Car seul, on est capable de rien ou presque (III)
C'est un discret coup de coude qui ramena Cameron dans le plan matériel.
Le jeune homme fit glisser son regard à sa droite et Charly lui adressa un regard concerné :
— Ça va ? articula le blond en silence.
Il secoua la tête. Non ça n'allait pas. Light, son partenaire de vie était atterré, et sa tristesse ravageait tout dans l'esprit de Cameron, le laissant dans un état pitoyable.
Il se retrouva à lutter contre des larmes sur lesquelles il n'avait aucun contrôle.
— Light, répondit-il en retour pour son camarade sans plus approfondir.
Il ne tenait pas à inquiéter Charly et Joshua, surtout au vu des positions de l'un et l'autre sur le sujet Gemini.
Les trois compères s'engouffrèrent dans l'ascenseur déjà bien rempli, Cameron poussant toujours sa conscience à la rencontre de celle de Light qui lui restait close.
— Et sinon, t'a causé a Iris ?
La phrase lancé à brûle pourpoint par le blond prit Cameron de court, qui cligna des yeux un peu éberlué.
Joshua et d'autres quant à eux se tournèrent simultanément vers Charly, la familiarité vis-à-vis de leur leader ne faisant pas l'unanimité.
— Je veux dire, Dame Iris, Première du nom, Leader des Rebelles, Gardienne d'Eden et Protectrice des Évolués...
Son exubérance tira un sourire à Cameron et une fois n'est pas coutume, un soupir chez Joshua.
— Non, je dois t'avouer qu'entre la Simulation, les cours et les examens, l'entraînement de la dernière Vague, ton éligibilité et tes visites constantes chez moi, je n'ai pas eu le temps.
Son second lieutenant jura.
— Ok, alors c'est pas moi qui vais annoncer ça à Clara. Voir son petit visage tout triste, très peu pour moi.
Cameron grimaça légèrement. L'idée ne l'enchantait pas non plus ; D'autant plus que la petite avait très certainement contourné un certains nombres de règles pour leur permettre de voir ce qui s'était passé dans la Zone Ouest.
L'image de la pilote s'imposa également au jeune homme, fugace mais suffisante pour lui amener un fin sourire, avant qu'il ne la pousse de côté.
Il n'était pas question de la jeune femme, mais de Clara et si l'on venait apprendre ce qu'elle avait fait, la petite Murmureuse était certaine d'avoir des problèmes.
— Clara est une enfant. Elle ignore totalement ce qu'une information de ce genre pourrait avoir comme conséquence une fois dans la nature.
— Déclencher quoi, une guerre ? Excuse-moi, mais c'est déjà le cas !
— Ça déclencherait une guerre ouverte, Charly ! Des milliers de personnes trouveraient la mort ! Des civiles, des innocents !
— Qu'est-ce qu'on se fiche que la guerre soit ouverte ou non, Joshua. Elle est déjà là, je te dis. Eden n'est pas inviolable ! Les Potiers ne sont pas des dieux. Un jour, les Paladins perceront une brèche dans la Citadelle et ont crèvera tous comme des rats ! asséna Charly avec hargne.
— Maman, c'est vrai ce qu'il dit ! Les méchants vont venir ?! s'écria le petit garçon placé devant eux en saisissant la manche de sa mère.
— Non, mon chéri. Eden est un lieu sûr, personne ne te fera de mal !
Elle dirigea un regard assassin sur les trois jeunes hommes et ramena son fils contre elle.
Cameron qui s'était tendu depuis le début de l'échange houleux entre ses deux compagnons leur grinça dents serrées :
— Assez tous les deux ! Combien de fois je vais devoir vous le dire aujourd'hui. Je ne veux plus vous entendre, ce n'est ni l'endroit, ni le lieu pour discuter de ça.
Baissant les yeux, il croisa le regard du petit garçon qui se dévissait le cou pour les regarder. Ses iris se fendirent en deux avant de reprendre leur apparence précédente, mettant Cameron mal à l'aise.
