Ce que l'on fait par amour (I)
Les doigts qui parcouraient les cicatrices le long de son dos lui tirèrent un gémissement de douleur.
Pourtant Julie était douce, mais la sensation de sa peau brûlante sous les mains de la jeune fille ne le quittait pas.
Son dos était encore à vif.
La peau rouge et boursouflée.
Peu avant sa flagellation, on lui avait proposé deux types de fouet. Le premier, de cuir lui avait paru comme une mauvaise idée, aussi avait-il opté pour le second. Un fouet électrique dont il s'était imaginé qu'il engourdirait suffisamment son corps pour qu'il ne ressente plus rien. Cela avait marché pendant un temps et la douleur était revenue, plus vicieuse encore.
Tel un feu ravageant tout sur son passage.
Son dos n'était qu'un incendie.
- Désolée, murmura Julie, brisant le silence de sa chambre.
Il se contenta de marmonner une réponse inintelligible avant d'enfouir plus profondément sa tête dans son oreiller.
- C'est bientôt fini.
Il poussa un nouveau soupir, alors qu'identique à des plumes, les doigts de la jeune femme appliquaient comme depuis plus de deux semaines, l'onguent censé dissiper la douleur.
Le froid de la crème contre sa peau à vif, lui fit l'effet d'un nouvel électrochoc.
Un long frisson le parcourut.
Sentant Julie se retirer, il savoura un instant la sensation de bien-être avant de rouvrir les yeux et de se relever en passant une main dans ses cheveux.
- Merci. Ça fait du bien.
- Ça marcherait mieux si tu restais tranquille, déclara la blonde en rangeant ses affaires dans le sac avec lequel elle était venue. Ne me regarde pas comme ça. Je sais très bien que tu n'es pas du genre à rester passif, mais ça ne m'empêche pas d'essayer.
Lucas secoua la tête.
Ils étaient tous aussi bornés les uns que les autres. Tant mieux, c'était peut-être ce qui les avait maintenus en vie tout ce temps.
Enfilant un T-Shirt, il sentit néanmoins les yeux de Julie parcourir son torse et il sourit en ramenant le tissu contre sa peau.
Leurs regards se croisèrent un instant avant de se détourner, timides.
Ils avaient tenté leur chance ensemble, il y avait quelques années, mais cela n'avait pas marché.
Elle avait ses études, son travail, le titre d'Ace qui lui tendait les bras et lui, il avait tout simplement déjà trop de femmes dans sa vie. Il ne tenait pas à en inquiéter une troisième.
Et de toute façon, tout cela était du passé. Ces jeunes sentiments avaient laissé place à de la tendresse. Le temps avait fait son office.
Côte à côte, ils se dirigèrent vers l'escalier, passant devant la chambre de Sarah dans le même temps.
- Comment va-t-elle ? chuchota Julie.
Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule avant de soupirer.
Que pouvait-il bien répondre.
Que sa sœur ne quittait quasiment plus sa chambre, hormis pour aller s'enfermer dans le box que leur famille sur les docks. Qu'elle mangeait à peine et passait son temps à pleurer.
Son silence fut amplement suffisant pour Julie.
- A ce point-là ?
Il secoua la tête et Julie se frotta l'arête du nez.
- Tu veux que j'essaye de lui parler ?
- Non, merci ça va aller. Tu as assez à faire, déclara-t-il en lui tendant son manteau.
Il l'observa l'enfiler, le visage fronçait en une mimique soucieuse.
- Alexandre à de la chance, souffla-t-il doucement.
Elle releva vers lui un regard interloqué avant de rosire légèrement.
- Tu es consciente que la seule personne qui n'est pas au courant, c'est lui, n'est-ce-pas ?
Elle pouffa légèrement et s'avança pour embrasser la joue du jeune homme.
- Merci Lucas. Et si tu as besoin d'aide appel moi, OK ?
Il sourit et l'observa partir avant de refermer la porte derrière elle.
Leur petit appartement était plongé dans un silence pesant. Seul un mince filet de bruit s'échappait du salon.
Sa mère y dessinait.
Elle faisait toujours ça quand elle était stressée, où triste. Elle avait usé tant de calepin après la mort de leur père.
Si peu de bruit ici, lui donnait l'impression qu'ils étaient déjà tous les trois morts, pourtant ce n'était pas le cas.
Il était là et elles aussi. Ils n'étaient pas morts et il avait bien l'intention que les choses restent ainsi.
Peu importe le moyen.
- Veille à ce qu'elle mange un peu, lança-t-il à sa mère qui venait d'apparaître dans l'encadrure de la porte du salon.
- Où vas-tu ?
Il glissa une veste sur ses épaules.
- Faire mon travail.
Il embrassa le front de sa mère et quitta l'appartement.
Dehors, la couche de neige était toujours aussi épaisse, rendant sa marche difficile.
Le bruit de ses pas était encore une fois, la seule chose qui parvenait à ses oreilles. Ça en devenait lassant. Le bruit des activités lui manquait.
Mais tout cela ne durerait plus très longtemps.
Oui, Lucas avait bien l'intention de garder sa famille en vie, mais il n'avait jamais pensé que pour ce faire, il devrait au préalable la mettre en danger pour cela.
Il n'avait jamais pensé qu'il en viendrait à réellement à cela.
Il allait leur faire traverser le No Man's Land.
Ils allaient fuir.
Ils allaient rejoindre les Anonymes.
Oui, ils allaient vivres.
Peut-importe les moyens.
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