Chapitre 1 : Imbécile

Bonjour et voici le premier chapitre ! Je vous mets en lien la chanson que j'avais écouté avant de dormir et qui à inspiré mon rêve. Il s'agit de l'opening entier de MDZS, les montagnes ont été celles qui m'ont le plus influencé à faire ce rêve. Si vous pouvez l'écouter en même temps c'est super !
(si vous voyez des petites fautes n'hésitez pas à me les signaler)

Enfin bref, bonne lecture !!! Je vous kiss les fesses <3

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- Silence !! J'ai dit silence !!

Bon... vous vous demandez sûrement qu'est-ce que je fous en face du prêtre beuglant de me la fermer devant une assemblée entière pour avoir cassé le vase excessivement cher qu'un marchand vendait sur le marché et qui a eu la mauvaise idée d'être sur mon passage ? Comment ça « Non... » !? Bon. Je ne vous en veux pas, c'est normal. Juste pour vous dire que là, on est tous dans la merde... Car oui c'est drôle de faire des bêtises avec des amis. Même si on se fait choper derrière ce n'est pas grave, on a l'habitude, c'est amusant ! Mais ça l'est moins quand on entraîne quelqu'un d'autre dans nos bêtises et qu'il n'est pas, mais alors pas du tout le genre de personne à semer le trouble dans ces montagnes !

Depuis le début de ces réprimandes, il était reclus, à l'écart. Dans le petit temple où on nous sermonnait, il était le plus près du mur, et semblait s'y tasser pour ne pas qu'on le remarque. Moi je jetais parfois un petit coup d'œil vers lui, désolé. C'était moi qui l'avais trainé là-dedans après tout ! Quel imbécile...

Je croisai son regard, il le détourna aussi vite vers ses pieds. Il semblait vraiment inquiet et très intimidé par ces sermons. Je me sentais coupable.

Le prêtre finit par nous aboyer d'approcher pour nous excuser auprès des déesses et nous força à nous agenouiller devant la haute estrade où elles se trouvaient.

Je regardai ces statues de métaux précieux où étaient sculptées ces déesses ornées de couronnes et de bijoux. Je les avais vues trop de fois à force de m'excuser pour mes bêtises... si bien que je les connaissais sur le bout des doigts. Regardant ensuite notre nouveau copain de galère, je me dis qu'en revanche pour lui, ça devait être la première fois qu'il faisait cela.

En tournant ma tête vers le jeune homme, je me rendis compte à quel point il était près de moi. Je sentais clairement le parfum de ses longs cheveux de jais s'infiltrer dans mes narines. C'était un parfum de fleurs et de vieux papier.

Il était là, agenouillé, coincé entre moi, un pilier, l'estrade et la foule derrière nous. Il avait dû le remarquer car il avait les yeux bien fermés et non le regard dans le vague comme moi. Il semblait tout faire pour se concentrer et oublier ce qu'il y avait autour lui, moi y compris, mais avec difficultés. Je voyais ses oreilles rougir à travers ses cheveux ainsi que ses lèvres frémir, comme déstabilisé. Il était vraiment mignon.

Je me penchai un peu vers lui et chuchotai tout bas :

- Je suis vraiment désolé...

Pas de réponse.

- Tu as des problèmes à cause de nous, je suis vraiment désolé de t'avoir entraîné dans de telles histoires...

Pas de réponse... Bon. J'abandonnai.

- Tu garderas la photo ? me demanda-t-il tout bas.

Un peu surpris, je lui jetai un œil. Ce n'était plus seulement ses oreilles mais tout son visage qui avait rougis à présent.

La photo ? Ah oui ! Je l'avais encore dans un pli de ma robe. C'était une jolie photo, on l'avait prise aujourd'hui. On était tous les quatre, mes amis, lui et moi sur une aire de jeu en train de rire. L'étranger du coin, avec son appareil photo, nous avait pris en train de jouer et nous l'avait donné. C'était bien pratique ! Cette technologie était fascinante, et le cliché était beau, brun avec plein de nuances plus claires. On nous voyait avec précision en train de nous amuser. Mon premier ami était sur le toboggan en train de glisser les bras levés, l'autre était perché la tête en bas et faisait des grimaces à l'objectif pendant que moi, je grattais la tête emprisonnée sous mon bras de notre petit nouveau, tous les deux en haut du toboggan, attendant notre tour. Il n'y avait peut-être pas de couleur, mais on le voyait rougir dessus. Et il riait aussi, on le voyait pas souvent rire dans le village. C'était un véritable vent de fraicheur de le voir ainsi.

