Chapitre 24
Pour vous tous, qui lisez cette fiction. Merci. xx
" Par les soirs bleus d'été, j'irais dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraicheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerais pas, je ne penserais rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irais loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme. "
Sensation, Arthur Rimbaud.
D'abord, c'est un grand vide qui se remplit peu à peu de toutes les sensations du monde. C'est ce gonflement dans la poitrine, qui rayonne, qui réchauffe le corps entier. Il est là, il prend toute la place, et on se sent... Léger. Et heureux. Tellement heureux que l'on pourrait en pleurer.
C'est le bonheur.
Harry dit qu'il n'existe pas, qu'il n'y a que des morceaux de joie de temps en temps. Que le bonheur, il faudrait qu'il dure sur une longue période pour que l'on puisse lui donner ce nom ; et que ce n'est pas possible, qu'il y a toujours des choses qui ne vont pas.
Mais moi je sais qu'il existe, le bonheur.
Le bonheur c'est Harry.
Je me fous que parfois, le monde soit triste. Tout peut s'effondrer autour de moi, mais si Harry est à mes côtés, je sais que d'une manière ou d'une autre, je serais heureux. C'est peut être niais et stupide à dire, mais je le ressens. C'est en moi.
Et là, alors que l'on marche main dans la main le long du petit lac, j'ai envie de le hurler vers le ciel, que je ne suis plus que bonheur. A la place, je me tourne vers Harry et je lui souris en espérant qu'il comprenne tout ce qu'il se passe actuellement dans mon estomac. Il a l'air détendu lui aussi, beaucoup plus qu'il y a quelques heures, alors que nous étions dans le train pour " la campagne ". Je voulais aller à la mer mais finalement on a juste choisi un petit lac pas trop loin de Paris, et une auberge de jeunesse. Juste de quoi passer un week-end à se rouler dans l'herbe et à s'embrasser.
Et bien sur, c'est ce qu'on finit par faire après avoir fait le tour du lac. On se trouve un petit sapin et on s'installe confortablement sur nos vestes. Il fait encore chaud, les arbres semblant se délester lentement des rayons du soleil absorbés pendant la journée. Je m'appuie contre le tronc d'arbre et Harry s'allonge, posant sa tête sur mes jambes. Il mâchonne un brin d'herbe, et je passe ma main dans ses cheveux qui commencent à être vraiment longs.
-Je vais les couper je crois, murmure t'il comme si il lisait dans mes pensées.
-Oh non... Je les aime bien.
-Les couper un peu alors.
-Comme tu veux.
Il sourit. Ma main glisse sur son front. Sa peau est lisse et douce, rassurante. Il ferme les paupières et je laisse aller mes doigts le long de ses yeux, de son nez, de sa bouche qui est comme de la soie rose et délicate.
-Harry ?
-Hm ?
-Tu sais... L'amour de ma vie, je crois que ce sera toi.
Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. Harry ouvre à nouveau les yeux. Ses pupilles vertes me dévisagent en silence et puis il détourne le regard. Il a l'air triste d'un seul coup, mais cette tristesse se fond rapidement dans l'impassibilité habituelle de son visage. Et puis, il sourit. Très doucement. Il embrasse mes doigts toujours posés sur sa bouche et puis il dit :
-Comment tu peux en être si sûr ?
-Il y a des choses comme ça, tu sais... On en est juste certain. Il n'y a pas d'explication.
Il se tait un moment et puis il répète, comme si il n'y croyait pas vraiment :
-L'amour de ta vie...
Je me penche et j'embrasse le bout de son nez. Ça le fait rire. J'adore son rire, celui qui s'envole dans l'air comme un morceau de cristal. Je suis niais mais je m'en fous.
Ensuite on s'allonge à moitié l'un sur l'autre et il dévore mes lèvres et mon cou, comme si brusquement, il en était affamé. Le soleil tombe à l'horizon, avalé par l'autre côté de la planète et nous nous retrouvons dans l'obscurité naissante de la nuit. Harry se redresse un peu. Il me sourit toujours, et dans ses yeux brillent des étoiles qui ne sont pas encore apparues dans le ciel.
-Je ne sais pas si je mérite d'être l'amour de ta vie.
