Chapitre 13

Gwendolyn

Le temps passait vite, et ma douche me parut passer trop vite, si bien que j'avais l'impression qu'il restait des résidus de boue sur ma peau et dans mes cheveux. J'attrapai un flacon contenant du vinaigre de cidre et répandis le liquide sur ma chevelure brune. C'était une petite astuce beauté que ma mère m'avait transmise et que je continuais d'utiliser afin d'avoir des cheveux brillants.

L'odeur du vinaigre se répandit dans la pièce, elle s'estompa progressivement lorsque je rinçai mes cheveux. Une légère brume m'entourait, alors que je passais un bref coup d'eau froide. Je m'entourai d'un linge et sortis de la douche.

Mon angoisse était tombée depuis que la Sentinelle d'argent était apparue, pourtant elle refit surface tandis que je pensais à cette première Marque. Il était de mon devoir d'Annonceuse de la retrouver, mais serais-je à la hauteur ? Je ne pouvais pas savoir tant que je ne m'étais pas confrontée à la réalité. Les Sentinelles seraient là pour m'aider...

Je m'habillai rapidement afin de ne pas perdre plus de temps, j'étais déjà terriblement en retard ! Dévalant les escaliers, je rencontrai Julius en chemin. Ses longs cheveux étaient encore humides, le temps lui ayant fait défaut. Dans ses yeux, je lus une certaine mélancolie qui m'inquiéta.

— Est-ce que ça va ? demandai-je.

— Je me fais du mauvais sang pour mes parents...

— Je suis sûre qu'ils vont bien. Mon père et ma tante auront vite fait de les retrouver.

Je n'étais pas aussi sûre que je l'affirmais... Je ne savais absolument pas de quoi Clade était capable. Mais nous devions rester confiants, les adultes allaient réagir ! Essayant d'adresser un sourire rassurant à Julius, je l'entrainai dans la salle à manger dans laquelle nous attendaient les autres.

— Enfin ! s'exclama mon père. Il est déjà 12h50, peut-être serait-il temps d'aller à la recherche de la Marque.

— Désolée, marmonnai-je.

— On voudrait bien rechercher cette Marque, mais on ne sait pas où elle est, contra Isabelle.

— C'est là que Fried intervint, annonça Gerd en se dirigeant vers le salon tout de suite imité par tous. Approche mon garçon. Gwendolyn, active la Sentinelle d'argent.

J'acquiesçai. Effleurant la pierre de lune blanche du bracelet, je fermai les yeux tout en essayant de ressentir le lien qui m'unissait à Fried. Des volutes d'argent tournoyaient entre nous et je ressentis à nouveau ses picotements sur ma peau. J'écartai les doigts du nouveau bracelet que Gerd m'avait offert et rouvris les yeux. L'héritier était entouré d'un halo d'argent qui s'étiola au bout de quelques instant.

— Bien, maintenant, tu vas écrire Marcam en rune devant toi, expliqua Gerd. Essaye de ressentir la puissance magique de chaque symbole.

Fried s'exécuta, mais à peine eut-il touché les runes violettes, que ses yeux devinrent vitreux, comme s'il était absent. Julius l'aida à s'asseoir, je fis de même car mes jambes semblaient vouloir me lâcher. Était-ce un effet secondaire de notre lien ? Comme toujours, je n'en savais rien. Fried finit par papillonner des paupières et sortit de sa transe.

— Qu'as-tu vu pendant ta transe ? questionna mon père.

— J'ai vu un homme immoler un taureau et une inscription en latin, où il était écrit Roma optima est*.

— La Marque se trouve à Rome. Gwen, crée une robe en lin très fin et deux tuniques courtes pour Kaede et Julius. Fried, tu resteras avec moi pour ouvrir un portail inter-dimensionnelle.

Une fois changés, nous revînmes dans le salon. Gerd et les autres étaient déjà en train d'ouvrir la brèche, tout le monde nous souhaita bonne chance, puis je m'avançai vers la brèche, quand Gerd me dit :

— Gwen, pour revenir ici, tu dois toucher la Marque !

Je n'eus pas le temps de répondre que je fus littéralement aspirée par les ténèbres. Je ne voyais rien, je n'entendais que le vent siffler dans mes oreilles et caresser ma peau. Je tombais dans le vide, rien ne me retenait, je ne sentais qu'une brise contre mon épiderme. Cette sensation de chute finit par s'atténuer et j'atterris lourdement sur le sol.

Le paysage autour de moi ressemblait à un petit jardin, des arbres fruitiers diffusaient une douce odeur sucrée qui me rappela celle de nos vergers. Pourtant j'étais certaine de ne plus être dans notre domaine. Kaede et Julius apparurent de derrière des bosquets. Un peu décoiffés, ils semblaient tout aussi déboussolés que moi. La Sentinelle d'or voulut dire quelque chose mais un homme s'approcha, l'air furieux, en gesticulant.

— Ah vous voilà, dépêchez-vous, le sacrifice va commencer, dit-il.

Apparemment il nous connaissait... Mais de quel sacrifice parlait-il ? Alors qu'il s'éloignait, je demandai aux garçons :

— Vous comprenez quelque chose ?

— Je suppose qu'il y a un sacrifice pour un évènement particulier, comme la mort de quelqu'un de connu ou une fête, répondit Julius.