C'était juste avant notre bêtise qu'elle avait été prise, cette photo. Et elle était vraiment jolie. Evidemment que j'allais la garder ! C'était encore plus précieux qu'une relique, ce rare sourire de l'enfant prodige.

Ici, personne ne l'appelait par son prénom, c'était le Jeune Maitre, et point. Je ne l'ai sûrement d'ailleurs jamais su, son prénom, avant peut-être mes 10 ans lorsque ses exploits furent connus plus loin qu'entre les flancs de nos montagnes. Tout le monde l'appelait Jeune Maitre, je l'appelais aussi ainsi. Il était le jeune homme le plus riche ici, dirigeant avec son père ces montagnes, destiné à de grandes choses, des réussites hors normes, des richesses affolantes ! On disait qu'avec son intelligence et sa culture, il amasserait en un jour plus que ce que ses parents n'amassent à deux en un an ! Et ils gagnaient des sommes grandioses !

C'était un peu tiré par les cheveux... Un peu beaucoup même, mais que voulez-vous ? Il n'y a pas grand-chose à faire ici, il faut bien s'occuper. C'est tombé sur le fils du Granf Maitre de ces montagnes. Maintenant, il fait donc office de divertissement quotidien pour le village, et de malheur pour nous, jeunes hommes normaux.

Car oui, avoir un tel génie si près n'est pas de tout repos. Sans cesse nos pères et nos mères nous comparent à lui. Sans cesse ! « Regarde le Jeune Maitre, lui, il a appris la chasse à sept ans ! » « Le Jeune Maitre, lui, ne passe pas son temps à s'amuser, il travaille ! » « Tu ne pourrais pas un peu te concentrer au lieu de rêvasser ? A ton âge, le Jeune Maitre savait déjà faire trois fois plus ! » Et le Jeune Maitre par ci, et le Jeune Maitre par là... Encore et toujours plus, accompagné de beaucoup d'âneries et d'exagération. Ce ne serait pas étonnant si je vous disais qu'il n'était franchement pas aimé par la plupart des garçons du village. Il a fini par y avoir des on-dit. On le dit hautain et arrogant, pourtant il ne parle jamais. On le dit vil et pervers, pourtant il ne faute jamais. On l'accuse d'avoir violé des domestiques, pourtant il n'approche jamais les femmes de sa maison.

Plein de rumeurs circulent à son sujet pour la bonne et simple raison que ces enfants sont jaloux de la richesse de son esprit. C'est sûr qu'à force d'être comparé à longueur de journées par ses propres parents à un type qu'on n'égalera jamais, un type bien trop différent de nous, on finit par le haïr. Et audacieux sera celui qui osera répondre « Et vous ? Pourquoi n'êtes-vous pas comme lui ? », parce que ce serait du suicide.

Moi aussi on me compare à lui, mais honnêtement je n'en fais pas tout un plat. Je n'ai pas envie de lui ressembler et pour cause, je n'y tiens juste pas le moins du monde ! Surtout lorsque je vois toute la méchanceté qu'il se reçoit des autres. Les louanges cachent derrière plus de jalousie que d'admiration. C'est assez triste.

Moi je vis ma vie. Je ne suis pas des plus intelligents et ce n'est pas grave. Je n'ai pas un palais avec des domestiques, des chevaux et des jardins grandioses et ce n'est pas grave. Je n'ai pas un avenir de renom tout tracé devant moi et de l'argent plein les doigts et ce n'est pas grave. Je n'en ai pas besoin. Alors toutes les remarques qu'on peut me faire par rapport à lui, je m'en fiche, et je les ignore. De toutes les manières, ce n'est pas comme si on m'en faisait souvent. Est-ce car je suis tellement un cas désespéré qu'on ne voit même pas la peine de me faire la remarque ? En effet, ça doit jouer. Mais c'est surtout car les gens du village savent bien que j'ai autre chose à faire que d'étudier.

Pour faire simple, je n'ai rien contre lui, et je dois bien être le seul. C'est pour ça que lorsqu'un jour je l'ai vu passer par les sentiers de la montagne les bras chargés de manuscrits, je suis allé vers lui.

- Laissez-moi vous aider Jeune Maitre, lui dis-je en bon samaritain.

Il s'arrêta, surpris d'une telle proposition, mais il sembla encore plus surpris de voir qu'il s'agissait de moi, il en rougit légèrement. C'était quelque chose que j'avais remarqué chez ce prodige, le sang lui montait facilement aux joues.

