Réunion de crise

Elle n'aurait jamais cru avoir à revenir là-dessus. 

Mais même si Kingsley en personne ne l'avait pas sollicitée, elle n'aurait pas pu se détourner de ce cas, plus que délicat. Après-tout, malgré ses innombrables défauts, Severus valait bien qu'on s'occupe de ceux qu'il laissait derrière lui.
Minerva recompta une énième fois les sièges qu'elle avait disposés devant elle: Drago Malefoy, Neville Londubat, Luna Lovegood et Harry et Ginny Potter. Cela faisait donc cinq personnes et elle en plus. Et elle était, de très loin, la plus vieille.

Le jeune professeur de botanique arriva en premier. À présent jovial et sûr de lui, Neville Londubat semblait avoir changé de personne depuis son arrivée en temps qu'élève à Poudlard. Au petit garçon maladroit et en difficulté avait succédé un homme de talent au grand cœur. Minerva était réellement fière qu'il appartienne à sa maison, et ce depuis ses dernières années d'école.

Elle le salua puis jeta un énième regard au tableau de son prédécesseur, resté désespérément vide depuis plusieurs jours. Severus avait disparu après lui avoir donné les explications qu'elle lui avait demandé, c'est à dire après avoir répondu avec un laconisme digne d'une tombe, à deux questions:

Oui, il était bien le père de la fillette repérée.
Et oui, il avait épousé cette fille Bones et eu trois enfants avec elle, dont un né sûrement deux mois après sa mort.

Minerva ne savait pas comment réagir, Severus était à présent un personnage fort controversé, il y avait fort à parier que ces enfants risquaient d'être observés sous toutes les coutures. Mais surtout, elle se demandait si quelqu'un d'autre avait connaissance de cette famille.

Albus devait sûrement le savoir à l'époque. Mais étant mort, c'était à présent à elle que revenait de gérer ce problème délicat. Et le tableau du défunt directeur n'avait pas voulu non plus lui en dire plus.

On toqua à la porte du bureau, Minerva répondit un « entrez » et Ginny Potter entra, suivie de son mari, de Luna Lovegood et de Drago Malefoy. Tous saluèrent chaleureusement la directrice, même Drago que les années et la rencontre avec une certaine Astoria Greengrass avaient fait évoluer très positivement.
Les salutations effectuées, Harry lui demanda:
- Pourquoi nous avez-vous demandé de venir vous voir professeur? Y a t-il un problème?

Les jeunes gens pouvaient en effet avoir quelques raisons d'inquiétude, car Minerva, craignant un regard indélicat sur son courrier, ne leur avait pas précisé le motif de leur convocation. En effet, à l'approche des six ans de la Grande Bataille, les souvenirs refluaient et la vague habituelle des révélations plus ou moins fondées était arrivée. Quant-à Rita Skeeter, la fondation d'une association pour la « liberté de la Presse » en faisait une puissance de plus en plus difficile à contrer.
Aussi, Minerva répondit à son ancien élève sur un ton qu'elle voulait rassurant:
- Il ne s'agit pas de quelque chose de grave, mais je souhaitais parler avec vous d'une problème qui est pour moi assez délicat. Je n'ai pas voulu en donner les détails dans mon courrier dans un soucis de discrétion. Il s'agit d'une future élève qui arrivera normalement à Poudlard à la rentrée.

Les jeunes gens étant toute ouïes, elle continua:
- Il y a une semaine, nous avons reçu de la part du ministère la liste des enfants dits « tracés », c'est à dire les jeunes sorciers de onze ans qui n'ont pas fréquenté le cycle primaire magique, le plus souvent des enfants de moldus mais aussi des jeunes sorciers dont les parents assument l'éducation. Normalement pour ces derniers, l'inscription est faite dès la naissance à l'école, mais là, je suis tombée sur une enfant à priori non-inscrite, du nom de Sylvia Rogue.

Devant les regards écarquillés qui lui faisaient face, elle continua sur un ton égal:
- Ce nom m'a bien entendu interpellée, j'ai questionné le tableau du professeur Rogue qui a confirmé ce que je soupçonnais, il s'agit bien de sa fille. Il m'a également indiqué qu'il avait épousé sa mère durant l'automne 1993, que celle-ci se nommait Dana Bones et qu'ils avaient eu trois enfants, le dernier a du naître deux mois après sa mort. Il a même fait inscrire les deux premiers sous le nom de leur mère. Or, j'ai besoin que l'un d'entre-vous se charge de contacter cette famille qui a coupé les ponts avec le monde magique, et qu'il convainque Madame Rogue d'accepter l'entrée de ses enfants à Poudlard. Ni Hagrid, ni moi, ni aucun de ceux qui s'en chargent actuellement ne le peuvent dans ce cas précis.

