Eleven (IV)
Six messages vocaux et vingt-huit sms, une chose était sûre, Sarah n'était pas du genre à abandonner. Une qualité appréciable certes, mais son insistance empêchait le garçon de se concentrer comme il le fallait et ses interférences commençaient à lui peser.
Une nouvelle vibration à son poignet gauche, lui tira une grimace agacée.
Ah ? Non, c'était Lucas...Qui s'excusait du comportement de sa sœur.
Matthieu soupira. Il est vrai que l'ensemble de l'écurie s'était bien gardé de prévenir la rousse sur le sort précaire de son compagnon de course. L'inquiétude dont elle faisait preuve pour la relique de son père, lui faisait chaud au cœur.
Il assura donc au frère de la pilote que MAX était entre de bonnes mains.
C'était vrai, peu importe ce qu'il pourrait bien trouver, il s'était promis de ne rien divulguer qui mettrait davantage la famille Chase dans le viseur du pouvoir royal.
Mais il devait bien se l'avouer, il était lui aussi, extatique à l'idée de découvrir comment MAX et Sarah avaient réussi leur tour de force, les bolides n'étant normalement programmés pour « rouler » uniquement dans l'enceinte des arènes.
— Bon, MAX, je vais bientôt commencer mon exploration à l'intérieur de tes programmes, pardonne-moi, ça risque de te gêner un peu, fit-il en retournant à sa chaine après avoir lié le bolide écarlate à son terminal.
Pianotant quelques secondes sur son B.I. il laissa la voix de Lucas emplir la pièce à l'attention du partenaire de course de sa sœur.
Moi, Lucas Chase, autorise l'entrée au sein des programmes du véhicule immatriculé M256AX84.
Le tableau de bord de MAX s'illumina d'une couleur orangée et plusieurs fenêtres s'ouvrirent sur l'écran de Matthieu. Il les observa un instant, anxieux.
Pivotant sur sa chaise, il posa une nouvelle fois son regard sur la moto.
— MAX...J'entretiens avec Lucas et Sarah une relation de confiance depuis maintenant un certain nombre d'années. Peux-tu me dire quoique ce soit, sur la façon dont toi et Sarah vous avez réussi à atteindre la grande place du Un, avant que je ne m'enfonce dans ton esprit ?
—...J'ai bien peur de ne pas pouvoir t'aider Matthieu.
Le blond ne perçut aucun mensonge, rien ne laissant penser que ce n'était pas là, la vérité dans les paroles de MAX, aussi un fin sourire étira ses lèvres.
— Merci, et excuses moi encore pour le dérangement.
Plusieurs heures durant, il pianota en silence sur son clavier, son écran lui montrant nombre et nombre de choses, fenêtres de vie s'ouvrant et se fermant au grès de sa recherche. Des plans de courses, des enregistrements de courses et de discussions, les discussions qu'il avait pu avoir avec les membres de l'écurie Chase, rien en somme qui ne sorte de l'ordinaire, mais dont l'écriture sur l'écran noir, aurait laissé n'importe qui d'autre, idiot, incapable de comprendre quoique ce soit.
Jusqu'à présent, le Trois ne s'était aventuré qu'à la surface de ce qui composait MAX et loin d'être rebuté par le fait d'être bredouille, la perspective d'une information capitale dissimulée quelque part, l'enflammait. Il avait toujours adoré les défis.
Il était curieux. Il avait toujours été curieux.
C'est avec délicatesse qu'il s'enfonça dans la seconde couche, le cœur de MAX, ce qui faisait que celui-ci était ce qu'il était, un être complexe, doté d'une personnalité, de tendresse, bref ce qui le rendait humain à bien des égards.
Ses doigts hésitèrent un instant aux dessus des touches. Il n'arrivait pas bien à s'imaginer ce que pouvait bien ressentir le bolide écarlate, mais il se doutait que l'expérience ne devait pas être très agréable. C'était aux yeux de Matthieu, une violation totale de l'intimité de cet être.
Quelque chose d'ignoble.
Et pourtant...pourtant, il voulait savoir. Il voulait toujours savoir.
Il tourna la tête dans la direction du bolide rouge, lui adressant une excuse silencieuse avant de continuer son exploration.
MAX, ne disait toujours rien.
Il lui fallut beaucoup de minutie, mais il finit par trouver. Là, au milieu de ces lignes, quelque chose était différent.
Fronçant les sourcils, il observa attentivement le code qui défilait sous ses yeux, il y avait là un programme dans un programme, là en plein milieu, sous le nez même de tous.
Ingénieux, risqué, mais ingénieux, quoi de mieux que de dissimuler ce qu'on ne veut pas montrer à l'endroit où l'on trouve tout.
Après tout, les hommes sont si indifférents à ce qui se passe sous leur nez.
Cette fois, un vrai sourire étira les lèvres du garçon.
Oui, les hommes sont incurieux, heureusement pour lui, ce n'est pas le cas du blond, ça n'a jamais été le cas. Et de par les lois du Royaume, il n'est pas encore un homme.
Il ne lui fallut que quelques minutes pour assembler le puzzle dont les pièces sont camouflées çà et là dans l'intégralité de ce qui forme la conscience de MAX, et, au fur et à mesure que ses efforts se voient récompenser, le cœur de l'adolescent bat de plus en plus vite.
Ses doigts ne bougeaient plus sur le clavier, ils volaient, virevoltaient, si bien qu'il n'aperçut même pas le tableau de bord du bolide briller plus intensément, de même que la lumière au-dessus de sa tête.
Le boucan de ses battements de cœur dans ses oreilles, rendit le bruit du moteur de sa machine silencieux, il était comme enivré, mais ce n'est pas un cri de joie qui sortit de ses lèvres, mais une profonde frustration alors que tout se fit noir, laissant Matthieu dans l'ignorance, le néant.
Là, le garçon reprit son souffle, il avait l'impression d'avoir couru un marathon.
Dans un clignotement agaçant, la lumière revient petit à petit et le blond grogna. Si près du but...
La poignée de porte qui s'agita violemment le fit sursauter.
— MATTHIEU, OUVRE CETTE PORTE, QU'AS-TU FAIS PETITE VERMINE !
La voix de Lan roulait comme un coup de tonnerre et le garçon resta paralysé. Il l'avait déjà entendu se mettre dans une telle colère, une fois, au début de leur collaboration et son corps s'en souvenait encore douloureusement.
Il se mit à trembler.
La curiosité est un vilain défaut.
La phrase qui clignotait désormais sur l'écran était si inattendue que le blond en oublia presque Lan de l'autre côté de la porte.
Celle-ci lui fait tellement écho...
Son horrible patron n'est plus qu'un mince bruit de fond.
Qui es-tu ?
La réponse se fait attendre, alors Matthieu recommence :
Qui es-tu ?
Tu peux m'appeler... Eleven.
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