Au cœur de la nuit (II)
Gobelet dans la main droite, cheveux blonds et blouse blanche, le jeune adulte décocha aux deux autres un regard étonné avant de se rapprocher.
- Dubois, salua-t-il. Un problème ?
Il se tourna ensuite vers Lucas.
- Ma sœur... commença-t-il avant que Dubois ne le coupe pour terminer son histoire.
Après quoi, une fois le récit fini, la blouse blanche observa un instant Lucas en silence.
- Viens avec moi, se décida-il enfin après un temps qui avait paru une éternité pour le garçon.
- Mais... ! s'insurgea Dubois avec angoisse.
- Je prends sur moi, le rassura l'autre d'un sourire. Viens, suis-moi, ajouta-t-il pour Lucas qui, tout aussi surpris, lui emboîta le pas derrière les portes bleues.
Une fois celles-ci refermées sur lui, Lucas se raidit. Par le Roi, ce qu'il pouvait détester l'hôpital. Il ferma les yeux et inspira à grandes goulées afin de se calmer.
- Pas un fan de l'hôpital ?
La question avait résonné dans le couloir désert. Lucas ouvrit les yeux pour voir la blouse blanche l'observer par-dessus son épaule.
- Non... pas vraiment.
Il promena son regard de fenêtre en fenêtre, la lune éclairait le couloir d'une faible lueur, rendant l'endroit encore plus lugubre à ses yeux. Il retint un frisson.
- Tu peux m'appeler Simon, fit la blouse blanche en lui tendant sa main libre.
Lucas lui serra la main.
- Lucas, lui répondit-il.
- Alors si j'ai bien compris, tu n'as pas encore reçu ta lettre d'appel. Où travailles-tu pour préparer le Grand Partage ?
Il cherche à me mettre à l'aise, comprit Lucas.
- À la station d'épuration, pour Monsieur Gontran.
- La station d'épuration, hein. Ça me rappelle des souvenirs, je l'ai faite aussi à l'époque. Tu verras, lorsque tu recevras ta lettre, les choses seront plus faciles.
L'affirmation ne convainquit pas Lucas qui se contenta se pincer les lèvres.
Il n'avait pas grande hâte de recevoir sa lettre, même si cela signifiait en effet que les choses seraient plus faciles pécuniairement. Il obtiendrait après tout un salaire fixe pendant les cinq années de sa formation l'amenant à devenir Paladin, or, il ne voulait pas devenir Paladin, il les avait en horreur, eux et leur tenue blanche sous les ordres du Roi.
- Ça n'a pas l'air de te réjouir.
Lucas se mordit la lèvre (un geste de nervosité qu'il partageait avec sa sœur.) Il devait la jouer fine. Il n'ignorait pas que le médecin avait fini ses années d'appel. Il avait été un nourri du Roi, avait vécu parmi les Paladins pendant cinq ans, d'une manière ou d'une autre il avait été influencé encore un peu plus par cette proximité.
- Ma mère et ma sœur se retrouveront toutes seules, expliqua-t-il, préférant une vérité à une autre.
- Dubois m'a dit. Tu es tout seul, ton père... il est...
- Mort, trancha Lucas.
Il n'aimait pas aborder le sujet de son père. La blessure, bien qu'ancienne, le faisait toujours autant souffrir.
Sarah était toute jeune à l'époque, Lucas doutait qu'elle se souvînt vraiment, mais lui, il se souvenait. Il se souvenait du brancard entraînant son père dans les couloirs, direction la salle d'opération et il se souvenait aussi quelques heures plus tard prendre la direction de la morgue. Sa mère tenant sa main gauche dans la sienne et lui tenant celle si petite de Sarah.
C'était lui qui, du haut de ses sept ans et étant dès lors devenu « l'homme » de la famille, avait signé les papiers. « Où est papa ? » lui avait demandé Sarah.
- Est-ce que ça va ?
- Je... Oui.
Lucas baissa la tête, honteux. Il avait cessé d'avancer et sa voix était rauque.
Il se racla la gorge alors que Simon le dévisageait avec inquiétude.
- Ma sœur va bien ? demanda-t-il pour détourner l'attention du médecin.
Celui-ci le dirigea vers une chambre sur la gauche.
- Les tests n'ont rien révélé d'inquiétant, hormis une petite baisse de tension. Elle s'est aussi plainte de maux de tête, expliqua-t-il en s'emparant de l'ardoise au bout du lit de Sarah.
En voyant sa petite sœur, les muscles de Lucas se décrispèrent légèrement. La poitrine de celle-ci se soulevait paisiblement et il ne remarqua en effet aucun bleu sur ses bras ou son visage.
Soulagé, Lucas caressa doucement les cheveux de sa petite sœur endormie. C'était l'un des rares moments où il s'autorisait ce genre de geste, il se devait d'être fort.
- Tu m'as l'air d'un grand frère très attentionné, remarqua Simon.
- Pas plus qu'un autre, répondit Lucas avec un haussement d'épaule.
Un silence emplit la salle, seulement rompu par la respiration paisible de Sarah.
- Tu sais, commença le jeune médecin après une hésitation. Les bruits des tirs m'ont toujours fait peur, mais devant la vue du sang et des blessures, mon adjudant me trouvait d'un calme impressionnant, alors dès que l'occasion s'est présentée, il m'a orienté vers l'école de médecine au sein de l'académie. Qui sait, peut-être te découvriras-tu un talent pour la vente, la restauration, ou autre. Il y a un grand nombre d'écoles au sein de l'académie et ça pour tous les corps de métier.
Le jeune médecin plongea ses yeux dans ceux de Lucas.
- Rejoindre les rangs, ce n'est pas immuable. Et dans tous les cas, nous sommes du Quatre, nous reviendrons toujours au Quatre.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top