Malheureusement ça ne dura pas, il se renfrogna.

- Navré, mais sans façon. C'est bien aimable mais je peux le faire seul, dit-il de sa voix grave et froide. Et puis si vous souhaitez être rémunéré ensuite sachez que je n'ai pas le moindre argent, j'en suis navré.

Il se retourna et repartit. Je souris et le rattrapai.

- Laissez-moi deviner, vous vous êtes fait avoir par les bandits de la semaine dernière ? lui dis-je en arrivant à son niveau.

Il s'arrêta à nouveau, cette fois-ci stupéfait. J'avais donc visé juste. Il avait dû penser qu'il s'agissait d'une nouvelle idée des petits malins du village pour piquer de l'argent à droite à gauche. C'était courant mais jamais bien méchant. Mais ces bandits en revanche ont été très fourbes avec les villageois. Qu'il soit si méfiant était compréhensible.

- Ils se sont fait virer de ces montagnes il y a deux jours, expliquai-je, ils ont arnaqué tout le monde alors l'histoire a vite fait le tour.

- Ce n'était pas des habitants ? demanda-t-il, avec un semblant de doute et de honte.

- Vous ne connaissez pas vos propres sujets ? C'est bien fâcheux, répliquai-je pour le taquiner.

- Vous êtes culoté.

Vexé il continua son chemin. Mince, il est susceptible pensais-je.

- Enfin Jeune Maitre, je ne fais que blaguer. Laissez-moi vous aider, je le fais de bon cœur ! Vous êtes à deux doigts de tout faire tomber.

Si au début il m'ignora, il finit par se résigner et accepta mon offre à contre cœur. Je lui pris la moitié des lourds papiers, en mis une part sous le bras et l'autre sur l'épaule, puis nous finîmes par marcher à travers les bois en silence.

Ces bois étaient calmes, frais, et beaux. Les oiseaux chantaient et volaient à travers les arbres et leurs branches, l'eau des cascades non loin jouait leur mélodie, et le vent sifflait pour l'accompagner dans cette harmonie. Oui, c'était un splendide spectacle à entendre et à vivre. D'ailleurs, si j'étais dans les bois ce jour-là, c'était précisément pour cela : me reposer et me détendre en profitant de la berceuse de Mère Nature.
Mais maintenant que je me trouvais avec le Jeune Maître, je n'avais qu'une seule envie : lui parler. Je voulais briser ce silence qui venait de s'installer discrètement, car non seulement je n'aurais sûrement jamais d'autre occasion de dialoguer avec lui seul à seul, mais surtout car ce silence commençait à devenir pesant. Le Jeune Maître quant à lui, devait lui aussi le ressentir car même s'il s'obstinait à ne me lancer aucun regard, je voyais bien ses oreilles rougir de gêne. Il devait être mal à l'aise qu'aucun de nous n'ose délier nos lèvres.

J'intervins.

- Vous apportez cela d'où ? commençai-je pour animer le trajet. De la ville ?

- En effet, me répondit-il après un léger temps d'hésitation.

- Et qu'est-ce ?

- Cela ne vous regarde pas, dit-il plus sèchement.

Je ne me démontai pas pour autant.

- Vous n'êtes pas obligé de me vouvoyer vous savez ? tentai-je en lui jetant un regard.

A ma grande surprise, son regard croisa le mien, celui-ci était timide.

- ... Vous non plus.

Je lui souris gentiment, amusé.

- Je n'oserai pas, on me tuerait si on l'apprenait ! Vous en revanche, vous n'avez pas à me montrer autant de respect. Il n'y a personne à impressionner ici !

- Il n'y a personne qui pourrait l'apprendre non plus, répliqua-t-il.

Je le regardai, toujours dans les yeux, avec beaucoup de surprise. Lui détourna le regard, feignant l'impassibilité mais je voyais bien le sourire qu'il réprimait et cette fierté dans son regard. Il avait du répondant en fin de compte, ça me plaisait bien.

Un petit rire passa mes lèvres, je lui souris.

- En effet, tu as raison.

Je le vis rougir encore plus. Cette fois-ci il ne cacha pas son sourire.

Il ne devait sûrement jamais se faire tutoyer étant donné qu'il était autant respecté dans le village et ailleurs. Même ses parents –du peu que j'avais vu et entendu- le vouvoyaient. Mais je ne voyais pas en quoi cela pouvait le faire sourire.