- Pourquoi? Demanda Luna.
- Tous ceux qui ont l'habitude d'aller chercher les enfants hors du monde magique ont déjà été confrontés à Dana Bones dans le passé, moi en particulier. Cette femme a un parcours difficile lié à Poudlard, et elle n'acceptera jamais de recevoir l'un d'entre-nous.

Minerva n'avait aucune envie d'en dire plus, malgré les regards chargés de questions de ses interlocuteurs. Elle finit en demandant à Drago Malefoy:
- Savez-vous quelque-chose de plus? Rogue était votre parrain après-tout.

Mais Drago secoua la tête à la négative:
- J'ignorais l'existence de ces enfants professeurs, je savais que Severus fréquentait quelqu'un mais il ne m'en a jamais parlé, et je n'ai jamais jugé bon de le questionner à ce propos. J'en suis même venu à penser que cela avait été simplement passager, je ne connais pas cette femme.
- Merci monsieur Malefoy, croyez-vous que vos parents pourraient m'en dire plus?
- Je l'ignore, mon père ne parle que difficilement de Severus depuis la Grande Bataille. Essayez mais je ne peux rien vous promettre.
- Bien, je vous remercie.

Elle s'adressa à tous:
- L'un d'entre-vous peut-il se charger de ce travail?

Les jeunes gens se regardèrent en silence, un peu interloqués, finalement Neville et Luna levèrent la main.
- Je pourrais m'en charger, expliqua Neville, en tant que professeur c'est tout à fait possible.
- Moi aussi, répondit Luna, si cette dame a un contact difficile avec Poudlard ce serait peut-être même mieux de lui envoyer quelqu'un qui n'y est pas lié en tant que personnel.
- S'il s'avérait que mes parents avaient des liens avec Mme Rogue, ajouta Drago, je m'engage aussi à la rencontrer si nécessaire.

Harry et Ginny Potter en revanche, semblaient plutôt mal-à-l'aise, ce fut Ginny qui expliqua:
- A une telle période de l'année et dans un tel contexte, c'est malheureusement difficile pour Harry de s'impliquer dans une telle affaire. Et j'ai même peur que cela nuise à la discrétion dont vous voulez qu'elle soit entourée.

Drago renchérit en hochant la tête à l'affirmative:
- Pour nous c'est un peu le même problème, chaque année à partir de mai et jusqu'à août environ, une série d'articles paraissent sur notre compte, et honnêtement cela nous nuit déjà assez sans que notre réputation prenne le risque de déteindre sur d'autres. Il y a deux ans, Kingsley s'est retrouvé en assez mauvaise position lorsqu'il a été photographié en train de me parler, et Merlin sait combien il est au dessus de tous soupçons...

Leurs arguments ne pouvaient être plus pertinents, songea Minerva.
- C'est entendu, répondit-elle, Neville et Miss Lovegood je vous charge de l'affaire, vous pouvez sans problème y aller à deux. Je vais vous donner quelques indications dès maintenant.

Les autres sortirent après l'avoir saluée, Neville et Luna s'approchèrent un peu plus du bureau.
- Les Rogue habitent toujours dans l'impasse du Tisseur, l'ancienne maison de Severus. Celle-ci se trouve dans un vieux quartier ouvrier de Londres, au nord, je vais vous le montrer sur la carte.
- Avant toutes choses professeur, répondit Neville, je voudrais que vous nous en disiez un peu plus sur ce qui nous attend. Je ne souhaite pas être indiscret, mais si je ne m'abuse, nous allons probablement rencontrer des difficultés alors je pense qu'il nous faut être un minimum au courant de la situation concernant cette famille.

À contrecœur, Minerva consentit à lui répondre:
- Il y a que Dana Rogue est une femme que j'ai les meilleures raisons de juger peu recommandable. C'était une Serdaigle, mais elle a été renvoyée de Poudlard à quinze ans et condamnée à trois ans de prison pour des faits très graves. Sa baguette a été brisée. Par la suite, elle est devenue ... Commerçante dans l'allée des embrumes d'après ce que l'on m'a dit.
- Je vois, répondit Neville, Poudlard peut en effet exercer sur elle une certaine répulsion.
- Mais à votre visage, ajouta Luna sur un ton inquisiteur, il y a plus grave et vous refusez de nous le dire. C'est après vous qu'elle en a véritablement.

Mc Gonnagal hocha la tête en signe d'assentiment.
- C'est cela Miss Lovegood, mais je vous demanderai de ne pas me questionner davantage, vous en savez assez je pense.

