Chapitre 18
Gwendolyn
J'en avais déjà marre des cours, je ne comprenais rien, j'avais hâte de revoir certains devoirs avec Fried qui avait promis de m'aider. Il était 17h00, la sonnerie retentit, Julius et moi ramassâmes nos affaires et sortîmes de la classe en sprint.
J'avais très envie de voir Kaede, il m'avait manqué, et je pense que Julius avait aussi hâte de retrouver Alice. Arrivés dans la cour, Fried, Alice, Kaede et Isa nous attendaient. J'adressai un grand sourire au démon, en remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
— Comment se sont passés tes cours ? m'intéressai-je.
— Incompréhensibles.
— Tu as essayé de comprendre au moins ?
— Oui, mais les arbres étaient bien plus passionnants.
— Toujours aussi peu débile ! s'exclama une voix moqueuse dans notre dos.
En nous retournant, nous découvrîmes Dermingham avec un affreux sourire narquois aux lèvres. Oh pas lui !
— Va-t'en, lui dit Kaede, t'es soûlant !
— Pardon, mais il y a quelqu'un qui vous cherche, dit-il
Dermingham s'éloigna prestement alors qu'un garçon s'approchait, en le reconnaissant je crus rêver, c'était Daemon, le fils de Clade. Il avait un air triste et mélancolique qui ne collait pas à son identité. Était-ce une illusion ou ne ressemblait-il absolument pas à son père ? Mes amis se raidirent tandis qu'il commençait à parler.
— Je...J'ai entendu votre discussion dans les écuries et..., bégaya-t-il avant d'être interrompu par Kaede.
— Tu nous espionnais, espèce de...
Les dents de Kaede surgirent et il essaya de griffer Daemon, mais j'eus le réflexe d'activer la Sentinelle noire ce qui bloqua l'essence démoniaque de mon ami. Surpris, celui-ci me fusilla du regard tout en essayant de rompre notre lien, sans y parvenir.
— Kaede, arrête, laisse-le parler, s'il te plaît, demanda Fried.
— J'aimerais vous aider à délivrer M. et Mme. Danvers.
Une pierre sembla tomber dans mon estomac. Sans m'en rendre compte, je m'appuyai sur l'épaule de Fried qui me soutint.
— Je pourrais vous aider à rentrer dans le manoir et à vous en faire ressortir ? proposa Daemon.
— Parfait, on part à 20h15 du bal et il faut rentrer avant 00h00, tu crois que c'est possible ? demanda Isa.
— Oui, il faut que je vous laisse ma sœur m'attend.
Daemon s'éloigna d'une démarche chancelante. J'étais sceptique sur le fait qu'il voulait nous aider et apparemment les autres aussi. Comment pouvions-nous faire confiance à ce garçon sans même le connaitre ?
— Êtes-vous réellement sûrs qu'il est fiable ? m'enquis-je.
— Je ne sais pas. Kaede, tu es un démon, tu es plus sensible aux mensonges des autres, est-ce que tu as senti qu'il mentait ? interrogea Julius.
— Non, apparemment il était sincère.
— Tout ça est extrêmement bizarre, murmura Alice.
— Soyons attentifs et prêts à intervenir s'il a essayé de nous rouler dans la farine, prévint Julius.
Tout le monde approuva, et nous partîmes chacun dans nos dortoirs respectifs. Cette histoire me préoccupait bien plus que ce que je n'admettais. Mes mains tremblotaient et je me sentais physiquement faible. Peut-être avais-je fait une erreur en activant la Sentinelle noire ?
Le dîner se passa sans encombre, et contrairement à Kaede qui mangea à sa faim, je ne pus rien avaler.
***
Le bal commença, Isa et Fried dansèrent la première valse, et il était évident que Fried avait l'habitude. Leur visage reposé m'indiquait qu'ils étaient heureux. Alice entraina Julius sur la piste, les deux jeunes gens avaient ce point en commun : la danse. Je restai près du buffet comme à chaque bal, tentant de sourire malgré l'ennui que je ressentais. Après quelques minutes, une fille s'approcha de Kaede et lui demanda timidement :
— Tu m'accorderais cette danse ?
— Désolé mais non, je n'aime pas danser.
Déçue, elle s'éloigna sans un mot. Kaede avait-il refusé vis à vis de moi ? Je ne savais pas mais sa réponse me convainquit.