Au final, en y repensant, le Jeune Maitre, malgré les rumeurs, était quelqu'un de humble. Je ne l'avais jamais vu se vanter, jamais, même lorsqu'il avait tout pour.
Peut-être était-il content que je le traite comme mon égal ? Comme un garçon de mon âge ? Comme un ami ? Lui qui était vu comme un être supérieur par tout le monde, ça ne m'étonnerai pas qu'il veuille au moins une fois être vu comme un jeune homme normal.

Soit je me faisais des idées, soit j'étais bien perspicace ! Je pencherai bien pour la seconde solution -étant très modeste-, mais à ce moment-là, je ne savais pas, qu'en effet, j'avais raison.

Je décidai de reprendre la conversation.

- Alors ? Qu'est-ce du coup ? redemandai-je en ouvrant un des rouleaux de papiers.

Soudainement paniqué, il fit tomber la moitié de ses manuscrits et se précipita vers moi pour m'arrêter.

- Ne lis pas ça !!

Je ne m'attendais pas à l'entendre hurler ainsi. J'allais me défendre mais il me coupa la parole.

- J'ai dit que ça ne te regardais pas, c'est confidentiel, tu ne peux pas fouiller comme ça dans les affaires des autres !!

Je titubai, pris de court et manquai même de tomber. Il semblait vraiment énervé, je ne l'avais jamais vu ainsi ! Lui qui était si impassible et froid me hurlait dessus comme un animal.

Pourtant je ne me dégonflai pas :

- Mais je-

- Non rends les moi, je ne veux pas que tu lises ça !

Impossible de placer un seul mot, il m'en empêchait à chaque fois !

Il commença à m'arracher les rouleaux de papiers des mains.

- Mais eh att-

- Non, ces documents sont des demandes privés, je ne veux pas prendre le-

- Mais-

- risque que tu-

- Attend !!-

- lises ces document et-

- Mais je ne sais pas lire !!!

Je m'attendais à recevoir un coup, mais rien. Je ne m'en étais pas rendu compte mais j'avais fermé les yeux. En les rouvrant, je le vis les mains sur les papiers que je tenais, il me surplombait et j'étais bloqué contre un arbre. Le Jeune Maitre me regardait totalement figé.

Ce fut long. Ce blanc fut long. Il clignait à peine des yeux, trop stupéfait pour réagir.

J'avalai ma salive.

- Je ne sais pas lire, commençai-je, j'étais juste curieux de savoir s'il y avait des images, c'est tout ! Je ne pensais pas que c'était si grave, je suis désolé...

Je me redressai, lui de même. A nous agiter ainsi nous aurions pu tomber ! Une fois sur mes deux jambes, je le regardai attentivement, il ne bougeait toujours pas.

- Euh... Jeune Maitre... ?

Il sembla reprendre connaissance à ce moment-là. Je vis alors son visage changer du tout au tout : de confus, il passa à surpris, puis affreusement gêné au point que son visage ressemblait à une tomate bien mûre. Il s'éloigna d'un bond de moi, cachant son visage entre ses manches longues et se fondit en excuses.

- J-Je suis tellement navré ! Je ne s-savais pas... Je pensais que... Je suis confus pardonnez-moi...

Il se courba respectueusement, et je fus bien embarrassé pour le coup. Bon sang par les anciens, le Jeune Maitre venait de se courber devant moi ! Si quelqu'un nous voyait ainsi on me jetterait de la montagne pour sûr !! Bon sang je devais me sortir de là.

- Mais relevez-vous ! Enfin... relève-toi ! C-Ce n'est pas grave, tu ne pouvais pas le savoir non plus et puis... et puis...

Je ne sus quoi dire.

- Relève-toi, c'est vraiment gênant...

Je n'étais pas le genre de personne à être gêné pour si peu, mais je n'avais pas l'habitude d'autant de respect surtout venant de quelqu'un de si important. C'était beaucoup trop étrange ! Il n'avait pas à... enfin... c'était une situation beaucoup trop embarrassante pour moi.

Je me retournai pour récupérer les documents au sol préférant passer à autre chose. Je le vis se redresser du coin de l'œil.

D'une voix basse, je lui intimai de continuer notre marche car le village était encore un peu loin. Nous reprîmes donc les papiers sous nos bras puis notre route mais cette fois-ci il y avait une atmosphère un peu embarrassante. Nous n'osions pas parler, et ce silence, contrairement au précédent, n'était même pas un tout petit peu agréable ! Il était rempli de mal aise, et je n'avais aucune idée de comment y remédier.

