Il y avait une expression que Sarah adorait, elle la tenait de son cours d'histoire et bien que n'étant pas des plus réjouissante, celle-ci semblait faite pour la situation.

Aller de Charybde en Scylla. Eviter un monstre ou un problème uniquement pour se précipiter vers un autre. Comme c'était ironique...

Mais elle ne laisserait pas ce monstre-ci lui prendre son frère !

Jamais les Paladins n'étaient descendus dans la cave, dans un sens, ils avaient été chanceux... Enfin presque tous, l'homme qu'elle avait tenté de ranimer était mort sous ses doigts alors qu'elle s'épuisait dans un effort qui s'était révélé vain.

Une semaine s'était écoulée depuis le Grand Partage et la vie avait étrangement repris son cours, mais les stigmates de cette journée étaient bel et bien présents dans la Zone. Lucas avait eu raison.

Les hommes étaient retournés au travail, escortés par les matraques électriques, le couvre-feu était de nouveau de rigueur, des patrouilles tournaient régulièrement dans les quartiers, si bien que Julie et Solange avaient dues stopper leur activité et fermer l'hôpital de la cave, un vrai crève-cœur. On avait remplacé pour l'occasion les Paladins de l'Ouest par d'autres, venant d'ailleurs et envoyer sur place des Inquisiteurs.

Il fallait maintenir la Paix du Roi.

Ce n'était là que des changements logistiques, et Sarah ne pouvait croire que rien d'autre n'arriverait. Pas dans le cas d'un soulèvement, ce n'était pas possible, aussi l'attente du couperet était infernale.

Sous ses paupières closes le soir, la jeune fille revivait en boucle cette journée catastrophe qui se mêlait à ses maux de tête dont la douleur avait encore augmenté, elle avait l'impression permanente que quelque chose grondait dans son crâne.

Pour compléter le tout, des flashs lui revenaient de temps à autre, la narguant d'informations avant de refluer à un endroit où elle ne pouvait les atteindre, ils étaient trop flous. Une chose était sûre cependant, il s'était passé quelque chose un mois plus tôt dans cette usine et cette pensée l'excitait autant qu'elle l'effrayait. De la même façon que le faisaient ces yeux bleu-vert.

Aussi, pour s'échapper du tout, elle passait le plus clair de son temps dans le Secteur Un, dans le stand des Chase qu'on trouvait au bord de l'arène.

L'agitation qui y régnait seulement quelques jours avant la première course de la saison, lui occupait l'esprit. L'odeur du circuit l'apaisait un peu.

Mimant son frère qui s'abîmait dans la moindre usine à faire des horaires épouvantables pour subvenir à leur besoin, elle s'abîmait les yeux à revoir chacune de ses anciennes courses ou celle de son père, à pointer ses erreurs afin de ne pas les reproduire, c'était hors de question. Elle étudiait les anciens circuits jusqu'à les connaître par cœur, eux, mais aussi les habitudes des Maîtres du Jeu.

Ses entraînements avec Elisa tenaient désormais plus de l'exutoire dans lesquels, Sarah mais également son amie déversaient chacune leurs frustrations respectives. Si bien qu'un jour, Elisa avec un sourire carnassier lui avait dit qu'au moins : « Cette fichue journée avait eu un effet positif. » La rousse, n'était plus la seule à recevoir des coups et des bleus.

- Qu'en penses-tu ? Les Maîtres du Jeu sont plutôt friands de ce genre d'obstacles, ont devrait peut-être demander à Matthieu d'amplifier ton bouclier au cas où, fit Sarah en s'adressant à MAX.

Elle avait ouvert de moitié sa combinaison et observait une énième course que celui-ci faisait défiler par le biais de ses phares tout en maintenant fermement une compresse froide sur sa hanche gauche.

Je pense que cela serait judicieux, en effet.

- Elle m'a aussi dit de ne pas lésiner sur les coups-bas. Je n'aime pas ça ! Papa gagnait ses courses au talent et en utilisant le terrain à son avantage.

MAX eut un temps de réflexions. Sans doute rassemblait-il des données.

Les coups-bas sont encouragés durant les courses et tu n'es pas Aaron. Il serait idiot de perdre une course par droiture à l'égard tes adversaires qui eux n'hésiteront pas.

Sarah pinça les lèvres.

MAX avait surement raison, mais l'idée d'utiliser ce genre de stratagème ne l'enchantait guère, elle avait suffisamment « triché » plus jeune et souhaitait faire honneur à son père pour qui la droiture avait été un trait de caractère important. Et elle en avait assez qu'on la traite de tricheuse.

Elle était Flamme ou l'Écarlate ! Il était plus que temps que ses adversaires l'apprennent.

Tu ne pourras pas toujours gagner avec du talent, pas dans ces courses, tu n'es pas Aaron, serina une seconde fois MAX.

- J'aurais gagné la dernière fois, s'il n'y avait pas eu Delaunay et Prevost et tu le sais très bien.

Certes, mais tu n'as pas gagné. Eux, oui.

- Parce qu'ils ont trichés ! explosa la jeune fille.

Exactement.

Échappant un soupir frustré, Sarah se pinça l'arête du nez. Et ces maux de tête qui n'en finissait pas ! C'était à se cogner la tête contre les murs !

Elle ferma les yeux, inspirant profondément dans l'espoir de calmer la douleur lancinante.

Sarah...

La voix de MAX lui fit soulever les paupières. Son ton était... Urgent, voire inquiet.

Le Royaume est en train de diffuser une vidéo...

L'adolescente pensa d'abord à une vidéo de propagande. Celles-ci n'étaient pas rares et avec les récents évènements survenus dans la Zone, une telle diffusion n'aurait en rien été surprenante, mais l'émotion que traduisait MAX la dissuada de sa première idée.

- Que diffuse-t-il, demanda-t-elle alors que son cœur prenait un rythme plus abrupt.

MAX se contenta d'afficher la vidéo et dès lors, les images s'imprimèrent impitoyablement dans les rétines de Sarah et son cœur déjà angoissé, partit en remous chaotique.

Vers le châtiment public.

Vers son frère.

Lucas, était en train de se faire flageller.

Non, Non. Ce n'était pas possible, ses yeux lui jouaient des tours. Ce n'était pas son frère là-bas.

Son cerveau, son cœur, tout son être refusait ce fait.

Elle restait là, idiote les bras ballant et la bouche entre-ouverte, sursautant à chaque contact du fouet contre le dos de Lucas.

Ce furent  les bruits étranges que son bolide émettaient qui la sortir un tant soit peu de sa torpeur.

- MAX ? Qu'est-ce que tu as ?

Initialisation du programme Feu d'Hestia

- Programme Feu d'Hestia, c'est quoi le programme Feu d'Hestia ! Je comprends rien à tous ce qui ce passe, Lucas !!

La tête lui tournait et alors que sous son crâne tout n'était que fièvre, son corps lui était glacé.

- Je comprends rien, MAX ! Qu'est-ce qui se passe ! Qu'est-ce que je dois faire ! hurla-t-elle hystérique, des larmes lui brouillant la vue. MAX !

Fin de l'initialisation. Sarah... Allons chercher Lucas.