-Tu mérites beaucoup plus que ça, je souffle.
Il pose lentement la tête sur ma poitrine, et pendant un long, il ne dit plus rien. C'est quand je commence à somnoler, bercé par le bruit du vent dans les roseaux qu'il murmure soudain :
-Toi aussi Louis, tu es déjà l'amour de ma vie.
*
J'ai l'impression d'être trempé de sueur, et pourtant, il n'y a que quelques secondes que je suis entièrement nu.
Je suis allongé à plat ventre sur le lit, et Harry m'embrasse les épaules. Je sens sa langue glisser lentement le long de ma colonne vertébrale, y traçant un chemin humide et chaud qui me fait frissonner.
La fenêtre est grande ouverte sur la nuit silencieuse, et les odeurs d'herbes coupées, le chant rassurant des grillons, mais je n'entends plus d'autre bruit que celui de la respiration haletante de Harry et je ne sens plus d'autre odeur que celle de sa peau qui se frotte contre la mienne.
Je me sens... Électrique. Prêt à imploser entre ses mains, brûlé par son amour qui ce soir me dépasse.
Harry fait l'amour comme tout ce qu'il fait ; avec une passion dévastatrice. Ce n'est pas comme avec Tess, où j'appréciais nos étreintes pour leur chaleur rassurante. Là c'est... Un monde qui se crée entre nos deux peaux assoiffées l'une de l'autre. Un ouragan. Une tempête tropicale, avec ses vents pleins de pluie.
Harry aime m'embrasser, me respirer, rendre ma peau humide et moite partout où il l'a touche. Je crois qu'il aime aussi m'entendre gémir, me voir me tordre entre les draps tandis que ses doigts se glissent partout. Je crois qu'il aime juste me voir... Adorer ça. Perdre tous mes moyens. Et moi ça me rend fou, ses grands yeux verts qui me dévorent et qui deviennent plus lumineux à mesure que j'approche de l'orgasme.
Mais ce soir, ce soir c'est différent. Harry est doux et lent, tous ses gestes sont mesurés, comme si il ne voulait surtout pas me blesser. J'ai l'impression qu'il me découvre une nouvelle fois, et qu'il veut tout savoir de moi. Sa langue qui glisse le long de mon dos. Ses mains qui caressent mon ventre, en redessinent la courbe, et s'égarent sur la base de mon sexe. Je tangue. Je tangue et j'halète, jusqu'à ce qu'il se recule brusquement, laissant un vide contre mon dos. Je me retourne, les bras un peu tremblants, juste pour le voir sortir un préservatif et une petite bouteille de lubrifiant de son sac. Et ça, ça me serre encore plus l'estomac. Parce qu'on a jamais été plus loin que... La langue. Et les doigts. Et... Je crois que j'ai un peu peur. D'avoir mal.
Harry s'avance à nouveau vers moi, ses yeux pleins de fièvre. Il est magnifique. Il touche ma nuque du bout des doigts, et nos bouches se retrouvent. Son souffle contre ma langue. Je ferme les yeux. Mon coeur bat si fort, il résonne dans mes tempes, jusque dans le bout de mes doigts. Et puis, sa main vient serrer doucement la mienne. Il me guide dans le noir, mes doigts entre les siens font le tour de son corps et se referme sur ses fesses. Mon coeur s'emballe comme un cheval fou, et je l'embrasse si fort, si fort que j'ai l'impression que plus rien d'autre n'existe au monde, juste sa bouche et la mienne et mes mains sur sa peau nue.
-Louis...
Il se recule légèrement. Je ne veux pas lâcher ses lèvres alors je l'embrasse encore. Il rit contre ma bouche.
-Lou... S'il te plaît, je voudrais...
-Tout ce que tu veux...
J'embrasse la courbe de sa mâchoire, la base de son cou. Il sent bon. Si bon. Le gel douche à la pêche qu'il a utilisé dans la douche. Et puis encore un peu l'herbe dans laquelle on s'est allongés tout l'après midi. Et puis sa peau, son odeur, celle que j'aime depuis des mois à présent. Je le dévore des baisers jusqu'à ce qu'il dise :
-Je veux que tu me fasses l'amour.
Je m'arrête net. Mon coeur a cessé de battre pour dégringoler jusque dans mon estomac qui... Prend feu. Littéralement.
