Naissance de sentiments



Mon prénom résonne dans ma tête, j'ai mal dormi. Les histoires du Doc m'ont perturbé. Je n'ai pas cessé de penser à cette journée qui va débuter, les pirates, l'Arcadia, le Capitaine...

« Dickon ! »

J'ouvre les yeux, c'est la voix du Doc ?

« Dickon lèves toi, on vient te chercher dans trente minutes. »

Mon petit déjeuner est déjà servi et mes vêtements sont au pied de mon lit, ma cape, mes bottes et un uniforme... de l'Arcadia. Le Doc me dit que la laverie n'a pas pu récupérer ma veste, trop tachée de sang et la déchirure à l'épaule trop importante. J'avale rapidement mon petit déjeuner pour aller m'habiller. Je peste tout seul dans la salle de bain car j'ai un mal de chien à me vêtir avec mon épaule blessée. À peine sorti, qu'un homme toque à la baie vitrée de l'infirmerie et me fait signe de venir. Avant de partir je remercie le Doc de s'être aussi bien occuper de moi. Il veut me voir tous les jours pour mes soins. Doc me donne une accolade, ce geste me rassure un peu. A vrai dire je suis impatient mais un peu stressé de ce qui m'attend. Quelle chance pour moi de rencontrer tous ces hommes, pirates jusqu'au plus profond de leur âme, tenant tête à la Fédération d'Ixion pour conserver leur liberté. Vivre comme ils l'entendent sur ce beau vaisseau qu'est l'Arcadia. Et puis Harlock... Harlock le célèbre corsaire de l'espace, je n'ai jamais pensé croiser sa route un jour. En suivant cet homme qui m'emmène jusqu'à ma cabine, je perçois les vibrations des moteurs de l'Arcadia qui s'infiltrent dans ces sombres couloirs. Étrangement le bourdonnement sourd et régulier du vaisseau m'apaise.

« Voilà c'est ici. Pose ta main sur le boitier à reconnaissance digital. »

L'homme configure le boîtier à droite de la porte et elle s'ouvre. J'entre dans cette cabine qui sera mon dortoir pour quelques temps.

« J'espère qu'elle te conviendra car c'est la seule qui nous reste. »

« Je n'ai pas besoin de plus ça ira très bien, merci ».

Ma cabine est assez spacieuse, un lit double, une table avec une chaise face à une petite fenêtre et une salle de bain à gauche en n'entrant. Je jette un dernier coup d'œil sur ma chambre avant de ressortir dans le couloir. Un grognement se fait entendre, ce sont les moteurs de l'Arcadia, il se met en mouvement.

« Nous partons ? » dis-je au pirate qui m'accompagne.

« Oui le capitaine pense que nous nous sommes assez reposés, nous retournons au combat. »

Après quelques pas dans ce couloir sombre, l'homme s'arrête pour m'expliquer que le capitaine venait panser les blessures de ses hommes et de l'Arcadia, ici, en orbite autour de la lune. Ce qui leur donnaient un peu de répit lorsqu'ils en avaient besoin. En effet les dirigeants de la terre avaient signé un accord avec Ixion. Ses flottes n'avaient pas le droit de pénétrer l'espace aérien de la terre. En échange ils concédaient à leur fournir quelques ressources naturelles non indispensables à leur survie. Si les termes de ce contrat ne convenait pas à la Fédération les Chanceliers de la Terre engageraient une guerre contre elle avec pour chef de leur armada, le célèbre corsaire, protecteur de cette planète. Les terriens savaient pertinemment que s'ils laissaient la fédération d'Ixion s'installer et exploiter les ressources de la terre, il en était fini d'eux.

« Il me semble qu'Harlock a été banni de la Terre non ? »

« C'est exact. »

« Comment peut-il se lier avec le gouvernement de la terre alors ? Comment se fait- il qu'il puisse rester dans l'espace aérien de la Terre. ? » Pourq ..... »

« Doucement mon garçon je vais tout te raconter, vu que tu as l'air très intéressé par les mésaventures de notre Capitaine. »

« C'est une légende sur ma planète, on parle beaucoup de lui, de ses attaques foudroyantes. J'aimerai en savoir plus sur son passé. »

« Bon ben j'en étais où moi... Ha oui voilà. Quelques années après que notre Capitaine soit banni il y eu un renversement de pouvoir au sein de la Chancellerie. Les nouveaux dirigeant ne savaient pas trop comment gérer les menaces de la Fédération. L'un des chanceliers proposa de se servir du Capitaine car il infligeait déjà malgré son jeune âge des dégâts très important à l'armada d'Ixion. Cette idée n'a pas emballé les autres membres de l'assemblée mais n'avaient pas d'autre idées plus judicieuses. Ils convoquèrent Harlock pour établir un accord. Le droit de rester dans l'espace aérien de la terre lorsqu'il le désire et en échange il devrait la défendre coûte que coûte. Les dirigeants de la Terre savaient qu'il accepterait, il ferait n'importe quoi pour elle.

