Ces choses qui doivent se produire (I)

L'obscurité n'avait jamais fait peur à Alexandre.

Et pour cause, c'était l'un des seuls endroits où il pouvait être tranquille.

L'âme est plus apaisée dans le noir et le sommeil en est un état de fait.

Ici, il n'était plus abruti constamment par des émotions qui ne lui appartenaient pas.

C'était calme, tellement agréable, si calme...

Trop calme.

La pièce dans laquelle il se trouvait était nimbée d'une lueur argentée et bien qu'il ait les yeux ouverts, le garçon savait qu'il s'agissait d'un rêve.

Ses pas étaient bien trop aériens pour en être autrement.

Il fallait qu'il avance. Rebrousser chemin lui était refusé.

Luttant contre l'envie de mettre ses bras devant lui, il mit un pied devant l'autre.

Ce clair-obscur ne l'aidait pas, aussi avançait-il à l'instinct, dans l'espoir qu'il parviendrait quelque part. Il avait vite délaissé ce semblant de luminosité, celle-ci était bien trop vaporeuse pour avoir une quelconque utilité.

Les voix par contre...

Plusieurs fois déjà, il avait cru les reconnaître.

Le timbre profond sans être grave de Lucas, la douceur des accents de Julie, l'optimisme contagieux des inflexions de Sarah, la clarté des intonations de Calliope, l'empreinte modulée de celle de Matthieu et les tonalités cassantes d'Elisa.

Elles se mélangeaient sans cesse, dans une cacophonie pourtant très distincte aux oreilles du garçon qui n'avait plus que ça pour se guider dans la quasi-obscurité.

Ses propres pas étaient silencieux, comme suspendu au-dessus du sol, loin dans l'incertitude.

Le brouillard cependant, semblait quelque peu s'atténuer à mesure que ses pas l'entraînaient en avant.

Les battements de son cœur, jusqu'alors mesurés devinrent brutalement affolés. Ses yeux ne se plissèrent qu'une demi-seconde avant de s'écarquiller, mais sa voix, elle, ne se mêla pas à celles de ses camarades. Il resta muet de stupeur, ou bien d'inquiétude ? D'effroi ? D'incompréhension ?

Il lui était impossible de le dire.

Chose certaine cependant, ces émotions étaient bien les siennes, mais entrelacées comme elles l'étaient, il n'en avait plus aucun contrôle.

Il faillit bien lâcher un rire. N'était-ce pas là un comble pour un empathique ? L'Évolué capable d'influencer les émotions d'autrui, incapable de gérer les siennes.

Pitoyable.

Devant lui, se tenait un arbre. Un arbre gigantesque, majestueux.

Un arbre tout de lumière d'argent.

Il était si haut, que pour ce qu'Alexandre en savait, ses branches pouvaient bien aller toucher le ciel. Si large, que l'adolescent doutait de pouvoir en faire le tour et si imposant, qu'il était terrifié à l'idée que celui-ci s'effondre sur lui.

Car au-delà de son aspect si tangible et dur, l'arbre apparaissait fragile.

Si fragile en fait, que ses branches les unes après les autres s'évaporaient dans une danse continue.

L'immense végétale, mourrait et naissait tour à tour.

Inconstant.

Et cela pétrifiait le brun.

Ce n'était pas normal.

Et l'étaient encore moins les images qu'il voyait courir sur le bois, avant qu'elles aussi ne s'effacent pour réapparaitre légèrement différentes, ailleurs sur une branche plus haute ou plus basse.

— Il est magnifique, n'est-ce pas ?

La voix manqua de lui faire frôler la crise cardiaque.

Elle n'était pas lointaine comme pouvait l'être les voix de ses amis et comme il s'en était aperçu de tant d'autres encore, mais bien proche, présente ici, sous l'obscurité.

Incapable de voir, il pivota, cherchant du mieux qu'il le pouvait l'homme qui avait prononcé ces mots.

Il lui avait fait peur, celui-là noyé dans les ténèbres. Mais pour autant une vague d'apaisement l'avait aussitôt saisie.

— Oui, répondit-il toujours en quête de son interlocuteur.

— Et as-tu peur de lui ?

— Oui.

— Bien. Tu es sincère, je le sens. Et sensé aussi. Une autre très bonne qualité, mais là encore, il faudrait être fou pour ne pas avoir peur. Etre fou ou inhumain.

Alexandre cherchait à droite, à gauche, mais il ne voyait rien. Absolument rien !

— Et pourtant, toi et moi aux yeux de tant d'autres, nous ne sommes plus totalement humains, acheva l'homme en sortant des ténèbres.

Le souffle qui entourait cet homme était d'or. Une couleur chaude qui réchauffa le garçon jusqu'aux oreilles. Alors seulement, il se rendit compte qu'il était transit de froid.

Ce zéphyr doré déchirait le brouillard, emmenant avec lui tous les doutes du brun qui immobile, observa avec fièvre l'homme arriver devant lui.

Imperturbable à leur droite, le grand arbre continuait son manège. Trop important pour ne serait-ce que s'arrêter un instant pour eux.

Aussi près de lui qu'il l'était, Alexandre ne pouvait pourtant pas distinguer les traits de son interlocuteur. Cette sérénité, il l'avait cependant expérimenté avec une seule personne au monde.

— Grand-père ?

— Non mon garçon. Mais tu me vois ravi d'être comparé à un homme aussi bon.

— Vous l'avez connu ? demanda l'adolescent d'une voix empreinte d'émotion.

— Non, je le crains. Mais je n'en ait nulle besoin, je peux le sentir.

Le sentir...Alexandre sentait beaucoup de chose aussi. Cet homme, il était... ?

— Vous êtes comme moi ?

— Oui, et toi tu es comme moi.

Le souffle d'or lui caressa la joue alors que l'homme posait une main sur son épaule.

— Je t'attendais Alexandre, je me nomme Aloïs.

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