-Q-Quoi ?
-Toi. En moi. Tu... J'aimerais bien. Si tu veux ?
-Je, je ne pensais pas... Dans ce sens. Je croyais que tu voudrais le contraire.
Il se mordille légèrement la lèvre. Et puis il a un soupir, très léger, mais qui me serre doucement la poitrine. Il lève ses yeux vers moi avant de murmurer :
-J'ai très envie de te faire l'amour aussi. Mais ce soir, j'ai besoin que... Ce soit toi.
Je hoche la tête. Vite. Et puis on s'embrasse à nouveau, mais beaucoup plus frénétiquement. Je sens ma peau trembler contre celle de Harry, ses mains qui se glissent le long de mon dos qui se creuse à ce contact. Moi. En lui. L'idée m'envoie des étincelles dans toutes les veines de mon corps.
A tâtons, je cherche la bouteille de lubrifiant. Harry s'assoit un peu plus sur moi et je glisse fébrilement un de mes doigts en lui. Je l'ai déjà fait. Plusieurs fois, alors... Ça va. Je connais l'effet que ça lui fait. Je sais déjà qu'il va entrouvrir la bouche et gémir de plus en plus fort, surtout si je plie légèrement mon doigt. Je sais qu'il va agripper à moi, à mon épaule, et puis m'embrasser le cou, me le mordiller. Je sais que je vais sentir son souffle s'accélérer juste contre mon oreille, et sa peau devenir de plus en plus brûlante. Je sais tout ça.
Mais cette fois je rajoute un autre doigt. Et puis encore un autre. Et Harry est... Fou de désir. Je crois que c'est ça. Il murmure mon prénom comme une litanie, ses cuisses entourant les miennes se contractent sous l'effet du plaisir.
-Lou, putain, je, je suis prêt... Vais jouir si tu, hgn, continues...
Je tremble tellement que lorsqu'il s'allonge sur le lit, les jambes écartées, les joues rouges et la bouche humide, je n'arrive même pas à enfiler le préservatif. Harry rigole encore. Et puis il se redresse un peu pour m'aider. Ensuite il m'embrasse, tout doucement, comme pour faire tomber la tension accumulée entre nous deux. Il me caresse la joue.
-Tu vas être parfait.
Je ne le suis pas.
Au début il a mal. Des larmes perlent au coin de ses joues et je panique tellement que je commence à me retirer mais il serre mes bras entre ses doigts.
-Continue.
Je suis pratiquement allongé contre lui, son corps plié sous le mien, ses jambes entourant mon bassin. Je l'embrasse sur le coin des lèvres. Je lui murmure que je l'aime. Des dizaines de fois. Et puis, brusquement, je suis en lui. Entièrement. Il respire fort et moi je... C'est incroyable. Cette sensation d'être... Entouré. Partout.Chaud. Harry.
Je dis tout ça et Harry hoche la tête très vite. Une larme coule sur sa joue mais il pose sa main sur ma nuque et m'attire vers lui pour m'embrasser. Contre mes lèvres, il murmure :
-J'ai jamais ressenti un truc pareil.
Ensuite, je bouge. Doucement pour ne pas lui faire mal et puis de plus en plus vite. Son corps colle au mien, il me serre de toutes ses forces, il m'embrasse à ne plus pouvoir en respirer. Nos gémissements se perdent contre nos bouches.
Je suis incandescent.
-Tu me rends fou...
Harry glisse sa main libre dans mes cheveux. Je me redresse légèrement, appuyant ma paume contre sa poitrine. Mes hanches bougent d'elles même, au rythme de ses gémissements. Ses doigts dévalent à nouveau mon dos qui se cambre et je m'enfonce plus profondément encore. Et c'est là que son corps entier a un sursaut. Sa bouche s'entrouvre mais aucun bruit n'en sort. Alors je recommence le mouvement. Cette fois il me lâche et sa main attrape le draps :
-Oh, putain... Louis...
Tout mon corps ne réagit plus qu'à son souffle qui s'accélère de plus en plus. Je sais qu'il va jouir. Il va jouir contre moi et je veux le sentir en entier. Alors à nouveau je m'allonge sur lui. J'embrasse son cou, tandis qu'il se met à gémir, la tête rejetée en arrière. Nos mains se lient et je ferme les yeux.