Haussant les épaules, nous nous mîmes en chemin. L'architecture antique que j'appréciais tant apparut sous mes yeux émerveillés. Le marbre blanc, brillant sous les chauds rayons de soleil, m'éblouissait, ce qui m'obligeait presque à fermer les yeux. La foule grandissait et nous empêchait d'avancer. Nous étions très loin de l'autel. Des gens y amenèrent un taureau et nous dûmes nous écarter pour les laisser passer.

Malgré la distance, j'entendis un prêtre prononça des paroles en latin, je ne m'étais même pas rendu compte que nous parlions couramment le latin depuis que nous étions arrivés, comme si le fait d'avoir changé d'époque changeait également notre langage.

C'était le cas, autour de nous rien ne ressemblait à ce que je connaissais.
Un jeune homme s'approcha du prêtre et lui tendit un couteau. Le manche de l'arme était incrustée d'or, ce qui devait conférer une grande valeur à cet objet. Le religieux psalmodia des prières et approcha le poignard de la gorge du taureau qui ne réagit même pas.

L'homme entailla la peau de la bête, puis d'un geste vif, trancha les jugulaires. Des gerbes de sang jaillir et tachèrent les mains du sacrificateur.

Je me raccrochai à l'épaule de Kaede tout en mettant une main sur la bouche. Je ne supportais pas la vue du sang, cela me donnait la nausée et une terrible envie de vomir. Julius posa sa main sur mon épaule dans un signe de soutien et me dit :

— Regarde la nuque du prêtre.

Malgré mon dégoût évident, je suivis son indication et remarquai que la Marque s'y était imprimé. Je ressentis immédiatement une vague de panique m'envahir. J'inspirai un grand coup pour garder un semblant de calme.

— Comment allons-nous faire pour le récupérer ?

— Je crois que je sais comment faire, annonça Julius.

— Dépêche-toi, le pressa Kaede.

— Gwen, fais semblant de tomber dans les pommes, Kaede et moi, on fera de grands gestes pour faire venir le prêtre. Quand il se penche vers toi, tu toucheras la Marque et tu nous renvoies à la maison.

— D'accord...

Nous mîmes aussitôt notre plan à exécution, je me laissai tomber au sol sans la moindre hésitation. Tout de suite, Kaede et Julius crièrent à l'aide. Le prêtre s'avança et se pencha vers moi. Julius leva les mains et fit jaillir de l'eau. Il l'éleva autour de nous afin de nous protéger. La surface lisse et brillante miroitait sous la lumière du jour. Certaines personnes reculèrent en apercevant cet masse liquide.

Dès que le prêtre fut assez prêt, je plaquai ma main sur sa nuque, je me sentis aussitôt aspirée, mais cette fois, je ne tombais pas. La lumière avait remplacé les ténèbres et m'éblouissait. Le vent chatouillait ma peau, et l'ascension me parut durer des heures.

Mon poignet me brûlait et j'avais envie de vomir, une sensation bien désagréable lorsque l'on est ballotée dans tous les sens. Finalement, je fus éjectée de puit sans fond. Je m'écrasai lourdement sur le sol, je n'eus pas le temps de me relever que Kaede et Julius me tombèrent dessus.

— Vous avez réussi, s'écria mon père en désignant mon poignet.

— Oui, marmonnai-je.

Isabelle me sauta dans les bras et je remarquai alors que Fried était très pâle.

— Fried, ça va ? demandai-je inquiète.

— Oui, c'est juste que d'avoir ouvert le portail m'a vidé de mes forces, expliqua-t-il tout en s'asseyant.

— C'est Fried qui a ouvert le portail ? s'étonna Kaede.

— Oui, c'est l'un des pouvoirs de la famille royale, expliqua Gerd. Claire, tu devrais pouvoir le remettre sur pieds, non ?

— Pas de soucis, répondit-elle, Pierre aide-moi à le porter jusqu'à sa chambre !

Claire et Pierre, soutenant Fried, se dirigèrent vers l'escalier qui menait au premier étage, je les suivis, aussitôt imitée par Kaede, Julius, Alice et Isa. Une fois arrivés en haut, Claire s'arrêta devant la chambre de Fried, pendant que Pierre y entrait.

— J'ai oublié de vous dire, vous avez tous reçu une lettre de Welton, lisez-la, précisa-t-elle puis elle rentra à son tour dans la chambre.

***

Je distinguai tout de suite la lettre sur mon bureau, elle était assez épaisse, je pris le coupe-papier et déchirai le cachet. Il y avait trois feuilles, une pour les informations générales, une pour la charte de comportement et une pour les affaires à prendre, j'étais très surprise de savoir qu'on devait prendre des affaires de bal. Moi qui détestais ça, je n'étais pas ravie de savoir qu'il y en aurait un. Et en plus on devait porter un uniforme.

Je soupirai et commençais à préparer ma valise, je ne voulais pas perdre de temps durant la semaine avec ça. Robes, pull, tee-shirt et jupes, sous-vêtements en suffisance, ainsi que deux ou trois livres. Heureusement qu'on pouvait rentrer le week-end, l'école n'était visiblement pas très loin du manoir. Dès que j'eus fini de faire ma trousse de toilette, je casai tout dans mon sac de voyage, à peine l'avais-je fermé que l'on frappa à la porte.

— Gwen tu viens au salon s'il te plait, me demanda mon père.

— J'arrive, m'écriai-je.

Je me sentais fatiguée, et n'avait que l'envie de me reposer. Je ne voulais pas montrer mes progrès en magie à ma famille. Pourtant je n'eus pas d'autres choix que de descendre.

**********
*Rome est la meilleure (pas de référence historique, invention pure et dure)

Voilà ce que sont des runes !

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