« Je peux comprendre qu'il soit attaché à sa planète natale. »

« Sachant cela, la Fédération n'a jamais osé s'attaquer la Terre et signa le traité de paix ordonné par la Chancellerie, elle ne voulait pas déclencher la fureur de notre Capitaine, même s'il s'attaque régulièrement à ses vaisseaux, la fédération le craint car il est impitoyable au combat. »

« Il est si cruel qu'on le dit ? »

« Ouais !! »

« Dis-moi, pourquoi le Capitaine a été banni de la terre ? »

« Il se battait pour que les terriens vivent libres et en sécurité. Il était le Capitaine de la flotte principale de la terre. La Fédération d'Ixion détruisant les autres planètes les unes après les autres, le Capitaine craignait qu'elle s'attaque à notre belle planète bleue. Il demanda une instance aux Chanceliers pour leur soumettre l'idée qu'il pourrait déclarer la guerre à la Fédération. Sa requête fut refusée. Mais c'était plus fort que lui, voir la Fédération d'Ixion saccager toutes ces planètes et tuer leurs  habitants lui était insupportable de ne pas les aider. Alors il s'attaquait régulièrement aux vaisseaux d'Ixion. Les Chanceliers eurent vent de ce qu'il faisait et lui demanderont de cesser ses attaques par peur des représailles du gouvernement d'Ixion. Il continua malgré tout. La sentence fut fatale pour son avenir d'amiral. Il fut dégradé dans un premier temps avant son procès ensuite, il fut condamné pour refus d'obtempérer et emprisonné. Son meilleur ami et ingénieur, père de l'Arcadia le fera s'évader et lui donnera ce vaisseau. Il sera déclaré déserteur et banni de la terre. »

« Quelle histoire, dit moi ! »

« Mouais, mais bon, même si le Capitaine continue à détruire les vaisseaux de la fédération, cela ne l'empêche pas de tuer et d'emprisonner de pauvres gens pour les réduire à l'esclavage. »

« Dis-moi en parlant de prisonniers sais-tu où la fédération les emmène ? »

Je pense à Gabriel mon frère, il c'est peut-être fait prendre lui aussi. Depuis que je suis dans la milice d'Orcus, aucun signe de lui, même avec le masque que l'on porte je l'aurai reconnu. Il a une cicatrice sur la lèvre supérieure, c'est moi qui lui est fait un jour où il me taquinait un peu trop. Il me manque terriblement, son visage commence à disparaître de ma mémoire, cela fait si longtemps. La nostalgie s'empare de moi.

« Non pas vraiment. Tu sais la Fédération contrôle pas mal de planètes, elle utilise ses prisonniers pour exploiter d'autres mondes tombés entre ses mains.

« Je vois. »

L'espoir de revoir mon frère un jour s'affaiblit. L'homme me fait visiter les différents locaux de l'Arcadia, le réfectoire, l'armurerie, la salle de sport, ... puis nous nous arrêtons devant une salle gigantesque. En son centre, une énorme machine qui s'élève jusqu'à... je ne sais pas en fait, tellement cette pièce est immensément haute. Ce montre de métal est connecté à d'autres machines plus petites et disposées en cercle tout autour de lui. Le tout lié par des dizaines de câbles entrants et sortants de partout. Des sons électroniques s'échappent des moindres recoins de la pièce. Des leds rouges, bleues, jaunes, scintillent en rythme sur toutes les façades de ces machines.

« La salle de l'ordinateur central, un concentré de technologie réunie dans ce lieu, on l'appelle l'Âme de l'Arcadia. »

« C'est gigantesque ! »

« Ouais, personne n'a le droit d'y pénétrer à part le Capitaine. Quiconque trouvé dans cette pièce mourra de son épée. » me dit mon guide.

« Ça ne rigole pas dit moi ? »

« Non pas vraiment, c'est la seule obligeance que le Capitaine nous impose sur ce navire. »

« Pourquoi ? »

« Je ne sais pas vraiment pourquoi il nous en interdit l'entrée, il a confiance en nous pourtant. Il passe des heures entières assit là à méditer devant l'Âme de son vaisseau comme dans un lieu de culte. Je pense pour ma part que c'est le cœur de l'Arcadia mais également le lieu de prière de notre Capitaine. Donc si je surprends un homme dans cette salle, je le tuerai. Je respecte cet homme qui m'a sauvé d'une vie sans lendemain et sa cause est juste. Il est un peu bizarre, mais je le suivrai jusqu'au fin fond de l'univers sans discuter. Enfin voilà, je te conduis à la salle des commandes pour finir. »

