Chapitre 9
Gwendolyn
— Comment as-tu convaincu nos parents ? m'enquis-je.
— Secret de démon.
Kaede posa un index sur ses lèvres charnues pour masquer un sourire. Celui-ci était visiblement contagieux car je sentis les coins de ma bouche s'étirer. Nous avions proposer à Alice et Isabelle de nous accompagner, mais elles avaient toutes les deux refusé. Je me retrouvais donc seule avec Kaede, j'apprendrais ainsi à le connaitre un peu mieux, Gerd m'avait dit que c'était important.
Le jeune démon m'accompagna jusqu'aux écuries. Devant le bâtiment boisé, il me demanda d'attendre un instant avant de ressortir accompagné d'un superbe étalon à la robe noire.
— Voici Flash, mon cheval, m'annonça-t-il.
— Je ne savais pas que tu aimais l'équitation.
— Il faut bien une passion dans la vie, répondit-il en haussant les épaules. On y va, chère Annonceuse ?
— Eh ne m'appelle pas comme ça, dis-je en essayant de ne pas rire.
Il m'attrapa par la taille et me hissa sur le cheval, avant de monter à son tour. L'étalon partit trop vite et je réussis de justesse à m'agripper à sa taille. Sans que je ne sache pourquoi, je posai ma tête contre son dos athlétique. Les derniers événements m'avaient visiblement fatiguée.
Quand nous arrivâmes, je commençais à avoir faim, je n'avais visiblement pas assez mangé. Un bruit peu élégant attira mon attention et je sus que c'était le ventre de Kaede. Je n'en fus pas étonnée, il n'avait rien avalé depuis hier soir, au buffet du bal. Le jeune homme m'aida à descendre du cheval, en essayant tant bien que mal de ne pas prêter attention aux grondements de son estomac. Finalement, gêné et totalement affamé, il me dit :
— Désolé pour le bruit que je fais, je n'ai quasiment rien avalé au déjeuner... Ça te dit de trouver un café pour grignoter quelque chose ?
Il guetta ma réponse, alors je regardais le sol, cherchant quoi lui répondre. Je finis par relever la tête et approuver l'idée. À peine l'avais-je regardé dans les yeux, que j'aperçus un certain trouble dans ses yeux rouges. Remarquant que je l'observais, il rougit et détourna le regard. Nous nous mîmes alors en route pour trouver un café, Kaede avait attaché Flash à l'entrée de la ville. Aussitôt partis, un silence s'installa entre nous et cela m'oppressait.
Soudain, je me rendis compte que Kaede avait disparu. Depuis combien de temps ne marchait-il plus à mes côtés ? Je commençai à paniquer, mais il réapparut aussi soudainement qu'il avait disparu et je constatai avec surprise qu'il avait acheté des croissants. Quel homme rapide !
— Un croissant ?
— Avec plaisir, acceptai-je le sourire aux lèvres.
Nous continuâmes d'avancer dans l'avenue principale qui me paraissait étonnamment vide pour un samedi après-midi. Kaede me tendit alors une rose rouge, sortie de nulle part.
— En quel honneur ? demandai-je, troublée par ce sentiment inconnu.
— En l'honneur de notre nouvelle alliance, me répondit-il en souriant.
Je saisis la noble fleur et aussitôt ce parfum que j'appréciais tant chez les roses envoûta mon nez. Je jetai un regard reconnaissant au jeune homme, il avait réussi à cerner mon caractère en si peu de temps... Je l'embrassai sur la joue, alors qu'il rigolait. Le courant passait si bien entre nous, j'espérais que ça continuerait ainsi !
Une discussion s'anima entre nous, les sujets venaient mais n'étaient jamais fixes, nous apprîmes à nous connaitre, ce qui me ravit. Kaede n'avait pas le profil démoniaque que j'avais lu dans les livres. Gentil et attentionné, il venait facilement en aide aux autres.
