Chapitre 22







" Du reste il n'est pas dit que si on aime vraiment quelqu'un, vraiment fort,

la meilleure chose à faire soit de vivre ensemble. "

- Trois fois dès l'aube, Alessandro Baricco.





-Louis ? Il y a quelqu'un pour toi.


Je me redresse légèrement, fronçant les sourcils. Jeanne a crié depuis le bas de l'escalier. Quelqu'un pour moi ? La seule personne qui aurait pu venir est Tess, mais nous ne nous parlons plus vraiment, ou alors juste comme ça, comme si nous n'avions rien partagé d'important, comme si nous étions quasiment étrangers l'un à l'autre.


Je me lève, enfilant un jogging par dessus mon caleçon et je descends l'escalier.


-C'est qui ?


Jeanne est dans l'entrée et vu l'expression de son visage, elle ne peut pas répondre à ma question.

Et je comprends.

Parce que bien sûr, la seule personne à pouvoir venir chez moi alors qu'il est plus de 20h, la seule personne qui pourrait avoir envie de me voir et que Jeanne ne connaît même pas de vue, c'est Harry.


Harry qui se tient tout penaud sur le péron, les mains dans les poches de son blouson, un petit sourire contrit sur le visage.


-Harry ? Qu'est ce que tu fais là ?


Derrière moi, j'entends Jeanne qui s'éclipse poliment et je la remercie intérieurement car Harry a l'air de se détendre dès que nous nous retrouvons seuls. Il soupire et passe une main dans ses cheveux.


-Je sais que ça ne se fait pas vraiment mais... Est ce que tu peux m'héberger ? Pour la nuit ?


-Euh, ouais. Evidemment. Mais... Pourquoi ?


Harry hausse les épaules, fuyant mon regard.


-Je devais dormir chez Angelo mais finalement ses cousins sont là alors ils ne peuvent vraiment pas m'accueillir... Et Mme.Berry reçoit son fils et sa femme ce soir alors, je me suis dit... Enfin si je te dérange...


Je tends la main pour attraper son bras. Il relève les yeux et me regarde enfin. Même dans le noir, je suis certain que ses paupières sont gonflées, comme si il avait beaucoup pleuré. Mais je ne dis rien. Je lui souris simplement.


-On allait bientôt manger. T'as faim ?


*


Je n'aurais jamais cru pouvoir assisté à une scène pareille. Harry dans ma cuisine, assis à côté de Alice qui a fait un caprice pour que ce soit lui qui l'aide à manger (alors qu'elle sait manger seule depuis au moins deux ans...), Jeanne lui posant tout un tas de questions sur ce qu'il fait dans la vie, Camille le dévorant littéralement du regard, et Agathe me souriant de temps en temps, comme si elle savait exactement.


Et, je ne sais pas pourquoi, mais ça me rend vraiment heureux. D'être entouré des personnes que j'aime le plus au monde. Même si c'est seulement pour manger de la purée et des knackis. Harry est parfait, il fait rire mes soeurs, il est gentil, il propose même d'aider à la vaisselle et je crois qu'à la fin du repas, elles ont toutes décidées qu'elles allaient l'épouser.


Alice insiste à nouveau pour que ce soit Harry qui lui lise son histoire du soir. Je lui fait une petite grimace, soufflant un "désolé " qui le fait sourire.


-Elle est adorable, ça ne me dérange pas.


Alice le prend par la main et ils montent tous les deux escaliers. Je m'apprête à faire de même mais une main me rattrape et me tire en arrière. C'est Jeanne, qui croise les bras sur sa poitrine, un sourire victorieux aux lèvres.


-Alors, c'est donc lui ce mystérieux Harry ?


-Je ne vois pas de quoi tu parles, je grommelle.


Jeanne lève les yeux au ciel, et puis brusquement, elle me prend dans ses bras. Je mets quelques secondes à réagir, la serrant à mon tour contre moi, respirant son odeur familière et si douce.


-Je suis heureux pour toi Louis.


-On est pas ensembles, je précise.


-Mais il te dévore du regard.


-Pas du tout.


-Idiot. Il est parfait en tout cas.


Je me mordille la lèvre en rougissant. Harry n'est pas parfait. Il a ses défauts, ses sautes d'humeur. Il est parfois tellement silencieux qu'il me fait un peu peur. Et puis il est un peu fou. Un peu bizarre.



Mais je crois que ce qu'elle a voulu dire, c'est qu'il est parfait pour moi.


*


Harry revient de la douche les cheveux trempés. Je suis assis en tailleur sur mon lit.


