Eleven (I)
Il n'y avait habituellement que le doux ronronnement de son ordinateur qui brisait le monotone silence de sa petite prison, mais depuis plus de quarante-cinq minutes, celle-ci avait été prise d'assaut par Lan et quatre hommes et Matthieu était plus que pressé que ce petit manège se termine.
Il avait une furieuse envie d'aller aux toilettes.
Debout contre le mur, faisant de son mieux pour dissimuler son envie présente, il observa les cinq hommes procéder à grande peine à l'installation de MAX dans la petite pièce.
- Faites attention, Bande d'incapable ! s'insurgea Lan. C'est ma réputation qui est en jeu avec cette opération et Par le Roi, si elle venait à être ternie par votre médiocrité, j'aurais vos têtes, Trois !
Le Un passa une main dans ses cheveux afin de replacer une mèche récalcitrante dans son ensemble gominé et jeta un regard noir à la moto écarlate.
- Et toi, tu ne pourrais pas aider ! cracha-t-il en frappant du pied l'un des pneus de MAX.
Matthieu dans son dos, le fusilla du regard. Si elle apprenait ce geste, Sarah allait rentrer dans une colère noire, enfin, si tentait qu'elle ait la force de se mettre en colère, la dernière fois qu'ils s'étaient vus, la rousse pleurait à chaudes larmes.
Qu'importe, le garçon serait bien heureux de se substituer à la sœur de Lucas.
Rien ne lui ferait plus plaisir que de s'en prendre à Lan s'il le pouvait, ou mieux encore, que MAX ne s'active spontanément et ne l'écrase.
Chose malheureusement impossible.
Le véhicule ne s'activait qu'en présence d'un ou d'une Chase ou, sur autorisation de l'un ou l'autre.
Son patron avait donc tout loisir de s'en prendre à la pauvre machine, après tout, il n'était plus à ça prêt.
Enfin ses compatriotes du Trois parvinrent à hisser la moto sur la plateforme d'observation et à grand renfort de halètements, ils tentaient désormais de reprendre leurs souffles.
Matthieu lui continuait de gigoter d'un pied sur l'autre. Il fallait vraiment qu'il aille aux toilettes !
- Eh bien, qu'est-ce que vous faites encore là, votre travail est terminé non ? Alors foutez-moi le camp !
Lan leur désigna la porte et les Trois le dévisagèrent. Leurs visages rendus rouges par l'effort, se crispèrent et Matthieu eut l'infime espoir que le plus grand des quatre ne gratifie son patron d'un poing bien senti en plein visage.
Mais Lan était intouchable.
Comme le reste de la population du Deux et du Un, épargnés par « l'événement » du Quatre, il bénéficiait des choix de la protection du corps des Paladins.
« Comme il est d'usage pour toute personne digne de son rang », lui avait dit Lan, il y a quelque temps.
Les blancs pullulaient dans l'enceinte de LeroyCorp, le blond en avait compté près de soixante-dix.
Il y en avait partout, à chaque étage, depuis quelques jours, c'était à savoir ce qu'avait bien pu amener avec eux cette délégation arrivant de la capitale.
Une milice de cette taille pour seulement douze personnes ne faisait pas de sens, sans quoi.
Aussi le grand bonhomme du Trois se contenta de passer près de son patron, le visage menaçant ce qui ne fit ni chaud ni froid au Un qui se contenta faire un pas de côté en relevant les bras dans un geste de dégout comme s'il avait peur d'attraper le moindre germe.
Matthieu se mit à rêver :
Une maladie, incurable de préférence, se serait tellement bien qu'il attrape ce genre de chose, songea-t-il.
Avec un claquement de langue, Lan se tourna vers lui. Il l'observa un instant, prenant en compte son état sans pour autant l'en délivrer.
- Eh bien, dit-il avec agacement qu'attends-tu !? Tu es censé t'occuper de ça je te rappelle, ajouta-t-il en montrant MAX. Je prends déjà de mon temps pour que tu puisses répondre au caprice de Leroy alors que tu devrais travailler sur le nouveau prototype de B.I, alors j'aimerais autant que ça ne prenne pas des plombes !
- J'ai besoin d'aller aux toilettes, expliqua Matthieu.
- Quoi ? Je ne t'entends pas, par le Roi, parle plus fort ! Ton cerveau est-il vraiment ton seul atout ou es-tu à ce point incapable d'articuler !
Il renifla.
- A dire vrai, je ne sais même pas pourquoi je te pose la question, c'est probablement le cas, je veux dire, enfin. Regarde-toi ! Tu es petit, chétif et moche.
Matthieu digéra les insultes en silence, lui ce qu'il trouvait petit, c'était le fait de s'attaquer au physique.
Il attendit un moment afin de s'assurer que Lan avait fini et comme aucun autre adjectif ne semblait plus être suffisamment significatif pour décrire le mépris qu'il inspirait à son patron, il s'autorisa à reprendre la parole.
- Bien, je peux aller aux toilettes maintenant ? redemanda-t-il pour la seconde fois. Ça va faire huit heures que je suis ici et ma dernière sortie portant à me soulager remonte à cinq heures.
Nouveau reniflement de la part de Lan. A croire que celui-ci possédait une vessie d'acier.
Roulant des yeux il s'écria :
- Et bien file vite, puisque c'est si pressé, je te donne cinq minutes.
Le garçon ne se le fit pas dire deux fois, jambes serrées l'une contre l'autre, il passa en trompe devant son patron et détala dans le couloir alors que derrière lui, Lan trouvait moyen de l'humilier une dernière fois en lui hurlant :
- Et ne t'avises pas de pisser dans mon couloir car tu n'auras pas su te retenir !
Ce n'était certainement pas hygiénique mais Matthieu songea un instant à se soulager au sol, ainsi peut-être Lan glisserait et avec un peu de chance, il se briserait peut-être le crâne.
Une tête vide, ça ne devait pas être bien dure à faire tomber.
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