Il avait toujours eu du mal avec les Changeurs de formes partiels.
Grognant, ses deux compères s'enfoncèrent dans un silence retentissant de colère.
Lorsque que l'ascenseur atteignit les abords du cœur d'Eden, les portes s'ouvrirent et tous quittèrent l'espace devenu bien trop étroit.
Non sans un dernier regard, la mère de famille lança au trio un regard plein de reproche, mais Cameron s'en aperçut à peine tant il était soulagé.
Si l'exercice du commandement lui était réservé à petite échelle et qu'il parvenait à s'en sortir habituellement, la chose lui était en revanche, beaucoup plus compliqué lorsqu'il s'agissait de ses amis proches.
Ross ne cessait de lui rabâcher que faire la différence entre son devoir et ses affinités était essentielle, mais il devait bien se l'admettre, c'était là une chose pour laquelle il avait encore beaucoup à apprendre.
Expirant lentement, yeux fermés, Cameron laissa retomber de ses épaules toute la pression qu'avait battit ses amis dans l'ascenseur. Espérant enfin avoir un peu de calme, un instant ou personne, ni dans les mots, ni dans les gestes, que cela soit conscient ou inconscient ne lui rappellerait qu'il avait un devoir, un de ceux qui lui paraissait parfois sur le point de l'engloutir.
Mais déjà dans son dos les éclats de voix de ses meilleurs amis reprenaient plus fort.
Las et en colère, il pivota sur lui-même.
— Tu sais quoi, tu n'es qu'un sale égoïste, Charly ! s'exclama Joshua.
Celui-ci tenait fermement le blond par le coude et rien dans leurs visages écarlates ou leurs postures tendues ne laissaient présager une réconciliation.
— Egoïste, moi ! Et d'où ça ! Ça te vas bien de dire ça ! Toi tu n'es pas né ici, tu ne sais pas ce que sais que ce sentiment d'enfermement, cette claustrophobie qui grandit tous les jours. T'as aucune idée de la rage que c'est de ce dire qu'on est obligé d'être ici à ce terrer comme des animaux depuis ta naissance. Eden est pour toi un Paradis ? Mais ouvre les yeux, trou du cul, pour nous ça devient chaque jours un Enfer !
— La ferme ! Ne parle pas de chose dont tu ne connais rien ! Toi, tu ne sais rien de la traque, de la peur d'être arrêté à chaque coin de rue, des privations pendant le Printemps... !
— Oh je t'en prie, t'avais huit ans quand tu es arrivé ici, tu connais surtout Eden. N'essaye pas de me faire croire que tu as souffert !
Le poing qui rencontra la mâchoire de Charly l'envoya au tapis.
— Espèce de...
Cameron s'élança. En quelques secondes, il fut sur eux, une main sur chaque torse et ses ailes d'un noir profond dessinant sur le mur une immense ombre qui les englobait tous les trois.
— Assez, répéta-t-il une énième fois depuis ce matin.
Malgré son ton glacial, son cœur battait lourdement dans sa poitrine et son estomac agité ne cessait de se contracter.
Il détestait voir ses amis se battre tout comme il détestait être incapable de soutenir l'un ou l'autre. Déchiré, il préféra changer de tactique.
— Je n'ai pas envie de le faire, mais si ça continue, je vous poserais à tous les deux une mise à pied.
Il passa son regard de l'un a l'autre, le faisant virer or plutôt que son habituel bleu vert.
Sous ses pieds, la terre se mit à sa mouvoir, glissant sous ses semelles comme un serpent, l'œuvre de Richter dont les yeux luisaient également et au contact de Morphée une douce léthargie alourdie ses paupières. Cameron tint bon.
Peut-être la menace les forcerait à se parler, plutôt qu'à ce hurler dessus...
Encore une fois, il n'en fût rien.
Joshua se dégagea d'un pas en arrière, les yeux argent.
— Nulle besoin, Monsieur !
— Josh...glissa le jeune homme attristé.
Mais trop tard, le grand faisait déjà demi-tour, et à grandes enjambées s'éloigna d'eux.
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