C'est étrange. J'ai l'impression de vivre exactement la même scène que lorsque j'étais chez lui, mais inversée.


Je le laisse découvrir ma chambre. Il fait le tour, regarde mes quelques photos. Mon bureau sur lequel rien ne traîne. La petite guirlande nounours qui est toujours accroché dans un coin parce que je n'arrive pas à m'en débarrasser. Et ma guitare. Il se penche un peu, et touche les cordes.


-Tu joues ?


-Non.


-Tu veux apprendre ?


-Pourquoi ? Tu sais en jouer toi ?


-Un peu.


Il hausse les épaules et puis prend la guitare avant de venir s'asseoir près de moi. Ses doigts glissent le long du bois.


-J'ai été à des camps de vacances et les monos nous apprenaient à jouer de la guitare sur la plage.


-Pour impressionner les filles ?


Il sourit un peu, ce sourire sur le côté qui fait ressortir sa fossette et que j'aime tant.


-Un peu.


Il l'accorde quelques minutes et je reste silencieux, l'observant faire. C'est bizarre, parce que pour moi, cette guitare était le symbole de Rudy. Maintenant ce n'est plus le cas. Harry l'a tient contre lui. Et je sais que dès cet instant, c'est la sienne. Harryremplace tout dans ma vie. Il prend peu à peu une place considérable, en effaçant mes peines, mes mauvais souvenirs, mes échecs et mes espoirs avortés. Il remplace tout ça et c'est mille fois plus beau.


Il commence à jouer et je ne peux pas m'empêcher de le dévorer du regard. Il est magnifique, avec ce petit pli de concentration entre les sourcils, son visage encore un peu rond, comme si il était toujours un enfant ayant grandit trop vite, trop violemment, et cette bouche cerise que j'ai embrassé et dont je voudrais encore goûter la saveur. Il est. Sublime. Renversant.


Et moi, je n'y connais pas grand chose en musique, mais je trouve ça merveilleux. Cet instant, où Harry est assis sur mon lit, à gratter les cordes comme si il voulait me jouer une mélodie rien que pour moi, comme si il voulait que ce soit magnifique. Et ça l'est. Ca l'est parce qu'il rend tout magnifique. Il rend tout unique. Même si parfois c'est dur. Même si parfois on pleure. Tout ces instants là, je les aime.


Alors ça sort d'un coup, je ne sais pas pourquoi maintenant, c'est sûrement un peu stupide.


Mais je pose ma main sur celle d'Harry pour qu'il cesse de jouer, je le regarde droit dans les yeux et je lui dis :


-Je t'aime Harry.


Ça résonne partout dans mon corps. J'ai brusquement envie de pleurer ou de hurler de joie parce que, oui, je l'aime. Je l'aime plus que tout. Je l'aime. Je l'aime. Je l'aime. Ce n'est pas comme avec Rudy. Ce n'est pas une admiration à moitié folle. C'est réel. C'est partout. Dans mes veines. Je suis. Amoureux. Et c'est Harry. C'est Harry qui me rend comme ça. Qui donne un rythme aux pulsations de mon coeur.


Il ne répond rien. Mais je m'en fiche. Parce que juste après, il pose la guitare par terre et il m'embrasse, avec ses deux mains contre mes joues exactement comme lorsque nous étions sous la neige.


Et puis très vite, on se déshabille. Cette fois je n'ai pas peur. Je n'ai même pas envie de fermer le rideau. Harry s'allonge à moitié sur moi, sa main sur le haut de mon jogging. Sa main tire sur l'élastique et sa bouche embrasse mon cou. C'est doux et c'est brûlant à la fois. J'ai envie de lui. Chacun des atomes de mon corps a envie de lui. De lui en entier.


Sans concession.


Je veux. Aimer. Tellement fort. Je veux aimer et que tout le monde sache que j'aime. Et je veux aimer et que les gens en soient jaloux parce que pour une fois, j'aurais un truc de plus qu'eux. Je veux aimer et seulement aimer Harry, toute ma vie. L'aimer et le rendre heureux, l'aimer et nous rendre heureux.


Je dis tout ça à voix haute et la peau de Harry tremble sous mes mains qui la caresse. On est nus, et on se frotte désespérément l'un contre l'autre. Mes soupirs s'égarent le long de sa bouche. Je sens ses cuisses se refermer autour de moi, tout son corps qui se tend et vient s'effondrer le long du mien. Dans le noir, j'enfouis mon visage dans ses boucles brunes et je le respire. Mon amour. Mon amour a les mains gelés sauf quand il m'embrasse. Mon amour.