Nous avancions joyeusement dans la rue principale lorsque je remarquai Alice assise dans un café. Je m'arrêtai brusquement à quelques mètres du fameux café. La jeune fille paraissait de meilleure humeur, comme si les problèmes des derniers jours n'avaient pas existé. Elle souriait niaisement alors que son ami parlait d'un sujet quelconque.
J'observai le jeune homme d'un oeil curieux. J'avais l'impression de l'avoir déjà vu. Ses longs cheveux bleus, brillant sous les reflets du soleil, étaient attachés en une queue de cheval haute. Seule une mèche trop courte encadrait la partie droite de son visage et mettait en valeur ses yeux bleus foncés. Contrairement à Kaede qui portait de simples vêtements noirs, le nouveau prétendant d'Alice portait un pantalon sombre et une chemise blanche surmontée d'un gilet. Cet habillement lui donnait un côté classe.
Le tatouage présent sur mon poignet se mit changer de couleur, il fluctuait au doré tout en envoyant de petits picotements de mon avant-bras. Je me sentais bizarre, mes émotions étaient comme brouillées, je n'arrivais pas à me concentrer sur quoi que ce soit. Une décharge électrique envahit tout mon corps et je sursautai lorsque Kaede posa sa main sur mon épaule. Son regard inquiet m'examinait alors qu'il me demandait :
— Gwendolyn ? Tu rêvasses ?
— Tu vois ça, dis-je en pointant ma cousine du doigt.
— Oui et ?
— Ce garçon est une Sentinelle.
Je déclarai ceci d'une voix sûre. Je ne savais pas pourquoi j'affirmais ça, je n'avais rien pour le justifier à part l'intime intuition qui s'éveillait en moi. Je la sentais et je ne pouvais pas la combattre. Kaede écarquilla légèrement ses yeux avant de reporter son regard sur le compagnon d'Alice.
— Tu en es certaine ?
— Oui...
— Ils partent ! Viens.
Le démon me tira dans une ruelle adjacente et je m'appuyai contre le mur, afin de ne pas tomber. Je tremblais et ce n'était pas un coup de froid. Ma tête tournait et le sol tanguait, je fus obligée de m'asseoir. Était-ce l'apparition d'une Sentinelle qui me procurait un tel malaise ?
Il fallait croire que oui, je m'étais sentie mal lorsque la Sentinelle noire était apparue. Mon vertige finit par s'estomper et je me redressai avec l'aide de Kaede. Je jetai un coup d'oeil au café mais Alice et son ami avaient disparu. Il ne manquait plus que ça.
— Kaede, il faut qu'on retrouve ce garçon !
— Oui, trente secondes.
Kaede regarda la ruelle des deux côtés, ses yeux brillaient d'un éclat anormal. Ses narines palpitaient rapidement et il finit par s'engager dans la partie droite de la rue. Cela me surprit, mais je le suivis.
— Tu es sûr que c'est pas là.
— Oui, l'odeur de ta cousine, accompagnée d'une autre inconnue, va dans ce sens mais elle revient en arrière. Celle inconnue continue dans cette direction, dit-il.
— Tu te repères à l'odorat ?
— Euh comme chaque démon oui...
Plus nous avancions, plus la foule se densifiait. Tous les gens convergeaient vers le même endroit, le portail d'une maison bourgeoise. Je remarquai que quelques gardes se dirigeaient également de ce côté. L'armée de la reine était toujours présente en ville depuis la fin de la guerre, c'était une manière d'assurer une certaine sécurité aux habitants.
Kaede et moi nous faufilions à travers les gens, les bousculions sans prêter attention aux protestations. Je repérai un homme plus grand que les autres gardes au milieu de cet attroupement. Je ne voyais que son dos et ses cheveux châtains clairs, pourtant lorsque sa voix s'éleva, mon sang se glaça. Je l'aurais reconnue entre mille, même avec les yeux bandés. C'était impossible, Clade ne pouvait pas faire partie de la garde royale ! J'eus un mouvement de recul, mais Kaede me stoppa alors que mon agresseur continuait son monologue.
