Une alarme assourdissante me sort de mes pensées. J'ouvre la porte de ma cabine, des lumières orange clignotent des plafonds et les hommes d'équipage courent partout. Nous devons être aux abords de Pluton. Je mets mes bottes, ma cape et me dirige rapidement vers la passerelle. Je décide de passer par la salle des communications pour atteindre la salle des commandes, Je ne veux pas qu'Harlock me renvoie dans ma cabine. Je me dissimule à la porte de la salle des communications, de là je peux voir tout ce qui se passe. La sirène d'alerte est toujours active, des hommes de l'équipage passent devant moi en courant pour compléter les postes inoccupés. Des dizaines de vaisseaux de la Fédération sont en orbite autour de Pluton. L'alarme cesse, la voix grave du Capitaine retentit sur la passerelle.

« Tous à vos postes de combat. Yattaran, activation du canon principal. »

« Canon activé Capitaine. »

« 35° degrés tribord... A mon signal...feu ! »

L'Arcadia est pris d'une forte secousse, le canon principal crache son premier rayon de feu tel un dragon. La bataille commence, je m'approche des consoles pour mieux observer.

« Le Capitaine est à la barre ! »

C'est Yattaran le premier officier de l'Arcadia.

Je me retourne pour observer Harlock, les deux mains sur la barre regardant droit devant.

Le Capitaine fonce tout droit sur la flotte d'Ixion qui s'approche elle aussi par le front. Proche de la collision frontale, Harlock remonte en flèche son navire et redescend en piquet pour se placer derrière la flotte ennemie. L'Arcadia grogne comme un animal sauvage,prend de la vitesse et rattrape l'un des bombardiers ennemis. Harlock se positionne en parallèle de ce vaisseau deux fois plus gros que nous sur la gauche. J'entends la barre tourner, l'Arcadia suit immédiatement le mouvement de celle-ci. La proue vire de bord et arrache tout le côté du vaisseau d'Ixion. Je n'en crois pas mes yeux. L'Arcadia rugit à chaque changement de cap du Capitaine, j'entends la barre tournée, s'arrêter brusquement pour reprendre de plus belle. Les tirs ennemis font frémir la carcasse de l'Arcadia, les faisceaux de leurs canons laser m'aveugle. L'alarme retentis de nouveau, l'Arcadia souffre, je l'entends gémir dans des bruits de métal sourds et tremble. Je suis accroché à une console près d'un pirate qui hurle des ordres de positionnement des canons secondaires. Leur puissance de feu mêlé à celui du canon principal nous ballottent aussi dans tous les sens. Dans ma tête c'est l'euphorie, mon adrénaline n'a jamais atteint un tel niveau, ce combat je n'en perd pas une miette. Le Capitaine toujours accroché à la barre donne ses directives les unes après les autres sans temps mort, comme j'aimerai lui ressembler. Je l'admire quelques secondes seulement, nous sommes touchés de nouveau par une pluie de tirs, je suis projeté à terre et me retrouve la tête sous le poste d'un pirate, qui me somme de déguerpir rapidement. J'arrive tant bien que mal à me sortir de là tellement nous sommes secoués, Mon épaule me fait souffrir, je suis tombé dessus lors de ma chute. Une fois debout je me retourne pour voir ce qui se passe devant.

Non, il ne va pas faire ça. Je vois ce bombardier passer en travers la route de l'Arcadia qui file à toute allure. Je me tourne sur Harlock pour voir... pour voir je ne sais pas quoi, c'est clair comme de l'eau de roche. Je pensais que ce n'était que des histoires pour embellir la narration de ses aventures. Harlock hurle de nous préparer au choc. Je cours vers la salle des communications dans l'espoir de m'accrocher à sa paroi avant l'impact. l'Arcadia transperce le bombardier de part en part, la violence du contact éclate la coque du bombardier en morceaux, l'onde de choc me transperce le corps tout entier. Le bruit strident des pièces de métal qui glisse le long des flans de l'Arcadia est insoutenables.

Ensuite tout s'enchaîne rapidement, le Capitaine éventre tous les vaisseaux qui lui barre la route les uns après les autres, tandis que les canons pulvérisent le reste. La bataille ne dure pas très longtemps, les vaisseaux ennemis aptes à s'enfuir déguerpissent rapidement. Harlock a un style bien particulier pour se battre mais très efficace. L'alarme s'arrête et tout redevient calme, le combat est fini. Harlock demande un rapport immédiat sur les avaries et donne l'ordre de faire demi-tour. L'Arcadia reprend son chemin, blessé mais toujours debout avec le Joly Roger flottant fièrement au-dessus de nos têtes. Il me fallut quelques minutes pour reprendre mes esprits. Tremblant encore de ce que je venais de vivre je décide de prendre le chemin du laboratoire du Doc.

« Dickon ! »

Le timbre grave de cette voix, c'est...

« Que fais-tu ici ? »

Je me retourne, je ne suis pas à l'aise.

« Je voulais assister à la bataille, Capitaine. »

Je garde les yeux rivés au sol, je pense que je vais me faire sermonner. Lorsqu'il est près de moi, je reprends mon chemin à ses côtés.