Harry glisse entre mes jambes et instinctivement je resserre les genoux. J'halète lorsqu'il me prend dans sa bouche, et serre le draps entre mes mains.


Il y a des moments qui ne peuvent pas être racontés. Je crois que celui là en fait parti. Je crois que je ne peux pas dire les halètements, la fièvre contre mes tempes, les lèvres de Harry, humides autour de moi et le feu dans toutes mes veines. Je crois que je ne peux pas dire mes genoux qui tremblent, mes jambes qui emprisonnent son visage sous le coup du plaisir, ses doigts qui caressent mon ventre, et ce ventre là qui se creuse. Je crois que je ne peux pas dire les murmures étouffés, ses cheveux qui glissent contre ma peau, sa langue qui me marquent partout. Je crois que je ne peux pas dire le goût qu'a l'amour, le bruit que fait l'orgasme. Je ne peux pas le dire parce que c'est vivant, c'est tellement vivant que ça n'a pas de mot, ou alors il faudrait en inventer et le mot que je dirais ce serait Harry.


J'ai l'impression qu'on se tord dans les draps pendant des heures, que tout devient chaud et moite autour de moi, que ma peau couverte de sueur n'est plus vraiment la mienne. J'ai l'impression de connaître son corps en entier, et d'en être insatiable. Plus je l'aime et plus je veux l'aimer, plus je l'entends jouir et plus je veux recommencer. Harry est magnifique. Il est magnifique lorsqu'il gémit, il est magnifique lorsque sa peau se tend et frissonne, il est magnifique les cheveux humides qui collent à son front, il est magnifique les yeux tendres puis les yeux sombres, il est magnifique la bouche gonflée de baisers, il est magnifique quand il m'embrasse et que ses cils retombent doucement sur ses joues, il est magnifique lorsqu'il se frotte désespérément contre mes cuisses, et qu'il s'agrippe à mes épaules, il est magnifique quand il halète contre mon oreille, tout son corps est magnifique, sa peau couverte de tatouages, ses bras légèrement musclés qui s'appuient contre les draps, ses hanches fines, son ventre doux sous mes doigts, ses jambes interminables, il est magnifique et je l'aime tellement

tellement

que ça m'en donne mal au ventre.


-Louis, Louis...


Harry mordille le côté de mon cou, mes paupières tremblent.


-Il faut que je te dise...


-Quoi ?


Je n'ai pas les pensées très claires. Je ne sais pas quelle heure il est. Je ne sais pas depuis combien de temps on fait ça, mais j'ai l'impression qu'il est bientôt l'aube.


-Tu, sens trop bon et... Mes dessins sont merveilleux grâce à toi,Louis...


Mon ventre se tord davantage. J'ai envie qu'il me dise qu'il m'aime. J'ai envie qu'il me le dise maintenant, son corps nu et brûlant contre le mien, son sexe encore dur contre ma hanche, j'ai envie que ce soit là, dans mon lit, murmuré au creux de mon oreille et j'ai envie qu'ensuite on s'embrasse longtemps et qu'il me dise des mots d'amour jusqu'au petit matin. J'ai envie de tout ça.


Et Harry dit :


-Louis... ma muse.





*





Harry est assis contre le mur de la chambre d'Angelo. Le jeune homme est en caleçon, l'air furieux. Harry ne dit rien parce qu'il n'y a rien à dire.


-Je ne peux pas croire qu'elle t'ai foutu dehors ! Tu es son enfant merde, on fait pas ça à son enfant.


-Je l'ai frappé Angelo.


-Et alors ? Elle te pourrit la vie depuis des années, elle peut bien survivre à une pauvre claque !


Harry se mordille la lèvre. Il sait que Angelo a raison, d'une certaine manière. Mais d'un autre côté, il ne peut pas s'empêcher de se dire que d'avoir été viré de chez lui va l'obliger à se prendre en main. Et à prendre définitivement une décision qu'il n'osait pas prendre depuis des mois.


Angelo se lève pour aller chercher des cookies sur son bureau et se rallonge, grommelant des insultes que Harry n'écoute pas.


-Angelo, il faut que je te dise un truc, lance t'il soudainement.


-Quoi ?


Son ami lui jette un regard intrigué. Ils ne marchent pas comme ça d'habitude. Les confidences, très peu pour eux. Surtout Harry en fait, qui ne dit jamais grand chose. Mais là... Il comprend que c'est important. Alors il écoute sans un mot.


-Tu sais... Les rumeurs sur moi... Sur le fait que je suis gay. C'est... Vrai. Enfin, en tout cas, je sors avec un garçon. Avec Louis.


