Chapitre 1 : Chou, courge et poireau.


Chasseur se rendit devant la grande glace et observa son reflet, qu'il trouvait tout à fait correct. Il avait en face de lui un jeune homme grand, très grand, avec de longs, très longs, cheveux blonds-dorés et de singuliers yeux bleus, bleu comme le ciel dépourvu de nuages. Chasseur se regarda de profil. D'immenses ailes brunes émergeaient entre ses omoplates. Des ailes d'aigle. Sa tenue était banale, jean – T-shirt, mais il n'avait pas d'argent, pour une meilleure tenue. Le soir même, il assisterait à une réunion capitale. Cela faisait un moment qu'il n'y en avait pas eu, une bonne chose pour faire le point.

-Chasseur ?

-Oui, répondit l'intéressé en s'approchant.

Alexandre, son meilleur ami, était un jeune homme du même âge que lui, c'est à dire vingt ans, aux cheveux courts et bruns, aux yeux bruns également. Il était plus petit que Chasseur et était humain. Les humains et les mutants, bien que de la même espèce, s'étaient longtemps fait la guerre dans le passé. Mais désormais, tous vivaient dans une harmonie des plus totale. Le véritable ennemi, aujourd'hui, était JD, Maître incontesté du monde entier. Personne ne connaissait son vrai nom. En tout cas, pas les pauvres gens comme Chasseur ou Alexandre. Ceux qui avaient un minimum de pouvoir, les personnes riches, ne faisaient rien, trouvant dans cette tyrannie un avantage. En effet, JD leur fournissait robots de service, argent et tout ce dont on peut rêver. Mais aveuglés par leur cupidité, ils en oubliaient que tous les robots étaient plus ou moins contrôlés par JD et que le jour où il voudrait s'en débarrasser, les robots dits de service sortiront une arme et les tueront.

Chasseur, Alexandre et tous leurs amis en avaient bien conscience. C'est pourquoi ils avaient formé, dans la discrétion la plus totale, une rébellion contre ce Maître incontesté de la mécanique et de la programmation.

Le jeune aigle s'approcha de son ami, assis devant un poste informatique, qui, au moins, avait l'avantage de ne pas savoir se battre.

-Regardes Chasseur, commença-t-il en désignant l'écran, JD a publié ça.

Sur l'écran inerte s'afficha une sorte d'annonce, de publicité. « Bientôt à votre service, le Robot Intelligent ! L'intelligence de l'Homme avec la résistance et la docilité du robot ! » vantait l'affiche informatique.

-JD aurait développé une intelligence pour ses robots ? Demanda Chasseur.

-Il semblerait bien, répondit Alexandre. Que vas-t-on faire ?

-Je pense qu'on devrait en parler à la réunion de ce soir.

-Tu as probablement raison. De toute façon, on ne va pas prendre de décision importante tout seuls ! Et on irait pas loin à deux...

-Oui. JD l'a probablement fait plus réaliste, plus fort, plus agile... Il nous faudra nous en méfier...

-De toute évidence. Je continue à creuser.

-Oui. Je vais aller chercher des légumes frais, pour ce midi.

-Bonne idée, j'ai faim.

-Salut ! Lança le jeune aigle, enfilant son manteau.

L'air glacé du dehors lui fouetta le visage, balayant ses longs cheveux sur sa droite.

Remis de son premier coup de vent, Chasseur se mit en marche et se dirigea vers le marché. Là-bas, des hommes et des femmes, cachés sous d'épais manteaux, attendaient derrière leurs étalages remplis de légumes. Par le froid, les clients manquaient. Quelques courageux bravaient le froid pour s'approvisionner, redonnant le sourire aux marchands. Chasseur s'approcha du premier étalage.

-Bonjour, dit-il.

-Bonjour, monsieur, répondit le marchand – un vieil homme – d'une voix enrayée. Que voulez-vous ?

-Que me proposez vous ? Continua Chasseur. Des légumes de saison...

-Et bien... j'ai de l'endive, de la chicorée, du radis noir, du chou, du poireau, du navet, de la courge, aussi...

-Très bien. Et bien je vais vous prendre un poireau, un chou et une courge.

Le jeune homme arbora un large sourire, tandis que le vieux marchand pesait les légumes.

-Ça vous fera six euros vingt.

Chasseur lui tendit quelques pièces puis récupéra ses légumes.

-Merci beaucoup. Au revoir, bonne journée !

-Au revoir, de même.