Nous poursuivons notre chemin dans ce long couloir interminable, je suis encore subjugué par cet ordinateur hors norme. Comment Harlock a pu se procurer une telle machine ? bien sûr, son ami disparu. Il était un ingénieur brillant soi-disant. Puis au fur et à mesure que nous approchons du pont supérieur, au loin, face à moi, j'aperçois des galaxies aussi belles les unes que les autres. Des nébuleuses dont les gaz dessinent œil, dragon, ... Et je  ne sais combien d'autre chose encore selon votre imagination. Nous arrivons au centre de la passerelle, après avoir passé un imposant fauteuil. De chaque côté de celui-ci deux consoles de navigation quelques pas plus loin. Certainement les postes des premiers officiers et... mes yeux ne sont pas assez grands pour voir tout ce qui se présente devant moi, c'est époustouflant. D'énormes voûtes en métal soutiennent ce gigantesque bow-window à 180degrés, j'ai le souffle coupé par la vue qu'offre le pont. L'impression de ne plus avoir de sol sous mes pieds, que je marche dans l'espace me donne le vertige. Je m'avance jusqu'au bout de la passerelle qui surplombe la salle des commandes. Devant moi, la barre et au-delà de l'oriel, l'imposante proue de l'Arcadia. En contre bas la salle des commandes en arc de cercle avec tous ces hommes alignés devant leurs consoles de navigation. Dans un murmure incessant, j'entends leur voix donner les instructions de guidage de l'Arcadia. Je m'avance le pas hésitant je suis pris d'étourdissements toutes les deux secondes par la sensation de vide autour de moi.

« Nous y sommes, tout se passe ici. » dit mon guide.

« Tu vois derrière nous...le trône du Capitaine il décide tout de ce fauteuil, ensuite il va à la barre qui est sur ton coté là et le combat commence. »

Je m'approche et touche la barre du bout des doigts, lisse et brillante. Je peux tout de même sentir les vibrations des moteurs. Une grande émotion m'envahit. La barre du Capitaine...combien de temps a-t- il déjà passé ici, cramponné à celle-ci. Je l'imagine dans un terrible combat, donnant l'ordre de tire des multiples canons crachant leurs rayons de feu sur les vaisseaux de la Fédération.

« Nous allons descendre à la salle des commandes. Je vais te présenter à l'équipage. »

« Très bien. »

La descente d'escaliers qui mènent à la salle des commandes se trouvent à l'entrée de la passerelle, donc nous revenons sur nos pas pour nous y rendre. En passant devant le fauteuil du maître des lieux je le scrute, pour en connaître les détails. Posé là, en bout passerelle à quelques pas de la barre. Il est fait d'une armature en bois sculptée très sombre, en son sommet un trio de têtes de mort finit de parer l'ossature du trône. L'assise est en cuir rouge ainsi que le dosseret portant le blason de l'Arcadia en son centre. Le bout des accoudoirs sont ornés eux aussi d'une tête de mort. Impressionnant fauteuil, comme l'homme qui s'assit dedans. Nous empruntons l'escaliers de droite. La salle des communications se trouve juste en dessous de la passerelle, nous passons devant pour rejoindre les hommes sur leur poste de travail.

Les pirates se retournent sur mon passage et m'observent.

« Bonjour messieurs, je vous présente notre blessé Dickon, vous serez amenés à le rencontrer dans les couloirs dorénavant, il est partiellement rétabli, je vous prie de le saluer. »

Ils me sourient tous et me font de grands signes de tête.

« Sympa l'équipage ici. »

« Ils savent tous que tu as mis ta vie en danger pour sauver leur Capitaine, ils ont du respect pour toi. »

« Ils aiment leur Capitaine tous ces hommes n'est-ce pas ? »

« Comme moi, il les a sauvés d'un passé sombre pour la plupart. Tous ces hommes ici donneraient leur vie pour lui s'il le fallait. Le Capitaine est dur et distant mais ferait tout pour protéger ses hommes qui ont juré de défendre la liberté sous sa bannière. »

J'entends des pas au-dessus de moi qui foule le sol de métal. Je les reconnais immédiatement pour avoir été bercé par leur cadence, dans les bras de mon sauveur.

Une voix se fait entendre.

« A tout l'équipage, le Capitaine sur la passerelle ! »

Il est là... au-dessus de nos têtes. Harlock est sublime, le corps droit, le regard loin devant. Sa cape et ses cheveux ondulent au grès de la climatisation, l'effet est majestueux, on dirait un roi sur un piédestal surplombant ses sujets. J'ai de nouveau ces sensations inconnues qui envahissent mon corps, mon cœur bat si fort. L'oiseau noir sur son épaule pousse des cris si stridents qui vous percent les tympans. Et le Capitaine s'adresse à son équipage.