A mon tour, je me laisse envahir. La chaleur se diffuse partout. Je donne un dernier coup de rein et on s'envole dans les étoiles.
Ensemble.
*
Je descends du bus, tenant dans une main une boîte de bonbons et dans l'autre mon skateboard. Je l'ai retrouvé dans le garage ce matin. Avant j'en faisais assez souvent, parce que c'était un truc de Rudy. Le skate. Et puis, je l'ai rangé au placard après l'accident.
Aujourd'hui il fait beau, le ciel est d'un bleu limpide et je me suis dit que je pourrais l'utiliser à nouveau. Avec Harry. Dans le skatepark près du petit square de la Zone.
On est déjà presque fin juillet et Harry est de plus en plus absent. Il cherche un appartement pas trop cher pour l'université, et refuse que je lui apporte de l'aide sous prétexte qu'il veut que j'ai la surprise quand il aura trouvé. En attendant, lui et moi, on ne se voit plus beaucoup. Mais aujourd'hui je suis presque sûr de le trouver chez Angelo, puisque c'est mercredi et que c'est généralement le jour où ils se voient tous les deux pour garder ses petites soeurs (et accessoirement avec moi aussi, depuis quelques temps).
Je contourne le parking jusqu'à l'immeuble d'Angelo, identique à celui de Harry. Je grimpe les marches quatre à quatre et puis je frappe.
La porte s'ouvre quelques secondes plus tard, et le visage d'habitude enjoué d'Angelo m'apparaît très sombre. Il tient la porte devant lui comme si il ne voulait pas que je rentre. Alors, forcément, ça me met mal à l'aise.
-Je... Te dérange ?
-Hm. Non. Pas du tout.
Il n'y a aucun bruit dans l'appartement. Bizarre vu le joyeux bazar qui y règne d'habitude.
-Tes soeurs ne sont pas là ?
-Heu, non. Elles sont à un anniversaire.
-Oh. D'accord, et... Harry ?
Là, son visage se ferme totalement. Je ne sais pas pourquoi, mais une sueur froide commence à couler dans mon dos. Je répète :
-Harry, Angelo ? Il est là ?
Il baisse les yeux.
-Il m'a dit de te dire d'aller au Paradis.
Le Paradis. Le nom qu'il a donné au local. Je redescends les escaliers au pas de course. Je traverse le parking, slalomant entre les voitures. Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose en moi me dit que Harry vient de faire une connerie monumentale. Alors que...Peut être qu'il m'attend juste. Comme avant, avec ses crayons et ses toiles et son air mystérieux ?
J'arrive devant la porte du local et ma main tremble alors que je pousse la poignée. D'abord, je ne vois rien du tout. Et puis la lumière du soleil inonde la petite salle alors je fais un pas à l'intérieur et... C'est comme si l'univers entier se dérobait sous mes pieds.
Il n'y a plus aucun dessin sur les murs.
Ils sont juste blancs. Comme malades.
Comme si... Harry avait tout effacé.
Lui. Nous.
Et au milieu de la salle nue, à l'odeur de peinture encore fraîche, je ne peux pas m'empêcher de repenser à ce que je m'étais dit, au tout début, en croisant Harry dans le parc.
Éphémère.
Harry.
Mon éphémère.
Envolé. Ses dessins avec lui. Comme si il n'avait jamais existé.
J'ai envie de hurler et de me mettre à pleurer ou de vomir ou les trois à la fois. Mais je crois que je suis juste trop tétanisé pour faire un geste. Et puis, c'est là que je la vois. Sur le sol, là où s'installait toujours Harry pour me peindre : la phrase.
Je m'avance.
Je me laisse tomber à genoux devant les mots tracés en noir sur le ciment gris. Et comme j'avais fait en les découvrant sur le banc, je les touche du bout des doigts. La phrase est presque la même. Mais il y a quand même une différence, parce que maintenant, tout a changé.
Je ne suis plus seul.
Harry ne cherche plus " quelqu'un ".
C'est moi, son inconnu.
" J'AIMERAIS QUE TU M'ATTENDES QUELQUE PART. "
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