Car seul, on est capable de rien ou presque (VII)
— Eh bien ? Je pensais vous voir arriver plus rapidement ! Joshua est ici depuis presque trois heures.
Assis jambes croisées dans un fauteuil en osier, une tasse entre les doigts, Aloïs les gratifia d'un regard pétillant.
Comme il venait de leur dire, Joshua était bel et bien là.
Bien qu'assis en tailleur, son mètre quatre-vingt-quinze détonnait au milieu des enfants qu'il tentait visiblement de divertir. La voix d'Aloïs, lui fit lever la tête et il accrocha le regard de Cameron et Charly avant de détourner le regard.
Génial...Comment je fais moi, avec trois boudeurs ? Tu m'entends ? lança-t-il à la volé pour Light.
Toujours aucune réponse.
Fantastique... Grande maturité, bravo !
Délaissant les tréfonds de son esprit, il se surprit à s'être remis en marche. Il longeait maintenant une rangée d'étagère et s'enfonça dans l'alcôve servant de bureau à Aloïs.
Cela le laissa pantois et quelque peu dérangé. L'acte ne faisait que prouver ce qu'il avait tût à Charly. Lui et Light se synchronisaient de plus en plus. Si le jeune homme n'avait aucun souvenir d'avoir bougé les jambes pour suivre le reste du groupe, il l'avait pourtant fait, et il était persuadé que son partenaire y était pour quelque chose.
— Joshua est très doué avec les enfants, bien que je ne pense pas qu'Orgueil et Préjugés soit adéquate pour des enfants de cet âge.
Le concerné rougit.
— C'est un très bon classique.
— En effet, en effet.
Ils étaient serrés, à cinq dans ce petit bureau. D'autant plus quand les goûts d'Aloïs en matière de décoration prenaient une partie de la place. Statues, planisphère et autres babioles se disputaient la place, forçant les invités à frôler les murs.
— Attention à mon vase, Cameron. Il a plus de cinq cent ans.
— Pardon.
Le jeune homme se glissa jusqu'au bureau de granit et s'y posa légèrement. Se faisant, ses yeux glissèrent sur le meuble, examinant les divers objets entreposaient dessus.
Curieux, il se saisit du cadre à l'extrémité gauche. le vieil homme aimait à conserver le mystère autour de sa personne et le garçon était donc beaucoup trop heureux de pouvoir écarter un peu cette écran de fumée pour être timide ou gêné.
Un jeune homme de son âge peut-être, posait dessus, Il était adossé contre une moto d'un noir profond. Son sourire en coin, ses yeux verts et ses cheveux indiscipliné lui donnait l'air revêche et bagarreur. On s'y serait trompé, mais ses bras, encerclant deux jeunes femmes avec affection, témoignaient de plus.
Elles, se ressemblaient tellement que Cameron se demanda si elles n'étaient pas sœurs. C'était peut-être le cas d'ailleurs, pour ce qu'il en savait. Elles lui rappelèrent Jade, seul différaient avec sa camarade la couleur des yeux et une peau un peu moins pâle.
— Jolie bécane, siffla Charly.
— Qui est-ce ?
Cameron tourna le cadre pour le montrer à Joshua.
— De gauche à droite, Shield, Tyr et Birdie. 57 ème Vagues.
Les trois Évolués relevèrent la tête vers Alois.
— Birdie ? Sérieusement ? Qui a choisi son nom ? C'est quoi son pouvoir ? lança le blond.
— Une changeuse de forme, peut-être ? Tenta Joshua.
Cameron dodelina de la tête. Ça ne manquait pas de sens.
