bien tenir jusqu'à ce soir, se résigna le jeune homme, fourchette en main.
L'ustensile avait à peine approché ses lèvres que la voix d'un des gardiens de couloir résonna à travers la salle, annonçant l'arrivée de nouveaux pensionnaires :
- Secteur Trois !
D'un unique mouvement, la totalité des élèves du secteur Quatre se levèrent pour accueillir les nouveaux venus. Une marque de respect, un geste de soumission à ceux au-dessus d'eux.
Les conversations et les rires des élèves du Trois retentissaient alors que dans un silence religieux, ceux du Quatre attendaient que leurs voisins de secteur ne s'installent à leur tour. Quand ce fut fait, tous se rassirent pour répéter cette action encore deux fois, lorsque les élèves du secteur Deux et ceux du Un pénétrèrent dans le réfectoire désormais bondé.
Parmi l'élite restreinte du secteur Un, le jeune homme distingua sans peine la chevelure de jais de la fille d'un, si ce n'est du plus important membre du secteur Un.
Unique cascade de couleur nuit au milieu de cheveux plus clairs, tirés à quatre épingles.
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