La jeune fille hocha la tête et Minerva alla chercher le plan de Londres Moldue. Elle le déplia devant eux trois et chercha quelques instants avant de leur donner toutes les indications en traçant un itinéraire depuis la gare. Puis elle donna le plan à Luna en disant:
- Lorsque les vacances auront commencé, je vous contacterai afin de vous donner la lettre à remettre à madame Rogue. Dans tous les cas je vous remercie d'accepter de me rendre ce service.
- C'est la moindre des choses professeur, répondit Neville, et bien au revoir.

Il quitta bientôt la pièce, Luna Lovegood l'imita après une brève hésitation. Sûr qu'elle aurait volontiers interrogé un peu plus Minerva, mais celle-ci n'entendait pas se laisser faire.
Et puis, elle aussi voulait en savoir plus, qu'était-il passé par la tête de Severus?
Alors qu'elle contournait le bureau, elle eut un choc: celui-ci venait justement de réapparaître dans son tableau et fixait la porte d'un air pensif.
- Où étiez-vous? Lui demanda Minerva sur un ton sec.
- Dans le tableau de la foule accueillant le premier tournois des trois sorciers, au quatrième étage, répondit l'avatar de l'ancien directeur. Cessez de me lancer ce regard accusateur Minerva, il est malsain qu'un mort se mêle des affaires des vivants.
- M'en direz-vous donc un peu plus sur cette affaire?
- Non, répondit le tableau. Mais il y a une boite en bois de rose dans l'armoire des objets de collection. Vous pouvez l'ouvrir, je vous demanderai simplement de respecter l'ordre et le temps, et de ne pas toucher au flacon d'albâtre, il ne vous est pas destiné.

La figure de Rogue disparut juste après qu'il ait dit ces mots. Mc Gonnagal resta un instant interloquée, puis repensant aux paroles de Severus, elle se ressaisit et traversa son bureau. L'armoire des objets de collection se trouvait de l'autre côté, en six ans elle ne l'avait encore jamais ouverte.

Lorsque les battants vitrés pivotèrent, la directrice de Poudlard mit un petit moment à trouver ce qu'elle cherchait au milieu des bibelots de diverses sortes. Enfin, elle avisa une petite boite toute simple qu'elle posa sur la table et ouvrit.
À l'intérieur, il y avait huit flacons: sept de verre et un d'albâtre. Un morceau de parchemin était attaché à chaque flacon de verre. Dans un coin, l'un deux portait la mention suivante:

« Premier ».

Minerva saisit délicatement le flacon et le porta à hauteur de ses yeux, bien qu'elle sache déjà de quoi il s'agissait: les filaments argentés flottaient, fragiles, derrière le verre.
D'un coup de baguette, elle ouvrit l'armoire qui contenait la Pensine et celle-ci vola jusqu'à un guéridon non-loin. Minerva ôta le bouchon du flacon et en versa le contenu.

Lorsqu'elle fut aspirée dans les souvenirs de Severus, elle ressentit un vertige, mais le plus éprouvant pour elle de tomber presque nez-à-nez avec Albus.

Elle avait atterri dans le même bureau, et deux fantômes se tenaient devant elle. Le souvenirs semblaient toutefois différents... Elle se sentit mal-à-l'aise lorsqu'elle s'aperçut que Severus lui en donnait non seulement la vision, mais aussi lui faisait partager ses sentiments....

«...- Severus, cette affaire de journal intime doit nous mettre sur le qui-vive. Le retour de Lord Voldemort est inéluctable, j'en suis à présent certain.
- Cela semble en effet se confirmer Albus, mais pour l'instant je ne vois pas en quoi est-ce que nous pouvons avancer.

Le vieil homme ne semblait pas décidé à lui donner raison, il lui répondit:
- Savoir cela doit vous pousser à vous préparer Severus, il y a des choix qu'il faut faire dès aujourd'hui. Accepterez-vous, oui ou non, de nous servir d'agent infiltré lorsque Voldemort réapparaîtra?
- Je m'y engage, je vous ai déjà donné ma parole.
- Dans ce cas Severus, il vous faut dès maintenant vous préparer. Lorsque Voldemort reviendra, nul doute qu'il nourrira d'intenses soupçons envers vous. Il est nécessaire que votre couverture soit de la plus grande solidité....

Cela, Severus n'avait aucun besoin que Dumbledore le lui dise, Voldemort savait pour Lily et lui, du moins croyait à un simple désir charnel de sa part. Il ne devait surtout pas le détromper, et pour cela il lui fallait oublier la défunte, au moins en apparence.
Lorsqu'il sortit du bureau du directeur, la journée était presque finie, et il pouvait se permettre de manquer le repas. Il redescendit dans ses appartements et se prépara à sortir, ce n'était pas son tour de garde et il avait donc quartier libre en cette fin de journée.
Il transplanna sitôt les grilles de l'école passées, et atterrit directement dans l'allée des embrumes. Avec le soir qui tombait, celle-ci devenait un véritable coupe-gorge, mais Severus était un de ceux qui n'éprouvait plus aucune crainte à s'y aventurer, d'autant qu'il savait parfaitement où il allait.

