Chapitre 39

Gwendolyn

Daemon s'était révélé être quelque de très gentil et de serviable. Discret et timide, il été le genre de garçons qui n'attirait pas l'attention mais qui valait la peine que l'on s'intéresse à lui. Malheureusement, Kaede et sa grossière attitude intimidait le jeune homme qui ne semblait pas être entièrement lui. Il jetait de temps en temps un regard à Isabelle, il semblait beaucoup l'apprécier.

— Atchoum !

— Kaede, ferme ta veste, lui demandai-je.

— De toute façon je suis déjà enrhumé, ronchonna-t-il.

Je ne lui laissai pas le temps de bouger et fermai son blazer noir. Kaede était peut-être déjà malade, mais ce n'était pas une raison pour aggraver son état. Il faisait partie des personnes qui ne prenaient pas soin d'eux et qui forçaient leur corps jusqu'à des extrêmes dangereux.

— Au fait Julius, pourquoi t'es-tu disputé avec ton père ? demanda Alice.

— Parce qu'il a vendu mon piano et refuse de me laisser faire un échange avec une école de musique. Tout ça parce que j'ai fait un 5 en physique.

— Ce n'est pas si grave que ça, commenta ma cousine.

— Je ne retournerai pas chez moi.

Je restai bloqué sur ces paroles. Comment ça il ne rentrerait pas chez lui ?

— Tu ne peux pas faire une fugue ! S'exclama Alice.

— Je veux que mon père comprenne que ce n'est pas en me mettant la pression que je vais réussir. Peut-être qu'en disparaissant, il s'en rendra compte.

***

Une semaine de cours vraiment très calme. Marianna s'était tenue à carreaux et nous évitait le plus possible alors que Daemon restait de plus en plus avec nous. Isabelle s'était beaucoup attachée à lui et parlait souvent avec lui. Elle semblait enfin s'être remise de sa rupture avec Fried.    

Le week-end s'annonçait moins tranquille car la recherche de la dernière Marque était prévue. J'attendais ce moment depuis longtemps, elle annoncerait la fin de ce périple. Pourtant, je sentais comme un pincement au coeur. Cette dernière Marque sonnait la fin de cette vie en communauté. Adams et Fried, ainsi que la reine, retournerait au palais. Il y avait des chances pour que Kaede et son père trouve un appartement en ville et déménagent. Tant de solitude d'un seul coup...

Je m'habillai avant de rejoindre les autres au salon. Claire et Adams étaient assis sur le canapé et discutaient. Isa servait de modèle pour la peinture de Fried. Alice lisait, ne prêtant aucune attention à Julius, tandis que celui-ci contemplait notre piano avec envie. Kaede était toujours dans les cuisines, il y passait le plus clair de son temps lorsqu'il n'était pas avec moi. Mon père entra dans la pièce, l'air fatigué, et annonça :

— C'est bon, j'ai prévenu les parents de Julius qu'il avait dormi ici. Nous pouvons commencer les recherches.

Julius ne broncha même pas quand mon père mentionna ses parents, il semblait perdu dans ses pensées. La reine arriva, accompagnée de Gerd et de Kaede.

— Fried... demanda la reine.

Le jeune prince posa son pinceau et essuya ses mains sur son manteau. J'avais appris récemment qu'il aimait la peinture et avait un talent fou, talent que sa mère entretenait depuis longtemps. S'asseyant sur le canapé, il répéta les gestes qu'il devait connaitre par coeur après quatre missions. Mais cette fois-ci, quelque chose ne tournait pas rond, normalement au bout de deux ou trois minutes, il se réveillait, cependant sa transe dura plus d'un quart d'heure et le jeune homme étaient toujours inconscient.

— Le tatouage du métamorphe influence toujours ses pouvoirs. Il faut le réveiller avant que Clade ne puisse faire quoi que ce soit, s'écria Gerd. Julius, de l'eau s'il te plait !