— Il est bientôt l'heure d'y aller, autant ne pas attirer l'attention.
À 20h15, nous rejoignîmes Daemon. Le fils de Clade nous attendait derrière l'un des bâtiments secondaires. Appuyé contre le mur de briques rouges, il se redressa alors que nous nous approchions. Son regard se posa sur Isabelle puis dériva lentement vers moi.Très bien habillé, je remarquai enfin à quel point il avait du charme... Et ma soeur ne semblait pas être indifférente.
— Vous voilà enfin, murmura-t-il.
— Nous sommes là maintenant, s'agaça Kaede.
Daemon, peu à l'aise en présence du démon, se tut et nous désigna une voiture. Je ne voulais pas savoir comment il l'avait trouvée...Nous installant à l'arrière du véhicule, notre guide prit le volant. Il n'était pas plus âgé que nous mais il semblait connaitre le code de la route.
La notion du temps m'échappait, nous roulions sur une route peu fréquentée. Les arbres empêchaient les rayons de lune d'éclairer notre chemin. Je déglutis, pas vraiment rassurée par l'aspect des lieux. Tandis que nous sortions de l'orée des bois, un sombre manoir apparut devant nos yeux.
Grelottant, je fus pourtant obligée de sortir de la voiture. Le vent soufflait et je frissonnai lorsqu'il me transperça de sa lame froide. Dans un coin du jardin, je remarquai une tombe, ce qui ne fit qu'accentuer mon angoisse. Qui était enterré ici ?
Daemon contourna le manoir, et un éclair déchira le ciel, heureusement il ne pleuvait pas. L'atmosphère se faisait lourde, pesante et oppressante, j'avais de la peine à respirer craignant d'entrer dans la maison du Diable.
— On va passer par les cuisines, on prendra un passage secret depuis là, ces corridors relient toute la maison, expliqua Daemon.
Nous longeâmes le bâtiment, une odeur de brûlé effleura mes narines, ce qui me fit froncer le nez. Lorsque nous arrivâmes devant une porte, je commençais à m'étouffer d'anxiété.
Daemon l'ouvrit et s'y engagea sans la moindre hésitation. Nous pénétrâmes dans une grande pièce où divers chaudrons étaient alignés sur le feu, au centre de la pièce se dressait une grande table sur laquelle des casseroles et pleins d'autres choses étaient posés.
Daemon se dirigea vers une armoire où se trouvaient des herbes médicinales, il tira sur une petite fiole, et le meuble coulissa immédiatement sur le côté en laissant apparaître un passage. En entrant dedans, j'entendis de l'eau goutter et une odeur de moisissure m'assaillit, ce qui ne me rassura pas.
Le longeant durant un temps indéterminé, je me sentis soulagée lorsque nous sortîmes sur le palier du deuxième étage. Daemon se dirigea vers une des portes, il s'agenouilla devant la serrure, ferma les yeux, et un déclic se fit aussitôt entendre, nous ouvrant instantanément une entrée. Incroyable comment avait-il fait ?
— Allez-y, je ferai le guet, nous dit Daemon.
Nous opinâmes de la tête et pénétrâmes dans la pièce, Julius en tête. À l'intérieur, je remarquai deux personnes enchaînées aux chevilles, pour éviter une quelconque évasion, une des deux était évanouie. À peine entrés, j'entendis une voix grave s'élever des ténèbres.
— Bon sang, Julius qu'est-ce que tu fais là ?
— On vient vous sauver, répondit l'interpellé.
Malgré sa carrure, le père de Julius n'avait pas fière allure, des mèches de ses cheveux gris s'étaient échappées de sa queue de cheval, ses habits étaient déchirés et sales. Une sanglante cicatrice s'étirait sur une des joues, preuve d'une violente altercation. Sa femme, inconsciente à côté de lui, était dans le même état, ses cheveux bleutés, comme ceux de son fils, étaient emmêlés et plein de sang.
— Julius, as-tu un plan pour faire céder les chaînes ? demanda Fried.
— Euh pas vraiment...
— Ça ne posera aucun souci.
Kaede s'approcha du couple, l'air confiant. Comment comptait-il faire ? Daemon était dehors et nous n'avions pas les clés. Un objet brilla entre les mains du démon et je constatai qu'il s'agissait d'une dague.
