Gwendolyn

À peine nous étions-nous assis sur le rebord de la fontaine, qu'un homme et une femme sortirent du bâtiment principal. Les discussions cessèrent aussitôt.

— Je suis madame Frost, annonça la dame. Je serai la surveillante des filles, et voici monsieur Snow, le surveillant des garçons. Ne perdons pas de temps, mettez-vous en rang.

Je jetai un regard à notre groupe, avant de rejoindre une colonne. Filles et garçons étaient séparés. Nous traversâmes un couloir aux murs pierres où de nombreux tableaux, représentant d'anciens directeurs, étaient accrochés. Le sol, recouvert d'un épais tapis rouge, masquait le bruit de pas des étudiants. Le haut plafond avait été peint et représentait le mythe de la reine magique.

Mme Frost et M. Snow s'arrêtèrent devant une grande porte à double battant, avant d'inspecter les rangs du regard. Tous les élèves étaient sages et suivaient à la lettre les instructions, visiblement au courant des règles à respecter. Les deux surveillants nous donnèrent enfin l'accès à la salle.

Quand je rentrai, je découvris une immense salle. Deux grands gradins en escaliers, séparés par une allée, ornaient la quasi totalité du lieu. Devant eux, se trouvait une petite estrade où trônait un pupitre. Les garçons s'installèrent sur les gradins vers la fenêtre, tandis que les filles occupaient les places opposées.

Le vacarme monta dans la pièce alors que les élèves commençaient à faire connaissance. Mme Frost nous intima le silence et personne, pas même Kaede, n'osa contester. Un homme de grande taille entra et se plaça derrière le bureau. Une fois installé, il prit la parole.

— Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis M. White, le directeur de Welton, je vous souhaite la bienvenue dans ce lycée.

À Welton, les élèves étaient séparés par des niveaux. Si je comprenais bien, les premières années portent la lettre A, tandis que les dernières années répondaient à la lettre F. Ce qui voulait dire que la classe A1 était la classe 1 de première année, et la classe F1 la classe 1 de dernière année.

Pour ne pas perdre de temps, le directeur procéda tout de suite à la répartition des classes, pour les options nos professeurs nous expliqueraient plus tard. Après le diner de ce soir, il y avait ce que le directeur appelait : le début d'année. Je ne savais pas trop ce que cela signifiait, mais je ne m'en souciai pas et reportai mon attention sur les premiers noms appelés.

— Le professeur de la classe A1 sera M. Raw.

Le directeur commença à appeler les élèves de première. N'ayant pas l'âge de commencer au niveau A, notre double Triade se retrouva propulsée en troisième, le niveau C. Gerd comblerait nos lacunes. Pendant près d'une demi-heure, le proviseur  appela les élèves des niveaux A et B. Je commençai à m'ennuyer, quand M. White annonça :

— Alors le professeur de la classe C1 est M. Strappe, M. Daemon Blent, Mlle Marianna Blent, M.....

Je me raidis en entendant ces noms, les enfants de Clade. Je me détendis quelque peu en voyant un garçon et une fille aux cheveux châtains clairs qui paraissaient presque gentils, l'inverse total de leur père. Dès que les deux frères et sœurs furent à nouveau assis, le directeur reprit :

— M. Friedrich Darglass, je veux dire votre Majesté...

Quand il descendit l'allée, des murmures respectueux se firent entendre. « C'est le fils de la reine » ou « comme il lui ressemble ». Ma sœur lança des regards assassins à certaines filles, qui comprirent qu'il ne fallait pas tourner autour du jeune héritier. Ils n'étaient pas officiellement ensemble, mais ma soeur n'était pas prête à laisser tomber son premier amour. Les murmures cessèrent lorsque le directeur reprit :

— Mlle Alice Verdi ...

Ma cousine se leva, sous les regards dévoreurs des garçons qui cessèrent lorsque Julius leur déversa quelques « gouttes » d'eau sur la tête, d'un simple mouvement du petit doigt. Leur lançant un regard désapprobateur, le directeur continua d'appeler les élèves de la classe C1.

— Dans la classe C2, du professeur Richter ... M. Erik Dermingham ... Mlle...

Je commençai sérieusement à m'ennuyer et Kaede aussi vu le soupir qu'il poussa.

— Mlle Isabelle Shardhose... M...

Comme les élèves précédents, Isa alla chercher ses affaires, puis revint s'asseoir, pendant que M. White continuait son appel.

— Le dernier élève de la classe C2, M. Cade de Villiers.

Je vis Kaede grimacer. Il n'était pas avec moi, ce qui m'attrista. De plus, le directeur avait prononcé son nom à la française et il était avec Dermingham. Tellement d'éléments qui mettait le démon de mauvaise humeur. Le pauvre.

— C'est Kaede.