Julius ne réagit pas, il regardait toujours le piano. Il n'avait plus aucune notion de temps ou d'espace.

— Julius ! cria Gerd.

— Excusez-moi.

Julius finit par revenir sur la terre ferme et déversa une vraie tempête sur Fried qui se réveilla en sursaut. j'avais la nette impression que Julius ne contrôlait plus ses pouvoirs correctement. Que se passait-il enfin ?

— Alors ? demanda la reine.

— Un château plutôt sinistre, des squelettes sanguinolents et la Marque sur la jambe gauche du roi.

— Le royaume des goules, murmura Claire.

Vu la tête qu'elle tirait, ce n'était pas vraiment bon signe. J'avais beau écouter les cours, je ne connaissais pas ce monde-là, mais contrairement au royaume des elfes, celui-ci n'augurait rien de bon.

Kaede, Julius, Fried et moi mîmes nos gilets noirs, Gerd avait rajouté des sangles pour les couteaux, cette mission-là s'annonçait être la plus dure et la plus dangereuse. S'agissant de la dernière Marque, Fried devait nous accompagner. La reine ouvrirait la brèche, elle saurait la tenir ouverte plus longtemps. Elle avait obligé Adams à nous suivre, elle aimait nous savoir en sécurité, surtout avec l'ancien bandit.

Après une longue chute, je tombai dans l'eau. Elle était froide, glacée même. Me faisant l'effet d'aiguilles qui transperçaient ma peau, je me mis à frissonner. Les quatre garçons émergèrent à mes côtés, le souffle court. Une légère buée s'échappait de nos bouches, prouvant le froid ambiant qui régnait.

— Comment allons-nous rentrer, l'entrée est gardée ? analysa Fried.

— On va déjà se mettre à l'abri des regards, dis-je en nageant vers l'arrière du château.

Après quelques minutes de nage, qui me parurent interminables, je remontai sur la rive. Mes vêtements dégoulinaient sur le sol et me donnaient froid, peut-être aurais-je pu soigner l'atterrissage. Je levai les yeux sur la façade de pierre du château. Au troisième étage, une lumière émanait par une fenêtre ouverte, projetant des ombres fantomatiques sur l'eau des douves.

— Kaede, tu te sens capable de nous porter jusqu'à la fenêtre ? demandai-je.

— Toi, oui, mais Fried et Julius sont trop lourds. Et Adams...

— Vous vous compliquez la tâche, déclara Fried.

— Pardon ?

Sous nos regards médusés, il tendit les mains vers les douves. Instantanément, l'eau gelée se modela, suivant les gestes de Fried. Au bout de quelques instants la glace prit la forme d'un escalier.

— C'est plus simple, maintenant, montez !

Les marches de cristal glissaient et je craignais à chaque moment de déraper. Ayant déjà le vertige, je restai figé sur le milieu de l'escalier, bloquée entre Kaede et Julius.

— Gwen avance ! murmura Julius.

— Je...j'ai peur.

— Tout va bien, ne regarde pas en bas. Fais-toi un peu confiance, me rassura Adams.

J'écoutai le bandit, et forçai mes jambes à avancer malgré les tremblements qui m'agitaient. Le rebord de la fenêtre sonna comme une délivrance. Saisissant la main que Kaede me tendait, je sautai dans une pièce sombre, une bibliothèque je crois. À l'opposé de la fenêtre se trouvait une porte dont je m'approchai. Avant de l'ouvrir, j'écoutai le silence qui n'était pas troublé par le moindre bruit. Je tournai discrètement la poignée et regardai dans le couloir. Personne.

— On peut y aller, la voie est libre, dis-je.

Je m'avançai dans le couloir. Je ne voyais rien, les ténèbres enveloppaient l'espace de leurs bras froids, voilant notre vue. Kaede prit la tête du groupe avec Adams. Leurs yeux rouges brillaient d'un éclat de lumière, ressemblant aux yeux d'un chat. Ils nous menèrent jusqu'à un croisement où nous nous y arrêtâmes.