« Destination, Pluton. Des vaisseaux de la Fédération font du dégât là-bas. Nous y serons dans deux heures, préparez- vous au combat. »

Son visage est fermé, ses yeux sombres. Je pense qu'il ne m'a pas remarqué mais soudain son regard se baisse sur moi. A cet instant je suis pétrifié par cet homme, mais pas question de détourner les yeux. Harlock reste fixé sur moi de longues secondes et se retourne, sa cape fouette l'air et disparaît, j'entends ses pas lents et légers s'éloigner. Hou-la je tremble, un simple regard de lui et vous êtes mort. Ces yeux bordés de feu m'obsèdent, tout s'arrête quand je plonge dedans. Mon guide me fait revenir à la réalité avec ces mots.

« Viens je te ramène à ta cabine. »

Je le suis sans discuter, plongé dans mes pensées essayant d'analyser mes émotions. Au fur et à mesure que nous remontons les escaliers qui mènent à la passerelle, je m'aperçois qu'Harlock est encore là, assis poing sur la joue, les yeux rivés au sol. Je sens les battements de mon cœur taper contre ma poitrine. Il doit réfléchir à son futur combat contre la fédération. Alors je me fais discret pour ne pas le déranger. Enfin, je ne veux surtout pas croiser son regard glacial encore une fois. Je l'observe juste du coin de l'œil. L'oiseau perché sur le haut du fauteuil du Capitaine me suit du regard puis, il pousse un cri persan.

« Dickon ! »

Je me stoppe net et serre les dents. Harlock vient de m'interpeller. Je fais quelques pas en arrière pour lui faire face. Je lance un regard des plus noir à cet oiseau de malheur. Je me poste devant le Capitaine et le contemple. Je fonds comme neige au soleil, je sens mes joues s'enflammées. Majestueusement assit sur son trône, il est... mon dieu c'est d'une beauté ! Un vrai tableau de maître.

« Capitaine ! »

En une fraction de seconde me revoilà pris au piège de ce regard. Je cherche dans ses yeux une émotion mais rien. Que me veut-il ? Je suis en apnée.

« Doc m'a prévenu de ta sortie de l'infirmerie. »

Je respire de nouveau.

« Oui ce matin Capitaine. »

J'essaie de reprendre une respiration normale, je ne veux pas qu'il sente que je suis déstabilisé.

« La visite de l'Arcadia t'as plu ?»

« C'est un vaisseau magnifique. »

« Très bien, que veux-tu faire en attendant ta guérison, il faut t'occuper. »

« Si c'est possible j'aimerai reprendre mes entraînements pour être au plus vite en forme. »

« C'est le Doc qui décide cela, pas moi. »

« Je lui demanderai plus tard. »

« Tu peux disposer Dickon. »

« Merci Capitaine. »

D'où je me tenais, je pouvais sentir de nouveau son parfum. Il me plut ce petit sourire en coin à la fin de notre conversation, son regard était si doux. Il parait froid, sombre, puis l'instant d'après, tendre, sensible. Il me déconcerte au plus haut point, mais je perçois beaucoup plus qu'il ne laisse paraître. Mais enfin qu'est ce qui m'arrive ? Pourquoi cet homme m'obsède. Oui bien sûr il s'agit du plus célèbre corsaire de l'espace, mais je ressens autre chose, un sentiment, une émotion que je n'arrive pas cerner.

Mon guide me raccompagne à ma cabine. Je décide de m'allonger sur mon lit pour me reposer, enfin je réfléchis d'avantage aux émotions qu'Harlock déclenchent en moi. Quel genre de sentiments j'éprouve pour cet homme ?

De l'admiration... ses hommes en ont pour lui sans aucun doute. Pour se mesurer à la fédération qui possède les vaisseaux les plus puissants de l'univers il faut un certain cran je pense. Il est connu aussi pour mener ses batailles d'une main de maître sans pitié ni remords. Une stratégie de combat inégalé. J'aimerai avoir son courage.

De l'intimidation... ho que oui, il vous fait froid dans le dos avec sa silhouette sombre et son air glacial. Mais je n'ai pas peur de lui, j'ai vu un autre homme à plusieurs reprises.

Pourquoi ces frissons qui remontent le long de mon dos quand je croise son regard ? Pourquoi j'ai des picotements dans le bas du ventre quand je pense à lui ? Est-ce que je ressens autre chose...certainement. Ce que j'éprouve pour lui est nouveau, mais je doute...je doute de leur nature. Tous ces sentiments mélangés c'est plus profond que ça. C'est impossible, une telle relation n'est pas envisageable. Lui le corsaire de l'espace, moi petit soldat d'Orcus. Un univers nous sépare, non il faut que je me reprenne. Je dois cesser de penser à lui de cette manière.


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