Car seul, on est capable de rien ou presque ( VI)
Cette fois-ci le blond réagit ; en poussant un long gémissement de désespoir.
— Devons-nous vous accompagner, Madame ?
— Non Galvin, je m'en voudrais de faire imaginer à mes citoyens qu'Eden n'est pas sûr. Restez ici, tous les deux. Que personne ne rentre, une visite surprise du conseil me mettrait de mauvaise humeur..., décida la jeune femme en balayant d'une main la requête du garde de gauche.
Les deux se mirent au garde à vous et Cameron repris la direction du pont de verre et des escaliers en compagnie d'Iris et Charly auquel il ne cessait d'envoyer de petits sourires moqueurs.
— Passez devant Cameron, Charly. J'aimerais m'entretenir avec vous.
— Moi ? couina le blond.
Cameron manqua d'éclater de rire. Il ne s'était jamais figuré que son second lieutenant puisse avoir tant de mal avec Iris. D'une nature assuré, notamment avec la gente féminine, son camarade ici, lui renvoyait des allures de petit garçon. Joshua aurait adoré le spectacle.
— Bien sûr, vous ! Y a-t-il un autre Charly ici ?
— Je crois qu'il y en a un dans la dernière Vague, hasarda le blond.
Cette fois-ci Cameron rit de bon cœur, là ou Iris fixa profondément son compagnon de bataille d'un regard chargé de reproche.
— Désolé, ça m'a échappé.
— J'ai cru comprendre, soldat, que vous étiez éligible au Projet Gemini.
— En effet.
— Et donc ? Qu'en pensez-vous ? Vous êtes-vous renseigné ? Connaissez-vous les tenants et les aboutissants d'une telle décision dans le cas où vous accepteriez de prendre part au Projet ?
Charly tourna la tête pour croisé le regard de Cameron.
— Oui, je me suis renseigné, je sais ce que cela implique et si l'on me juge apte, alors j'accepterais avec grand plaisir.
— Bien, Iris approuva d'un geste avant de se s'arrêter et de se tourner vers les deux jeunes hommes. Et donc, vous ? Pourquoi souhaitiez-vous me voir ?
Les deux compères échangèrent un regard, aucun ne souhaitant se jeter à l'eau et alors qu'Iris s'impatientait, un coup de coude de Charly délia finalement la langue de Cameron.
— D'accord ! céda-t-il avec un regard furieux pour son camarade.
Il inspira profondément.
— Charly, souhaitait vous faire parvenir une information. Il y a quelques semaines, les habitants du Secteur Quatre de l'une des Zones semblent s'être rebellés contre le pouvoir en place.
Il fit une pause, cherchant ses mots tandis qu'Iris continuait de le fixer, l'encourageant à poursuivre son raisonnement.
— Nous pensions donc, qu'il s'agissait là d'une bonne opportunité pour nous... Pour les rebelles d'attaquer, de tenter quelque chose...
Leur cheffe eu un rictus.
— C'est donc bien vrai ce qu'on dit : Ce qui se sait dans Eden ne reste jamais du domaine privé.
Elle secoua la tête, accusant l'information et reprit sa descente, entraînant dans son sillage les deux garçons.
— Sachez, messieurs que j'ai depuis longtemps eu vent de ce soulèvement dans le Quatre. Vous ne m'apprenez rien. Plus étonnant cependant, c'est que vous ayez un discours proche de celui de Clarence. Vous n'auriez pas fait tout ce chemin pour uniquement me transmettre une information, ce que vous cherchez, c'est une approbation, je ne pense pas que vous souhaitiez une réprobation. Je vous connais suffisamment pour ça. La question étant, vais-je ou non, lancer quelque chose.
Une nouvelle fois, elle se tourna vers eux, s'arrêtant de fait et leur adressa un sourire en coin.
Cameron ne pût s'empêcher de baisser la tête alors que sa nuque lui chauffait légèrement. Il avait parfois du mal à se figurer le temps, ou alors qu'il était encore enfant, celle qui n'était pas encore leur cheffe, le ramenait de l'école par la main en lui demandant ce qu'il avait appris. Comme une grande sœur attentionnée l'aurait fait.
Evitant le regard d'Iris, il croisa celui de Charly.
Voilà qui était fâcheux. Ainsi donc, l'écho du soulèvement avait déjà résonné dans les plus hautes tours de la Citadelle, et leur cheffe semblait déjà avoir un avis sur le sujet.
Le jeune homme eut la certitude qu'il serait loin d'être en accord avec les espoirs de Charly. Et s'il était honnête, avec les siens aussi.
Pour autant, il ne fût pas surpris d'entendre la voix de son camarade s'élever.
Sur un malentendu, ça peut passer, se dit-il en souriant. C'était sans doute ce que Charly se disait.
— Et donc ? Qu'avez-vous décidé ?
Le ton du blond était prudent.
La gardienne d'Eden eut un léger rire.
— J'ignorais que je devais vous rendre des comptes.
— Ce n'est pas ça, c'est juste...
Le garçon se tourna, jetant un regard suppliant à Cameron. Ce dernier pinça les lèvres avant de venir au secours de son ami.
— De la curiosité, nous aimerions savoir ce qu'il en est.
— Curiosité mal placée, d'après moi, mais soit. Vous risquez cependant d'être déçus, dans la mesure où ma réponse reste inchangée. Je vais donc vous répondre la même chose que j'ai dite à Clarence. Non, nous n'interviendrons pas sous prétexte qu'un peu d'agitation a secoué un unique secteur. Agitation qui, par ailleurs, s'est bien essoufflée.
Encore une fois, le ton était ferme, inflexible et tranchant comme l'acier.