— Et maintenant ?

Kaede leva le visage vers le plafond et je vis ses narines palpiter. Que faisait-il enfin ? Je devais vraiment être stressée pour oublier que la nature démoniaque de Kaede lui fournissait des sens bien plus développés que les nôtres.

— À droite, il y a une odeur magique ressemblant à celle de la Marque, annonça le jeune démon.

Avançant toujours dans les ténèbres, nous arrivâmes devant une haute porte à double battant. Kaede, ne faisant jamais dans la dentelle, enfonça la partie droit de la porte. Une siège en os trônait dans la salle éclairée par des torches. Peut-être Kaede aurait-il dû vérifier s'il y avait ici autre chose qu'une odeur magique, car la salle était remplie de squelettes sanglants et décharnés.

Les regards se tournèrent vers nous. Les goules poussèrent d'affreux râles et semblaient prêtes à nous envoyer au septième ciel. Pourquoi n'avions nous pas prévu un plan d'attaque ? Comme si la goule, se trouvant en face de moi avait lu dans mes pensées, elle se jeta sur moi, armes en avant.

Sans que je ne puisse esquisser le moindre mouvement, Kaede se jeta sur la créature et d'un geste brusque, brisa les os de son cou. La créature s'effondra tandis qu'un liquide noirâtre fut projeté au visage du jeune démon. Un long silence s'ensuivit pendant que la créature se vidait en un bruit de succion insupportable. Un grognement s'éleva et les monstres, furieux de la mort d'un des leurs, se jetèrent sur nous. Les garçons me poussèrent vers la porte et j'entendis à peine Kaede qui me lança :

— Reste-là et laisse-nous gérer.

Je me réfugiai derrière la porte et activai la Sentinelle noire dont la spécialité était l'attaque. Kaede ne pouvait pas se défendre uniquement avec son pouvoir démoniaque, les ennemis étaient trop nombreux.
Julius se retrouva coincé entre plusieurs goules, il courut vers un mur, et se propulsa avec force contre le mur, s'offrant ainsi la puissance nécessaire pour faire un salto arrière, survolant ainsi les goules pour les tuer de dos sans qu'elles ne puissent réagir.

Une goule attaqua Fried par derrière et il eut juste le temps de se baisser lorsque je criai, la hache trancha ses longs cheveux verts. Adams, qui avait remplacé son pistolet, tirait avec précision sur les goules qui menaient nos amis.
Le liquide noire giclait de partout, les cris résonnaient entre les murs de pierre et l'odeur des boyaux me fit suffoquer. Lorsque le massacre se termina, il ne restait plus qu'une goule, le roi. Les garçons étaient épuisés, le souffle court, le visage maculé de sang noirâtre.

— Gwen récupère la Marque, que l'on puisse partir, supplia Fried.

M'approchant du roi, je lui plantai un couteau dans le cœur, ce geste m'arrachant des regrets, mais la survie de nos mondes en dépendait, je ne pouvais prendre aucun risque. Mais quelque chose clochait, le roi ne réagit même pas et aucun liquide ne s'échappa de la blessure : ce n'était qu'un mannequin. La Marque n'était qu'une tache de peinture.

— Les gars, on s'est fait avoir, dis-je complètement paniquée.

— Quoi ?

J'entendis les pas de la Triade et d'Adams se précipiter vers moi, tandis que je fixais incrédule le pantin se désagréger.

— Vous êtes naïfs !

Les garçons, comme moi, ne nous attendions pas à entendre quelqu'un. Je me retournai, la main sur l'un de mes couteaux, qui m'offrait une faible protection face à quelqu'un comme Clade. Nous n'avions aucune chance de le vaincre maintenant. Mes amis étaient épuisés, et j'étais incapable de me battre pour nous cinq.