Je dû longtemps me creuser la tête pour nous sortir de cette situation. Je repassai en boucle la scène qui venait de se terminer il y a peu pour trouver quelque chose sur laquelle rebondir pour détendre l'atmosphère, ou alors au contraire changer radicalement de sujet. Au final j'eu trop réfléchis et ce silence n'en fut que plus pesant.

Je dis la première chose qui me vint à l'esprit.

- Enfin... Je sais lire, commençai-je, quelques mots, quelques phrases, de quoi comprendre une liste de course. Mais c'est insuffisant, et j'ai beaucoup de mal alors... Techniquement, je ne sais pas lire.

Un ange passa. Ma tentative n'avait visiblement pas marché du tout. J'allais à nouveau parler lorsque la voix du Jeune Maitre se fit entendre.

- Tu n'as jamais appris à lire ?

Je souris légèrement. Il s'intéressait donc à moi ?

- Non, jamais, lui répondis-je.

- Oh...

Il ne rajouta rien. Je compris qu'il allait falloir que j'engage la conversation si je voulais qu'il me pose plus de questions. Je continuai donc.

- Ma famille n'a pas assez d'argent pour me payer des études, alors je n'en fais pas. Ce n'est pas comme si je souhaitais en faire de toute façon.

Il releva les yeux vers moi, les sourcils froncés et demanda.

- Ton père n'est pas instruis ? Il ne t'a rien enseigné ?

- Je n'ai pas de père.

Je le vis alors se figer du coin de l'œil, il était visiblement très embarrassé.

- Je ne savais pas, je suis navré, s'excusa-t-il la tête basse.

Je lui souris gentiment, faisant un petit geste de la main pour lui dire que ce n'était pas bien grave et le rassurer. Je ne l'avais jamais connu de toute façon, mon père, ce n'était donc pas un problème. Mais lui dire cela l'embarrassa encore plus, je continuai donc.

- C'est ma tante qui m'a enseigné le peu que je connais. Elle est très intelligente mais trop stricte alors parfois je fuyais ses leçons. Et puis mon oncle était trop occupé et manquait souvent de patience avec moi alors je n'arrivais pas à apprendre avec lui, lui expliquai-je. Du coup, Je sais parler, et compter. C'est déjà pas mal ! La lecture n'est pas mon fort, l'écriture encore moins, mais c'est suffisant pour que je ne vive pas dans l'ignorance totale.

Je le vis sourire du coin de l'œil, je fis de même.

- Etant donné que tu parlais si bien, je pensais que tu étais instruis, m'avoua-t-il.

Il était plus détendu, sa voix n'était plus aussi froide et tranchante qu'avant. Cela se voyait qu'il était plus à l'aise et cela le rendait plus jeune, plus accessible, plus humain.

Je répliquai avec le sourire :

- C'est ça de grandir avec une tante sévère qui veut faire passer son imbécile de neveu pour un aristocrate !

Je m'esclaffai de bon cœur et mon rire entraina celui plus retenu du jeune homme à mes côtés. Son rire était bas, mais mélodieux et enjoué. C'était doux à entendre. Ça me réconforta dans l'idée que le Jeune Maitre n'était pas si différent de nous que cela.

- Tu n'es pas un imbécile, lâcha-t-il d'un ton doux et un peu embarrassé pour contrer mes propos.

- Oh vous croyez ?~

Avec un sourire taquin, je m'étais légèrement approché de lui et lui avait fait un clin d'œil complice qui ne servait qu'à l'embarrasser d'avantage. En réponse, il détourna le regard et accéléra le pas pour s'éloigner de moi.

- Je retire ce que j'ai dit.

J'explosai à nouveau de rire, amusé par son répondant qui me plaisait de plus en plus, et j'entendis le même éclat de rire franc me répondre.

J'aurais dû venir plus tôt vers lui. Il était vraiment sympa, ce Jeune Maitre. J'aimais déjà son répondant et la manière qu'il avait d'être embarrassé facilement. Je le découvrais sous une autre forme, sans tous ses ornements, sans toutes ses obligations et ses devoirs de bonne figure lorsqu'il se montrait au village ou en ville.

En fin de compte, le Jeune Maitre n'était qu'un jeune homme comme les autres. Exceptionnel, incroyablement intelligent et séduisant certes, mais loin d'être aussi hautain ou insensible comme on le décrivait.

J'aimais beaucoup cette personne qui se découvrait à moi.