— Tu te balades toujours avec un couteau ? m'étonnai-je.
— Oui. Question de sécurité.
Il s'acharna sur les chaines jusqu'à ce que la serrure cède. Une fois libéré, le père de Julius prit sa femme dans ses bras et, sans perdre une seconde, nous partîmes rejoindre Daemon. Je lui fis un signe de tête, lui signalant que tout allait bien. Il esquissa un petit sourire et nous raccompagna jusqu'au véhicule.
M.Danvers prit le volant, et, d'une voix que j'espérais assurée, je le guidai jusqu'au manoir. Personne ne parlait, l'air était lourd et nous écrasait. J'espérais arriver rapidement, cette atmosphère me donnait la nausée. La pression commençait à redescendre, ce qui me fit trembler.
Notre manoir finit par apparaitre. Cette simple vue me rassura, mais ne fit pas disparaitre mon angoisse pour autant. Nous aidâmes les parents de Julius à marcher et rejoignîmes comme nous le pouvions l'intérieur. Nos parents ne semblaient pas dormir, bien au contraire. Tranquillement installés, ils discutaient autour d'une tasse de thé. Pierre de Villiers leva la tête et je vis ses narines palpiter, il sentais l'odeur du sang.
— Je crois que l'on a de la visite, dit-il simplement.
Claire et mon père se retournèrent d'un même mouvement. Ils affichèrent un air horrifié en apercevant les Danvers. À moitié conscient, le père de Julius s'effondra sur le canapé. Julius sursauta et déposa sa mère près de son mari.
Dans un réflexe, j'activai la Sentinelle d'or. Aussitôt des picotements s'étendirent sur mes avants-bras. L'air tourbillonnait en volutes d'or autour de Julius, assis sur la canapé près de son père. Au bout de quelques minutes, les blessures s'étaient résorbées et les victimes en bien meilleur état. Ma tante ne parvenait pas à trouver ses mots et se contentait d'ouvrir la bouche avant de la fermer, tel un poisson. Ce fut finalement Pierre qui rompit le silence.
— Qu'est-ce qui vous a pris ?
—Vous ne faisiez rien, répliqua Kaede, le regard noir.
— Il n'a pas tort, intervint Alice.
Pierre de Villiers soupira et passa une main dans ses cheveux grisonnants. D'un pas plus assuré, il s'approcha des Danvers et leur tendit la main. Le père de Julius le regarda étrangement mais ne saisit pas la main, à la place il se contenta de dire :
— Vous êtes un démon n'est-ce pas ?
— D'une race pure en effet.
— Vous n'avez rien à faire dans le monde de la magie.
Pierre haussa un sourcil tout en baissant sa main, il ne fusilla même pas l'homme du regard et se contenta de sourire.
— Ce royaume accepte mal notre influence, pourtant dans le royaume voisin, les démons sont au service de la famille royale.
— Cette monarchie tombera si elle continue d'employer des êtres tels que vous !
Les deux hommes se jaugèrent du regard, alors que ma tante et mon père détournaient les yeux. Je sentis la colère bouillonner en moi, de quel droit monsieur Danvers jugeait-il ainsi les démons ? Je décidai de mettre mon grain de sable dans cette histoire.
— Nous devrions retourner à l'école avant que quelqu'un ne s'aperçoive de notre absence.
— Gwendolyn a raison, approuva Pierre.
Pierre embrassa Kaede sur le front, et, ne nous laissant pas le temps de répliquer, partit. D'un geste impatient, je m'isolai des liens de Sentinelles, ne voulant pas qu'ils ressentent mon désarroi.
***
La fin du bal approchait lorsque nous arrivâmes devant l'école. Sa magie rayonnait et entourait les bâtiments de puissance. C'était un spectacle envoutant, je n'arrivais pas à détacher mon regard de la lumière auréolant autour du moindre objet. Nous avions remis nos tenues de soirée et ce fut sans le moindre accro que nous nous glissâmes dans la salle de bal.
— Personne n'a remarqué notre absence, déclara Alice.
— Visiblement, répondis-je.
Je n'en étais pas aussi sûre qu'elle, je n'avais pas confiance...D'un oeil distrait, je regardai Julius l'entrainer sur la piste de danse. Ils dansaient vraiment bien, comment faisaient-ils ? Je remarquai alors Kaede, d'habitude si joyeux, les bras croisés et appuyé contre le mur. Ses yeux rouges brillaient d'un éclat inquiétant. Était-il en colère contre son père ? Ou alors...