Les Évolués qui choisissait la voie des armes, se voyait très tôt attribuer un sobriquet en rapport avec leur don. Les noms ont du pouvoir, leur apprenait-on. Autorisé quelqu'un à le savoir, vous rendez immédiatement vulnérable, ce faisant, vous lui donniez de l'emprise. Et l'emprise d'un adversaire, pouvait se révéler mortel
Joshua, capable d'endormir les autres et de manipuler les souvenirs était Morphée sur le champ de bataille. Charly, ayant un don pour la terraformation, était devenu Richter à défaut de Poséidon comme il l'avait souhaité ; mais ses amis, moqueur avait eu peur que ses chevilles n'enflent. Et puis, pourquoi chercher compliqué quand un sismologue renommé portait le même prénom que vous.
Cameron, lui, était Hermès. Pas tant à cause de ses ailes que grâce à sa deuxième capacité qui le rendait encore un peu plus identique à ce Dieu des voleurs.
Quel choc il avait eu, la première fois qu'il s'était approprié le pouvoir de Charly, et quelle tête avait fait son camarade !
— Leur têtes me dit rien du tout, continua Charly.
— Tu veux qu'Iris te redise combien on est à la Citadelle ?
— C'était une expression.
— J'allais dire une aberration de ta part, mais bon, piqua Joshua.
Cameron roula des yeux.
— Pas encore !
Aloïs repris le cadre des mains de l'Évolué et le reposa doucement sur son bureau. Tout dans ce geste démontrait de la tendresse et cela n'échappa pas à Cameron.
— Mes enfants, répondit l'homme. Voilà qui ils sont, mes enfants, au même titre que vous aujourd'hui.
— Et ils sont ici ?questionna Cameron
— Allons Cameron, on n'a pas des enfants pour les garder au nid toute leurs vies. Il faut à un moment qu'ils volent de leurs propres ailes. Et je t'assure qu'il ne s'agit là en rien d'un jeu de mot concernant tes deux autres membres.
— Quand vous aurez fini de parler, surnom, littérature et d'évoquer vos réminiscences, nous pourrons peut-être passer à l'ordre du jour ?
Iris avait déployé une carte holographique et patientait avec un brin d'agacement derrière celle-ci, offrant son visage aux pins fantomatiques et aux rivières glaciales.
— Très certainement Iris. Je me doutais bien que vous n'étiez pas descendu me voir pour le plaisir de boire une tasse de thé avec moi.
— J'aurais préféré croyez-moi, mais en effet. Il y a quelques jours, Honoré du groupe d'Anonyme au Sud de notre position, m'a envoyé un message. La semaine dernière, deux jeunes hommes ont rejoint son clan. L'un deux était un Paladin et ils lui ont apporté un cadeau.
Elle glissa les yeux vers Aloïs et échangèrent un regard entendu, laissant Cameron pantois.
— Un cadeau ? Et comment ils peuvent être sûrs que ce n'est pas un piège ? Je veux dire, vous avez bien dit qu'il s'agissait de Paladins non ?
— Uniquement l'un d'entre eux, Joshua. Quant au piège, c'est probable. Mais si Honoré n'a rien fait depuis leur arrivés, c'est qu'il a dû estimer qu'il n'y avait pas de menace. Il a un très bon œil pour cerner les gens. Il faudrait être sacrément doué pour le leurrer.
— Tout le monde est capable de mentir, lança Cameron.
— Peut-être, mais mentir convenablement est une toute autre histoire.
— Qu'est-ce qu'ils ont amené ? s'enquit Charly.
— Avec un peu de chance, mon garçon, le bon objet.
Les yeux d'Aloïs, pétillaient et le cœur de Cameron rata un battement. Il s'empressa de donner de petits coups à Charly. Avait-il compris ? Se souvenait-il de ce qu'avait murmuré Iris lorsqu'ils avaient fini de descendre le grand escalier ?
Le bon objet, le bon objet !
Alors oui, il n'avait aucune idée de ce que cette chose pouvait bien être, mais toutes ces cellules s'embrasaient. Il était persuadé au plus profond de lui que c'était là, un outil important dans leur combat contre le Roi et les Paladins.
Charly se contenta d'exprimer son agacement face aux agressions de son camarade sur son bras et lui décocha un regard aiguë avant de finalement écarquiller les yeux.