-Ah.


Harry regarde Angelo sans comprendre sa réaction. Son visage est totalement neutre, et il continue de manger son cookie. Après un silence, Harry demande :


-Ah ? C'est tout ?


-Bah... Je ne sais pas. D'habitude quand tu as des copines tu ne veux jamais que je te demande de détails alors je dis " ah ".


Un sourire commence à se dessiner sur les lèvres de Harry, mais il se contente d'insister :


-Mais je veux dire, c'est un garçon là. Pas une fille.


-Et alors ? On est pas au putain de Moyen Age ! Tu crois que je vais aller te faire griller sur le parking parce que tu suces la bi-


-Ok ok !


Harry lève les mains en l'air pour capituler et se relève. Angelo s'assoit sur le lit et soupire, attirant son ami dans une courte étreinte.


-T'es vraiment con si tu crois que j'avais rien remarqué.


-Je ne pensais pas que c'était si évident, grommelle Harry.


Ils s'allongent côte à côte sur le lit, et pour une fois, Harry se sent très jeune. Comme un adolescent qui va terminer le lycée, et qui partage un cookie avec son meilleur ami en parlant d'amour. Ce qu'il ne fait jamais habituellement.


-Je suis content pour toi parce que Louis est vraiment cool.


-Il l'est.


-Enfin, avant, continue Angelo, je me disais qu'il avait toujours l'air triste tu sais, comme un petit chiot tu vois le genre ? Maintenant c'est mieux... J'aime bien quand il est là en tout cas.


Harry sourit. Maintenant c'est mieux. Il est d'accord. Lui aussi a remarqué, il a vu la vie revenir dans les yeux de Louis, son sourire s'aggrandir chaque jour. Il l'a vu grandir, et guérir, en quelque sorte. Même si il sait que Louis sera sans doute toujours moins fort que les autres, qu'il y aura toujours des moments où il retombera dans cette tristesse collante et vide d'émotions, même si parfois il pleurera sans savoir pourquoi, juste parce qu'il se sentira mal, même si de temps en temps le soir, il aura mal au ventre ; tout ça ne l'empêchera plus d'être heureux, Harry le sent.


Et il sait aussi que tout ça, c'est un peu grâce à lui.


Il se tourne sur le côté et regarde Angelo.


-Il est amoureux de moi.


La bouche d'Angelo se tord en un sourire amusée mais l'expression sérieuse de Harry lui fait ravaler la blague qu'il s'apprêtait à sortir. A la place, il demande doucement :


-Et toi ?


-Oui. Moi aussi.


-Tu lui as dit ?


-Non.


Angelo soupire. Du Harry tout craché.


-Il faut Haz.


-Je ne peux pas.


-Pourquoi ?


Les yeux de Harry se ferment légèrement. Son visage reprend cette dureté qu'il a presque toujours, cette expression qu'il prend et qui fait penser au reste du monde que rien ne peut l'atteindre. Angelo déteste ce masque, parce qu'il sait pertinemment qu'il ne protège pas Harry, qu'il est juste une façade sous laquelle le jeune homme se laisse souffrir en silence.


-Pourquoi Harry ?, répète t'il.


Harry se rallonge sur le dos, et puis, les yeux ouverts sur le plafond, il murmure :


-J'ai été pris dans l'école d'art que je voulais, à Paris. J'ai envoyé mon dossier. Je vais avoir une bourse. Ils ont adorés mes dessins. Mes dessins de Louis.


Il y a un silence, et Harry se tourne à nouveau vers Angelo. Ses yeux si verts sont presque gris.


-Après les résultats du bac, je vais partir Angelo. Et ce sera fini. Lui et moi.






////


(Nemetuezpassvpmerci).


HELLOOO. =D



Le chapitre tant attendu aha ! J'espère qu'il est à la hauteur de vos espérances... Il faut que je vous dise... Il n'en reste plus beaucoup avant la fin. Quelque chose comme... Deux. Ou trois maximum en comptant l'épilogue ? Je ne sais pas encore tout à fait. (Je me sens déjà tellement émue à l'idée de finir cette fiction omd isohgsg).


En tout cas je voudrais la terminer avant la rentrée (< mot à bannir du dictionnaire eurk) ! Bref, j'espère vous poster le prochain vendredi. Il sera sans doute l'avant dernier, et le dernier + épilogue arrivera au mieux dimanche, sinon il vous faudra attendre que je rentre de vacances (c'est pour ça que je voudrais poster avant !)



Merci d'avance pour tous vos commentaires adorables...

Plein d'amour !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top