Nous ne pouvions pas rentrer par la brèche de la reine, il fallait pour ça récupérer la Marque qui se trouvait au poignet de Clade. Autrement dit : c'était impossible. Dans la précipitation, Fried ouvrit sa propre brèche et nous y précipita sans que je ne réalise vraiment ce qui était en train de se passer.

J'atterris dans le salon sous le regard des adultes qui ne comprenaient pas les raisons de cette soudaine apparition. Kaede m'aida à me relever. Sur son beau visage, une blessure saignait, sûrement faite lors de son combat.

— Clade nous a tendu un piège, chuchotai-je.

Nous étions tous installés dans le salon et Gerd avait préparé du chocolat chaud pour que nous puissions nous remettre de nos émotions. Je sirotais calmement le mien tandis que la reine égalisait les cheveux de Fried. Elle mit le dernier coup de ciseaux et laissa retomber la mèche. Les cheveux verts du jeune homme étaient désormais courts et les plus longues tombaient sous les oreilles. Après réflexion, les cheveux courts embellissaient son visage.

À la demande de la reine, je racontai ce qui s'était passé. Je n'eus cependant pas le temps de commencer que les parents de Julius entrèrent. Le jeune homme se leva d'un bon et sembla chercher de l'aide auprès de sa mère qui paraissait inquiète. Son père, furieux, s'avança vers Julius qui recula jusqu'à être appuyé contre le mur.

À peine eut-il levé la main que Julius se mit à trembler, il pressa ses mains contre ses tempes et se laissa glisser le long du mur. Il ferma les yeux en essayant de contrôler ses tremblements. Il ne me fallut que quelques instants pour comprendre que le geste de M. Danvers avait provoqué une crise d'angoisse. Son père, désemparé, posa une main sur l'épaule de son fils qui continuait de trembler. Le jeune homme, réussit à se calmer. Se redressant, il regarda son père et murmura :

— Papa, je...

— Que pensais-tu réussir en fuguant ?

Julius baissa les yeux pour éviter de fixer ceux, courroucés, de son père. Après quelques minutes de réflexion, il les releva.

— Tu as vendu le piano, tu sais parfaitement que la musique c'est toute ma vie. On dirait que tu es prêt à tout pour me détruire.

Il allait ajouter quelque chose quand son père le gifla. M.Danvers ne supportait visiblement pas la détermination dans la voix de son fils. Sous le regard choqué d'Adams et de Kaede, Julius porta sa main à sa joue et se tut. Ses tremblements reprirent, et cette fois-ci, ils n'étaient pas dûs à l'angoisse, mais à la colère. Son père l'agrippant par le bras, le tira hors de la pièce et dit à sa femme :

— On rentre !

Avant qu'ils ne quittent la salle, j'aperçus le regard désespéré de Julius. Mais personne ne bougea, car le jeune mage allait devoir s'expliquer avec ses parents, et nous avec les nôtres. Claire demanda immédiatement des éclaircissements à Alice. Notre cousine était mal à l'aise et pâlissait à mesure qu'elle parlait, craignant la réaction de sa mère. Claire était évidemment contrariée qu'Alice lui ait menti et s'apprêtait à la sanctionner, mais Adams intervint.

— Une sanction est inutile, déjà que la mission a raté, on ne va pas perdre notre temps.

Son ton ne plut pas à ma tante qui le fusilla du regard, n'aimant pas qu'il se mêle de ce qui ne le regardait pas. Adams avait remis son cache-oeil, évitant les questions des gens. La reine approuva les dires du garde du corps, mettant tout le monde d'accord.

Nous dirigeant vers la salle à manger, je demandai alors à mon père pour pouvoir monter me doucher, ce qu'il ne pouvait pas me refuser. Enjambant les marches, j'ouvris la porte de ma chambre à la volée, et la refermai avant de m'y appuyer. J'inspirai pour me calmer. L'échec de cette mission m'inquiétait plus que prévu...

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