Au final, après l'avoir rattrapé, nous continuâmes à parler ensemble sur le chemin du retour. La conversation tournait essentiellement autour de moi, mais plus nous avancions et plus le Jeune Maitre finissait par s'ouvrir et se confier. Il donnait plus son avis, et hésitait beaucoup moins à dire ce qu'il pensait ou à être sarcastique, me faisant souvent rire. Il avait de l'humour, et un sourire attachant.

Le trajet était presque trop court à notre goût, au point où nous avions ralentit, profitant de la beauté des paysages verdoyants et montagneux ainsi que de la compagnie de l'autre. Malgré cela, le village se dessinait déjà au loin.

Le Jeune Maitre soupira. Il semblait déçu, je l'étais aussi.

Ses yeux se posèrent sur moi et je le vis hésiter. Il avait visiblement quelque chose, une question qui le démangeait et lui brulait les lèvres. Je l'invitai gentiment à la poser et avec beaucoup de retenu, comme s'il avait peur de dire une bêtise, il me dit :

- Tu ne m'as pas parlé de ta mère...

Oh, c'était donc ça. Je compris sa question sans qu'il ne me la pose, et je compris aussi pourquoi il avait beaucoup hésité. Vu que je ne lui avais pas parlé de ma mère et lui avait dit que je n'avais pas de père, il avait dû conclure qu'il en valait de même pour elle. Or c'était faux. Et d'un ton un peu plus triste, mais le sourire aux lèvres, je lui donnai la réponse la plus complète que je pus.

- Ma mère est mourante. Je travaille pour gagner de l'argent et m'occupe d'elle à plein temps. C'est aussi pour cela que je n'étudie pas, lui expliquai-je assez tristement, le regardant dans les yeux. Je ne suis pas un intellectuel, je ne le serais jamais. Et ma mère n'aura jamais un fils dont elle pourra se vanter, et elle le sait. Pourtant jamais elle ne me critique, jamais elle ne me sermonne. Elle m'encourage à faire ce que je veux et rien que cela, et elle est fière de ce que je suis devenu. Et c'est tout ce qui compte pour moi.

Je levai les yeux aux cieux et regardai les nuages cotonneux s'échouer lentement contre le sommet des monts de mon enfance. Je me souviens très bien des longs moments passer avec ma mère à les contempler, c'étaient de beaux souvenirs qui me revenaient soudainement.

- Je l'aime énormément mais je sais que malheureusement ses jours sont comptés. D'ailleurs tout le monde ici le sait, alors on en parle peu. Ça m'attriste beaucoup, avouai-je. J'aimerai qu'au contraire on parle d'elle, sans cesse. Qu'on ne l'oublie pas. Car c'est une femme absolument formidable et remplis de joie. Elle n'est pas que malade, elle est aimable et pleine de bonté et d'amour. À ce jour, je me dépasse pour justement préserver toute cette bonne humeur et la faire perdurer encore un peu dans le temps. Je veux juste la rendre heureuse encore un peu, la rendre fière encore un peu. C'est tout ce que je demande, quitte à m'attirer les foudres des autres.

Dans mon discours, je n'avais pas remarqué que le Jeune Maitre me regardait avec énormément d'intérêt, d'attention, et même d'admiration. Je ne le remarquai que lorsque je plantai mes yeux dans les siens, l'ultime fois de ce trajet.

Ses joues étaient légèrement teintées de rouge et ses yeux scintillaient d'une lueur douce et attirante qui donnait envie de plonger dans l'océan profond de ses iris charbon, comme si un feu venait subitement de s'y allumer. C'était splendide à voir mais terriblement troublant.

Intimidé, je ne sus quoi dire. J'avais l'impression d'être à nu, sondé du plus profond de mon âme et pourtant tellement apaisé et en sécurité devant son regard de braise. C'était tellement perturbant d'être ainsi observé, dévisagé...

Je dus détourner les yeux car j'allais finir par me bruler face aux siens. Ce fut à mon tour d'avoir le rouge aux joues.

Déjà dans l'enceinte du village, le bruit ambiant du bétail et du marché non loin de là couvraient le silence qui venait de s'installer pour mon plus grand plaisir. Mais cette fois je ne sus quoi faire pour à nouveau le briser. Heureusement, il se leva rapidement lorsque le Jeune Maitre leva ses yeux de moi.

- Non en effet Jin, tu es loin d'être un imbécile.

Ces mots restèrent dans mon cœur.

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