Chasseur avait bien conscience que la journée de ce vieux marchand ne serait pas « bonne », mais le simple fait de l'entendre lui réchaufferait le cœur. Le jeune homme retourna donc vers sa maison, à tâtons, la courge obstruant son champs de vision. Soudain, il sentit une immense charge lui rentrer dedans et, déséquilibré par ses légumes, tomba sur le goudron râpeux.

-Oh, désolée, vraiment...

La jolie voix féminine qu'il venait d'entendre était cristalline, douce, et empreinte de soucis à son égard. Chasseur ouvrit les yeux et découvrit une magnifique jeune fille aux yeux vairons – un vert, un bleu – et aux oreilles de chat. Ses cheveux, d'un noir de jais, lui arrivaient au menton, bien droits, comme ceux de la reine Cléopâtre dans les reconstitutions. Une frange bien équilibrée ornait son front, et deux mèches longues encadraient son visage.

-Ce n'est rien, répondit-il en se relevant.

Il s'empressa alors de ramasser ses légumes, qui avaient valsé en même temps que lui.

-Je suis vraiment désolée, répéta-t-elle. Je ne voulais pas vous faire de mal...

-Vous veniez acheter des légumes, vous aussi ? La questionna le jeune aigle.

-Non... Je venais... me balader.

« Par un temps si froid ? » pensa Chasseur. Mais il n'oralisa pas sa remarque, ignorant le mensonge de la jeune femme.

-Vous voulez que je vous aide ? Proposa-t-elle, un immense sourire aux lèvres.

-Si ça vous fait plaisir, je ne vais pas dire non...

À peine ces mots prononcés, la jeune femme s'enquit du chou et du poireau, laissant la courge à son nouvel ami.

-Tu habites loin ? Demanda-t-elle en cours de route.

-Non, j'habite là-bas, dans la rue, en face...

La jeune femme semblait comprendre de quelle maison il s'agissait, bien que Chasseur n'ait pu – faute de mains libres – la désigner. Comme une confirmation, elle se dirigea vers la bonne porte d'entrée et l'ouvrit. Comme Alexandre était à l'intérieur, elle n'était pas verrouillée, mais la jeune femme appuya sur la poignée avec tant d'assurance, sans ne serait-ce qu'une once d'hésitation, qu'on eut dit qu'elle savait qu'il y avait encore quelqu'un.

La porte ouverte, elle rentra à l'intérieur, comme si elle fut chez elle.

-Qui est-ce ? Demanda Alexandre.

La jeune femme posa les légumes dans la cuisine, puis se dirigea vers le jeune homme, tandis que Chasseur s'accommodait de sa courge.

-Je m'appelle Féline, fit-elle en lui tendant la main.

-D'accord... Moi c'est Alexandre, répondit-celui là en lui serrant la main, décontenancé. Mais tu peux m'appeler Alex.

-Super, Alex ! Et toi, continua-t-elle en se tournant vers Chasseur, comment tu t'appelles ?

-Moi, c'est Chasseur. Donc tu t'appelles Féline... ça te va bien. Ça correspond à ta morphologie de félin...

-Oui. Et toi, j'espère que tu sais chasser, pour t'appeler ainsi !

-Euh... non... C'est juste parce que les aigles non-humains chassent...

-D'accord. C'est pas grave. Ça vous dérangerais si je restais un peu avec vous ?

-Euh... hésita Chasseur.

Le jeune homme échangea un regard avec Alexandre, qui haussa les épaules. Il regarda alors la jeune fille et découvrit un immense sourire qui semblait dire « s'il te plaît... ».

-Oui, répondit finalement le jeune aigle. Si tu veux.

-Merci !

La jeune femme lui sauta au cou, ainsi qu'à Alexandre.

-Juste une question, l'interpella ce dernier. Tu es pour ou contre les robots de JD ?

-Euh... Je ne l'avais jamais réfléchis sous cet angle, mais je dirais... contre. Comment vous l'appelez ? Gidée ? Étrange, comme nom. Mais ce n'est pas grave. Il se sert des robots pour contrôler le monde, parce qu'il craint des révolution de la part des humains s'il en engage. Mais si les humains se révoltent, c'est parce que ses idées sont mauvaises et ne plaisent pas à la majorité. Vous n'êtes pas d'accord ?

-Euh... si, si ! Répondit Alexandre.

-Bien sûr, tu as tout à fait raison, renchérit Chasseur.

-Super ! Et bien je sens qu'on fera une bonne équipe !


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