Désormais au milieu de l'escalier, une bourrasque de vent les secoua, forçant le trio à se stopper momentanément. Du sol, Eden leur envoyait ses échos, avec son lot de bruit de voix, de travaux, de vie, tout simplement.
Cameron glissa le regard vers le bas. Il pouvait deviner la rue principal et les différentes portes menant çà et là à travers le reste de la Citadelle, plus loin en dessous, la passerelle menant à Light, elle, était invisible, plongée dans le noir sans fond.
— Mais, l'idée est bien plantée dans la tête des gens maintenant, non ? plaida Charly. Ce n'est pas la première fois qu'un secteur se soulève, pas vrai ? Par exemple, juste avant la Purge... Et nous sommes nombreux, nous avons des armes ! Nous sommes presque des armes à nous tous seuls !
Cameron releva la tête au moment où Iris se retournait pour fusiller Charly du regard et fronça les sourcils.
— Merci, grinça-t-il. C'est agréable...
— Oh, c'est bon. Ne soit pas comme ça, tu comprends ce que je veux dire non ?
Oui, il comprenait, bien évidement. Inutile de chercher à comparer un Humain et un Évolué, mais l'association ne lui plaisait pas. A l'inverse, cette simple idée lui retournait l'estomac.
— Désolé, fini par s'excuser Charly. Je voulais juste dire...Laissez tomber.
Il soupira et ils reprirent leur route. La pente était devenue moins raide.
— Nous ne sommes pas les seuls à avoir des armes. Le Roi aussi en possède. Ses pantins en blanc et leurs blasters en sont une première, bien évidement, mais savez-vous ce qui est encore plus puissant que ces armes, une arme que le Roi a su construire et entretenir durant toutes ces années ?
Elle s'arrêta de nouveau pour leur faire face, son regard les sondant tour à tour si bien que Cameron fut incapable de détourner le regard.
— La peur. Non seulement elle ne coûte rien, mais elle est également tellement plus dure à combattre. Abreuvez s'en vos sujets chaque jour et cela devient vite la seule vérité pour eux. Comme une part de leur ADN. La peur des Rebelles, la peur des Évolués, la Peur du Roi. Et ils sont peu nombreux à aller au-delà.
Elle coupa Charly d'une main levée et poursuivit :
— De plus, vous surestimez nos forces soldat. Au dernier recensement, les Évolués au sein d'Eden n'atteignaient même pas les deux milles. Nous sommes presque onze mille à vivre ici, faites le calcul, c'est bien trop peu. Nous nous ferions écraser, et n'allait pas croire que les forces du Roi serait nos seuls ennemis. Il nous faudrait nous frayer un chemin à travers les secteurs dans lesquels ont apprends à tout à chacun que nous sommes les méchants, quelle réaction auraient-il d'après vous ?
— Mais le Roi...
— Le Roi, les logent, leur donnent du travail, avec lui, ils ont de la nourriture. Ne sous estimez pas la puissance d'un bon discours et de la manipulation. Révisez vos cours d'Histoire, toutes les guerres ont de bons Orateurs. Et ceux-ci parviennent généralement à vous faire faire et croire ce qu'ils veulent.
Enfin ils arrivèrent sur la plateforme.
Étrangement, le trajet du retour paraissait toujours plus rapide. Bien évidemment, ce n'était là qu'une impression, au vu des douleurs qui rongeaient les cuisses et les mollets de Cameron. Il se retint de les frotter, mais ne put s'empêcher de pousser un soupir de soulagement. Enfin ! Il s'était presque attendu à dépasser le vieux Clarence, mais il fallait croire que celui-ci avait un don pour les descentes rapides.
— Qu'est-ce qu'on attend alors, pour agir ? demanda-t-il curieux et prit par la conversation.
— Le bon moment, la bonne personne, le bon objet, murmura Iris dans un souffle, les yeux rivés au sol.
Ses sourcils se froncèrent et elle releva vivement la tête.
— Dépêchons nous voulez-vous ?
— Ou allons-nous, en fait ?
— Voir Aloïs, à cette heure il doit être dans la bibliothèque.
Après une traverser de corridor que le brun ne vit même pas passer, la bibliothèque les accueillit tous trois.
Habituellement silencieuse, Cameron distingua au loin des éclats de rire et des voix enfantines.
Surement un cours d'Aloïs.
Sa pensée raviva quelques souvenirs d'une époque où il était plus simple d'être lui. Le souvenir de longues heures à boire les paroles de son mentor aux yeux bleus, à s'abîmer la vue à la bougie pour lire encore, et également d'innombrables parties de cache-cache à travers cette salle immense en compagnie de Charly d'abord, puis de Joshua dans le seul but d'agacer Ross, bouillonnant de colère.
Un sourire taquin se fit sur ses lèvres et ses yeux glissèrent vers son camarade.
Même sourire, surement pensée identique.
Les jeunes hommes prirent les devants, s'enfonçant dans les rayons avant Iris avec habitude.
Comme il était agréable d'être ici.
La pierre noire d'encre des rayonnages était froide sous les doigts de Cameron, mais il parvint cependant à accrocher du regard quelques titres qu'il se promit de lire bientôt. Il crût apercevoir Clara dans un fauteuil le temps de passer un rayon, mais ne s'attarda pas, il doutait par ailleurs qu'elle daigne lui parler, plongée derrière son livre.
— Que voulez-vous à Aloïs, demanda-t-il à leur cheffe par-dessus son épaule.
— Tu le sauras bientôt.
Sur cette réponse, Iris repassa devant eux et ils s'engouffrèrent plus loin encore, se perdant au milieu d'autres mondes, d'autres pensées.
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