— Tu as envie de danser ? demandai-je.
— Ouais, répondit-il, mais si tu ne veux pas ce n'est pas grave.
Je mis ma fierté de côté et l'entrainai danser, curieusement il se débrouillait assez bien. Je savais, ou plutôt j'avais entendu une discussion entre mon père et Pierre, que les de Villiers n'étaient pas d'une famille aisée. Kaede n'avait donc pas eu de leçons de bonnes manières ou de danse. Toutes ces choses appartenant à la haute société, le jeune démon ne les avait jamais apprises. Pourtant, c'était la première fois que je m'amusais à un bal. Ça ne dura pas longtemps, une fois que le directeur monta sur la scène, toutes les danses cessèrent.
— Il est bientôt minuit, il est donc temps d'aller vous coucher, mais avant j'aimerai parler à six élèves : Votre Majesté, Mlle. Verdi, M. Danvers, Mlle.I.Shardhose, Mlle.G.Shardhose et M. de Villiers. Venez dans mon bureau.
Avait-il eut vent de notre absence ? Si c'était le cas, comment avait-il su ? Je vis Dermingham, du coin de l'oeil, sourire et Caro, dont le visage trahissait son inquiétude, se rongeait les ongles.
— Asseyez-vous, nous intima le directeur. Bien, M. Dermingham, m'a signalé que vous étiez partis du bal. Puis-je savoir où vous étiez ?
Oh bon sang ! Qu'allions-nous dire ? Pouvions-nous faire confiance à cet homme ou était-il allié à Clade ? Tant de questions se bousculaient dans mon esprit, je commençais à paniquer, comment justifier notre absence ? Fried intervint alors :
— Ma mère m'a appelé pour un devoir royal, mes amis ont voulu m'accompagner et je n'ai pas refusé.
— Votre Majesté, vous êtes conscient que vous n'avez pas le droit de partir sans prévenir les surveillants.
— Oui, j'en suis parfaitement conscient, mais je ne peux rien refuser à son Altesse, répondit Fried avec un sourire aimable.
— Oui, en effet, je veux bien passer l'éponge parce qu'il s'agit de vous votre Majesté.
— Je vous en remercie.
— Vous pouvez y aller, conclut le directeur, mais que ça ne se reproduise pas.
Nous sortîmes du bureau, soulagés. Heureusement que Fried était intervenu, je ne savais pas comment nous nous en serions tirés s'il n'avait pas été là...
— J'espère que le directeur ne va pas appeler ta mère pour confirmer notre alibi, m'inquiétai-je.
— Tu crois vraiment qu'il dérangerait la reine pour ça ? Et puis, il n'a pas de preuve que j'ai menti, me répondit Fried.
— Oui, tu as raison.
— C'est bien la première fois que j'abuse du titre de ma mère, il ne faudrait pas qu'elle l'apprenne, sinon je vais en baver, avoua-t-il comme s'il parlait pour lui-même.
— T'inquiète pas, elle n'en saura rien. Je crois qu'il serait bien d'aller dormir, je suis crevé, dit Kaede.
Tout le monde approuva et nous partîmes chacun de notre côté. Dans la chambre je me changeai. Il me tardait d'enlever cette robe blanche. Cette première journée avait été éprouvante, je n'en pouvais plus. La porte s'ouvrit brusquement et Caro apparut. Magnifique dans sa robe rouge, elle semblait pourtant inquiète. Pourtant, je ne m'étonnais pas que Erik se vante d'être son copain.
— Gwen, tout va bien ? Me demanda-t-elle.
— Oui, ne t'inquiète pas.
— Où étiez-vous passés ?
Je ne savais pas si je pouvais lui faire confiance, alors je répondis la même chose que Fried, elle ne chercha pas plus loin. S'asseyant sur son lit, elle me regarda fixement avant de dire :
— Ne t'étonne pas si Kaede est d'humeur massacrante demain matin.
— Pourquoi serait-il de mauvaise humeur ?
— Il partage la même chambre qu'Erik.
J'éclatai de rire en les imaginant coincés dans la même chambre. Eux qui se détestaient, ça ne promettait rien de bon. Je ne tardai pas à m'endormir.
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