Un immense sourire se dessina sur ses lèvres.
— Tout ça pour dire, que j'aurais besoin de vous Aloïs. Le conseil, c'est une chose, mais celui-ci ronge déjà tellement ma patience, que j'ai bien peur qu'elle ne rompt définitivement sous les propos du chef de clan. Et objectivement, un poing dans la figure ne nous attirera pas les bonnes grâces d'Honoré, expliqua Iris en roulant des épaules.
Cameron éclata de rire, de concert avec Charly sous le regard scandalisé de Joshua et l'œil rieur d'Aloïs.
— Ce ne serait pas la bonne méthode, nous en convenons bien. Il t'a donc proposé un échange ?
— Non, mais il a autant besoin de nous que nous avons besoin de lui. J'espère parvenir à un échange, oui.
Pensif, Aloïs, qui avait pris place dans son fauteuil leva les yeux au plafond.
— Hum...J'ignore si nous parviendrons à un accord avec lui, il peut avoir les dents longues. Mais qui ne tente rien n'a rien !
Il se releva avec hâte, saisit sa canne et pencha la tête faire la sortie de son bureau.
— En avant ?!
— On vient ? s'exclama Charly ravi, alors que le monstre de liberté dans le corps de Cameron rugissait de plaisir.
Dehors, il allait aller dehors !
— Oui soldat, vous ainsi que votre camarade.
Iris désigna Joshua.
— Oh...
— C'est réciproque !
— Allons, allons. Assez d'enfantillage tous les deux. Combien de fois devrais-je vous le répéter. Seul, on est capable de rien ou presque. Voilà pourquoi il est intéressant d'avoir quelqu'un à ses côtés en temps de crise.
Joshua et Charly grommelèrent.
— Soyez prudent soldat, dans l'hypothèse où vous seriez incapable de communiquer avec votre camarade, j'aurais peine à croire que vous seriez capable d'autre chose avec un Gemini.
La menace déguisée d'Iris fit se tendre Charly. Le blond détourna les yeux et hocha la tête.
Message reçu.
— Et moi, lança Cameron.
Il n'avait pas entendu Iris l'inclure et sentait déjà poindre la déception. Il jeta un regard insistant à son mentor en quête d'un soutient qui se faisait attendre.
— Toi, eh bien tu restes là.
— Pourquoi ça ?
Il se retint d'ajouté que Charly et Joshua, y aller eux. Il ne tenait pas à paraître enfantin, un trait que lui avait déjà attribué leur cheffe depuis sa sortie en solo.
Il gémit intérieurement. Voilà, c'était ça. Elle lui en voulais encore...Remarque, son acharnement était une bonne chose, sans quoi, il serait encore plus difficile de diriger Eden.
— Parce que c'est un ordre.
— Tu as un exposé à rendre à Alexane pour bientôt, non ? Renchérit Aloïs. Pourquoi ne pas prendre un peu d'avance. Profite donc, flâne un peu dans la bibliothèque. Et puis quoi, ce n'est pas comme si tu étais seul, non ?
Il trouva l'intervention mesquine et ne put retenir une grimace boudeuse.
Charly compatissant et un brin moqueur, tapota son épaule au passage avant de s'empresser de suivre Iris et les deux hommes vers la sortie de la bibliothèque, laissant Cameron les bras ballant, animé d'un profond sentiment d'injustice.
Car seul, on est capable de rien ou presque ? C'est bien ça, qu'il disait à longueur de temps Aloïs ? Et en quoi le laisser ici donnait tort à la maxime ?
Il était seul !
Non, tu ne l'es pas.
Le brun sursauta.
Light.
S'insinuant doucement dans son esprit, son partenaire inondait sa conscience de son propre ressenti, soutenant Cameron par de multiples vagues d'apaisement, de solidarité et d'amour.
Submergé, la vue du jeune homme se troubla un instant et l'esquisse d'un sourire naquit sur ses lèvres.
Non, non, il ne l'était pas.
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