« Le combat t'as plu ? »

Soudain un cri strident derrière nous. C'est l'oiseau du Capitaine.

« Voilà Tori-San. » Dit Harlock.

Il nous dépasse en frôlant nos têtes, je sens le bout ses ailes qui m'ébouriffent les cheveux.

« Tes cheveux sont trop longs, il faudrait les couper. »

« Pas question, j'aime qu'ils soient longs, les vôtres ne sont pas très courts non plus. »

Harlock rit. Je suis surpris et je ris aussi, mais pas longtemps. L'oiseau fait demi-tour, fonce sur nous, enfin sur moi. Je prends peur, je me cache derrière Harlock. L'oiseau tournoie au-dessus de ma tête, alors je repasse devant Harlock en rabattant ma capuche sur mes cheveux, me cache ensuite les yeux avec mes deux mains. Je me blottis inconsciemment contre le torse du Capitaine. Je sens les griffes acérées de l'animal sur mon épaule droite. Le Capitaine m'entoure de ses bras, je n'ose plus bouger.

« Ça va ? »

« Je crois. »

Et puis je sens le bec de l'oiseau dans mon cou, puis dans mes cheveux. Je soulève quelques doigts pour voir ce que me fait l'animal.

« Mais que fait -il Capitaine ? »

Harlock me dégage doucement de sa poitrine. Il a l'air étonné.

« Je n'ai jamais vu Tori- San se percher sur une autre épaule que la mienne. »

« J'aurai préféré ne pas être le premier. »

Je finis par croiser les yeux de l'oiseau, il me caresse la joue de sa tête.

« Je crois que Tori est amoureux de toi. »

Je regarde Harlock un peu hébéter.

« Il t'a fait mal, tu veux que je le chasse. »

« Tant qu'il me pince pas il peut rester. »

Tori-San continue à fouiller dans mes cheveux en poussant de petits gémissements, je finis par me détendre un peu et nous reprenons notre chemin.

« Où en étions-nous déjà...oui alors, la bataille t'a plu ? »

« Oh oui Capitaine ! vous avez l'art et la manière de combattre c'était tout simplement grandiose et l'Arcadia il est...il est... »

« Incroyable ! »

« Oui c'est ça. » C'est vous qui êtes incroyable Capitaine pensais-je. Je ne peux pas m'empêcher de le dévisager et de lui sourire.

« Je m'arrête ici. » Dit-il.

Nous étions devant la salle de l'ordinateur.

« Prend soin de toi Dickon. »

Il me sourit à son tour en réponse à celui que je viens de lui donner. Ses yeux marrons bordés d'or plongent dans les miens, je suis comme hypnotisé. Je lâche prise cette fois car des sensations fourmillent dans tout mon corps et me déstabilise. Je ne veux pas qu'il décèle ma gêne à son égard. Harlock entre dans la salle de l'ordinateur et me donne un salut de pirates que je lui retourne. Et je poursuis mon chemin vers le labo du Doc l'esprit complètement retourné.

« Tori viens ici ! »

J'ai complètement oublié l'oiseau sur mon épaule. Harlock ressort de la salle pour appeler son animal encore une fois.

« Tori tu viens ? »

L'animal pousse un cri en regardant vers Harlock, enroule son cou dans mes cheveux. Tori-San ne veut toujours pas me quitter alors je retourne vers le Capitaine.

« Aller Tori-San retourne avec le Capitaine tu ne peux pas rester avec moi. »

J'approche mon épaule de celle d'Harlock le volatile s'installe sur son maître. Tori pousse de petits cris roques en regardant vers moi l'air un peu triste. Je décide de m'approcher de l'animal, il baisse la tête et je caresse son long bec. Je lui dis qu'il me reverra certainement. Je m'aperçois que ma main caressant Tori qui s'est glissé dans le cou du Capitaine, est enfouie dans ses cheveux. Je suis surpris et gêné par la situation, je recule.

« Merci Dickon, je ne sais pas ce qu'il lui prend, habituellement il déteste tout le monde, personne ne peut l'approcher. »

« Je fais exception à la règle apparemment. »

Harlock me dévisage, il ne m'a jamais regardé avec insistance de cette manière, j'ai l'impression qu'il cherche quelque chose à travers mes yeux.

« Bonsoir Dickon »

« Bonsoir Capitaine. »

Je lance un dernier regard sur le Capitaine qui me paraît triste. Je suis un peu déconcerté par la manière d'être du Capitaine, si différent de l'homme que je viens de voir à la barre de l'Arcadia il y a quelques minutes.

Un peu perdu dans mes pensées, je me rends donc chez le Doc qui m'interdit toute activité dans les cinq à six jours qui viennent. Heureusement ma chute dans la salle des commandes n'a eu aucun effet sur ma blessure, le Doc m'aurai certainement sermonné. Niaisement je me plains de douleurs à l'épaule. Le Doc souleva le pansement pour regarder par le dessous.

« Tout est ok, je vais te donner un anti douleur maintenant, dans une petite demi-heure tu ne devrais plus souffrir. »

« Merci Doc. »