— Donc M. Samuel Danvers, je vous arrête pour trafic d'objets magiques.
— Je n'ai rien trafiqué, mais vous m'arrêtez parce que je ne veux pas vous aider à détruire les chaînes du sceau, répondit un homme imposant, une vraie armoire à glace, aux cheveux bleus grisonnant attachés en une courte queue de cheval.
— Kaede, il parle du sceau et de magie en public, c'est dangereux, dis-je.
— Cette ville a été cachée au monde des humains par une sphère magique. De simples mortels ne voient pas les bâtiments, ils ne passent jamais par ici d'ailleurs. Seul votre manoir est extérieur à la sphère.
Je détournai le regard pendant que Kaede m'expliquait ceci. J'aperçus soudainement l'ami d'Alice. Il regardait l'armure à glace d'un oeil effrayé et fit un pas en avant pour se dégager de la foule. Au même moment, Clade déclara :
— On m'a informé que vous saviez qui serait la prochaine Sentinelle, dites-le-moi gentiment et il n'y aurait aucune représailles, reprit Clade.
L'homme haussa un sourcil mais dévisageait le jeune homme aux longs cheveux bleus. Leur air de ressemblance ne me laissait aucun doute, ils avaient un lien de parenté. L'armoire à glace serra fortement le main de sa femme et essaya de lui indiquer l'ami d'Alice.
Un geste significatif pour Clade qui comprit immédiatement. Indiquant à ses soldats d'entraver le jeune homme, il murmura :
— Ainsi, ce serait votre fils.
— Ça part trop loin, marmonna Kaede à mes côtés.
Il inspira calmement et imposa une main sur mon poignet, à l'endroit exact où se trouvait la clé de l'Annonceuse. Je ressentis immédiatement un flot d'énergie traversant tout mon corps. J'étais engourdie et j'entendis un horrible crépitement résonner alors que Kaede avançait la main. Un éclair percuta Clade au niveau du plexus solaire et l'envoya au sol.
Des cris s'élevèrent, les gens cherchaient à fuir et se bousculaient. Saisissant l'occasion que lui offrait cette panique, le jeune homme aux cheveux bleus se délivra de la poigne des gardes par une prise d'art martial. Il jeta un regard à ses parents qui l'incitèrent à s'enfuir.
Kaede m'avait pris la main et nous étions enfuis dès que le démon était intervenu. Réfugiés dans une ruelle adjacente, nous essayions de reprendre notre souffle. Je ne me sentais pas faible, bien au contraire, j'avais l'impression d'être étonnement puissante. Une aura noire entourait Kaede et finit par se dissiper, elle semblait reprendre sa place dans le tatouage de la Sentinelle noire.
— C'est toi qui as fait ça ? questionnai-je.
— Oui et je ne sais pas comment. Si ce gars est une Sentinelle, on ne pouvait pas le laisser aux mains de Clade. Il faut qu'on l'amène à ton père, me répondit-il. Regarde, il arrive.
Effectivement Kaede avait raison, le jeune homme arrivait en courant et mon ami l'interpella discrètement lorsqu'il fut à notre hauteur. Essoufflé, il ne dit rien et se contenta d'écouter Kaede, tout en étant appuyé contre un mur.
— Ça va te paraitre bizarre, mais tu es en danger, suis-nous et il ne t'arrivera rien.
Je ne savais pas si Kaede avait eu les bonnes paroles, mais le nouvel arrivant hocha la tête en signe d'approbation. Ne lui laissant pas le temps de reprendre son souffle, nous partîmes en courant, en direction de Flash.
— Gwen rentre avec lui, je vous rejoins dans quelques instants, me demanda Kaede.
— Mais comment vas-tu rentrer ? m'inquiétai-je.
— Les démons se débrouillent par eux-mêmes.
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