Le directeur marmonna un désolé puis passa à la classe C3. Quand Kaede remonta l'allée, des filles gloussèrent à son passage, mais se stoppèrent devant son regard meurtrier. Une fille risqua de renverser sa bouteille d'eau devant le rougeoiement de ses pupilles. Kaede avait une puissance phénoménale dans ses yeux.

— Dans la classe C3 du professeur Cruor, M...Mlle...M. Julien Danvers...

— Euh... c'est Julius, le corrigea l'interpellé en rougissant.

Le directeur avait déjà écorché plusieurs prénoms, ce qui fit rire certains étudiants. Julius descendit l'allée, ses longs cheveux ondulant dans son dos, les filles ne murmurèrent pas à son passage, car elles avaient bien compris qu'il était en couple avec Alice, pourtant leurs yeux prouvaient bien qu'elles le trouvaient... intéressant.

— Mlle Gwendolyn Shardhose...

Zut... C'était moi, je me levai d'un bond. Jetant un regard à Kaede, celui-ci m'encouragea en levant le poing. Je descendis l'allée et m'approchai de M. White pour prendre l'horaire et la clé qu'il me tendait, puis je retournai m'asseoir entre Alice et Isa. Pendant encore quelques temps, les niveaux D, E, F furent appelés. La répartition terminée, le directeur annonça :

— Maintenant que vous savez dans quelle classe vous êtes et quel est votre horaire, allez mettre votre uniforme, puis rendez-vous au réfectoire à 12h00 pile. Les cours commenceront à 13h00.

Il y eu un bruit incroyable dès que le directeur eut quitté la pièce. Alice, Isa et moi essayâmes tant bien que mal de rejoindre les garçons, mais avec le monde, ce fut impossible. Nous fûmes obligées de les attendre dehors, sous un des petits arbres de la cour.

J'étais très déçue que Kaede ne soit pas avec moi, mais j'étais soulagée d'être avec Julius. Je pourrais m'asseoir à côté de lui, sauf si le prof choisissait les places. Quand la Triade nous rejoignit, je ne pus m'empêcher de demander :

— Kaede, c'est quoi cette tête d'enterrement ?

— Avec tous ces cours je ne pourrai jamais remonter ma moyenne, en plus je ne suis pas avec toi, me dit-il avec une mine boudeuse.

— Julius pourrait t'aider pour remonter ta moyenne, intervint Alice.

Le jeune homme hocha de la tête, mais n'ouvrit pas la bouche. Il finit par nous laisser et rejoignit le dortoir. Il ne nous restait plus qu'à l'imiter. C'était bien la première fois que j'étais interne dans une école, je savais que les premiers temps seraient difficiles.

Ma chambre était le numéro 31, et se trouvait au deuxième étage. J'ouvris la porte à double battant des dortoirs féminins, j'arrivai devant un grand escalier menant aux étages supérieurs. À ma droite un couloir desservait les toilettes, tandis que celui de gauche menait aux douches.

Je montai l'escalier en colimaçon. Au premier étage, se trouvaient les chambres 1-30. Je continuai mon ascension et arrivai au deuxième étage, où les chambres 31-60 seraient habitées par les niveaux C et D. Je m'engageai dans le couloir de droite, et ouvris la première porte du couloir.

Une fois à l'intérieur, je découvris une chambre spacieuse, comportant deux lits, ainsi que deux armoires. Il n'y avait pas de bureau, car les leçons se faisaient à la bibliothèque.

En m'avançant, je remarquai l'uniforme, composé d'une chemise blanche, d'une veste noire et d'une jupe plissée noire, posé sur les lits. Je commençai par mettre mes affaires dans l'armoire, avant de déposer mes livres sur la table de nuit.

Celle qui partageait ma chambre n'était pas là, j'avais décidé de prendre la partie gauche de la pièce. Je passai ma jupe et ma chemise, j'allais boutonner le dernier bouton lorsque la porte s'ouvrit.

Je faillis m'étrangler en la reconnaissant ! C'était la fille que Dermingham avait rejoint après notre dispute. J'étais tombée avec la copine d'Erik. J'espérais juste qu'elle ne détestait pas Kaede, sinon ça n'allait pas le faire. Je devais tirer une drôle de tête pour qu'elle me demande :

— Tu te sens mal, ça ne va pas ?

— Non, ça va. Je m'appelle Gwendolyn Shardhose, tu peux m'appeler Gwen, me présentai-je.

— Moi c'est Caroline Lancinna , tu peux m'appeler Caro, dit-elle avec un grand sourire.

Elle avait l'air sympa et moins énervante que Dermingham. Nous continuâmes de parler et j'appris qu'elle était aussi une aphrodisiaque, pas étonnant que tous les garçons lui tournaient autour...