Il tourna dans la troisième rue sur sa droite, celle-ci n'était qu'un passage sombre et malsain, où quelques silhouettes se mouvaient avec des allures de fantômes. Il n'y prit pas garde et toqua à une porte, celle-ci s'ouvrit, dévoilant une femme assez jeune qui lui adressa un sourire étrange.
- Severus! Dit-elle avec une expression artificielle de petite fille joyeuse, cela faisait un moment.
- Bonsoir Dana, lui répondit le maître des potions avec son laconisme habituel.

La femme ne sembla se formaliser le moins du monde de son manque d'expression, elle lui renvoya un sourire d'invite qui découvrit ses dents encore blanches, chose curieuse, car Dana Bones portait son métier gravé dans son allure. 

C'était une fille de vingt-cinq à trente ans, aux cheveux châtains à mèches rousses colorées, très maquillée. Elle pouvait être qualifiée de jolie, mais guère plus, et la coupe de sa robe verte lui donnait une apparence des plus vulgaires. Ses yeux brillaient d'une lueur dure, qui pouvait devenir calculatrice suivant en face de qui elle se trouvait. Severus la connaissait toutefois depuis plusieurs années, et il aurait pu aller jusqu'à dire qu'il l'appréciait.
- Tu veux monter? Lui demanda t-elle sur un ton qui laissait clairement entendre que la question n'avait de valeur que rhétorique.
- Avec plaisir, lui répondit Severus, il faudrait que nous parlions tous les deux.

À d'autres, Dana aurait sûrement dit qu'elle ne pouvait se permettre de perdre la soirée en discussions, qu'elle avait « du travail », mais elle s'effaça sans un mot devant le maître des potions et l'invita à entrer dans la maison, et à emprunter l'escalier abrupt et étroit qui menait à son appartements. Lorsqu'ils y entrèrent, Dana invita Severus à s'asseoir dans le canapé et lui proposa à boire. Il accepta et la laissa attraper deux bieraubeurres. Lorsqu'elle revint vers lui, elle s'assit à son côté après une brève hésitation.
- Ainsi, tu es venu pour... Discuter?

Le sous-entendu « pas pour faire autre-chose » était audible, c'était sa manière d'engager la conversation sur le vif du sujet. Dana n'était pas femme à se perdre en conjecture, une qualité qu'appréciait Severus chez elle. Il répondit sans guère de détours:
- Je suis venu te proposer un marché, si tu as besoin d'y réfléchir tu peux prendre jusqu'au début des vacances scolaires.

Le visage de Dana se tendit en entendant ces mots, elle jeta sur son partenaire un regard à la fois inquiet et inquisiteur:
- Que veux-tu? Lui demanda t-elle.

Severus le lui dit:
- Je te propose de devenir ma compagne, d'abandonner tes activités et de vivre avec moi. Tu es la seule à qui je puisse demander ce service. Je suis dans une situation où j'ai besoin de trouver une femme.
- Combien de temps auras-tu besoin de cela? Lui demanda t-elle, non sans une once de froideur ou d'inquiétude.
- A ce jour, répondit Severus, je l'ignore, mais cela peut sans doute se compter en années, ou en décennies. Je suis dans une situation où il est nécessaire que je refasse ma vie. Et honnêtement...

Il prononça les derniers mots en effleurant la cuisse de la jeune femme:
- Je ne vois pas avec qui d'autre que toi je pourrais...
- Refaire ta vie...

Dana s'était levée, et faisait à présent les cent pas dans l'appartement, elle s'était éloignée de lui, presque instinctivement et son visage exprimait un mélange d'agacement et d'inquiétude.
- Tu n'es pas le premier qui me propose ce genre de deal Severus, et je connais les sorts parfois peu enviables de celles qui ont accepté ce genre « d'offre ».
- Je sais aussi ce qui a cours dans le milieu Dana, mais j'ai vraiment besoin de toi.
- Pourquoi moi? Répliqua t-elle. Un homme comme toi ne devrait-il pas chercher mieux qu'une « commerçante de l'allée »? Qu'est-ce qu'un professeur de Poudlard pourrait avoir à faire avec une putain de ma trempe?

Severus l'avait laissée parler, derrière la provocation de ses paroles, il sentait une véritable colère et une souffrance sans nom.
- Tu es la seule en qui je puisse avoir un minimum de confiance Dana. Je sais que c'est difficile pour toi mais, je t'en prie...
- Accorde moi deux jours Severus. Je te répondrai ensuite. Reste-tu ce soir? »

Minerva se sentit comme aspirée et bientôt, le bureau directorial réapparut.
- Merci Severus, murmura t-elle malgré le choc.

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