Chapitre 20


"Je veux me noyer dans chaque geste, je veux qu'il me fasse découvrir

chacune des sensations que l'on a quand on touche quelqu'un d'autre.

Quand on l'effleure, quand on le respire, l'embrasse, le caresse.

Je veux qu'il décuple tout. Je veux que ce soit extraordinaire. "

- Entre Tes Mains




Je me réveille en un sursaut. Mon coeur tambourine dans ma poitrine, mais je ne me souviens pas d'avoir fait un cauchemar. J'ai plutôt dormi d'un sommeil sans rêve. Lentement, je tends ma main vers la droite mais je ne rencontre qu'un vide inhabituel. C'est là que je commence à avoir peur. Parce que je ne suis pas dans mon lit. Mon lit est plus grand, les draps un peu plus doux. Et je ne dors jamais dans le noir total, comme c'est le cas à présent.

Je me fige en entendant un bruit sourd, de l'autre côté du mur. Et puis des éclats de voix. Une voix aigue, féminine, et une autre, plus grave et lente. Et cette voix là, c'est celle d'Harry.

-Maman je ne vais pas le répéter.

Je m'assois et m'appuie contre le mur, serrant la couverture entre mes doigts. Je suis chez Harry, c'est vrai. Il m'a laissé son lit. Je ne sais même pas quelle heure il est.

-Harry laisse moi passer !

Une porte claque.

-Putain mais barres toi !

Mon coeur bat encore plus fort. Je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe à quelques mètres, mais la dispute est de plus en plus violente. La voix de Harry qui était relativement calme il y a quelques secondes explose.

-J'en ai marre que tu sois là à rien foutre du matin au soir !

La voix de femme réplique mais je ne comprends pas ce qu'elle dit. Est ce que c'est sa mère ? D'après ce que j'ai compris, Harry vit seul avec elle.

-Et bah dégages alors, j'ai pas besoin de toi pour vivre ! ... NE ME TOUCHES PAS !

Il y a comme un sifflement puis le bruit d'un corps qui chute. Pendant quelques secondes, rien. Le silence. Mon coeur bat si fort que je l'entends résonner le long de mes tempes.

Et puis à nouveau, les murmures de Harry me parviennent.

-Maman, maman je suis désolé, je voulais pas pardon, pardon maman, par-

-J'ai compris Harry.

La voix a claqué. Tout comme une porte le fait quelques secondes après. J'attends en silence, hésitant à aller voir. Je ne sais pas qui a quitté l'appartement. Je ne sais pas, et j'ai peur. C'est peut être égoïste, mais je ne veux qu'une chose, c'est rentrer chez moi et retrouver mes soeurs et leur tendresse et leurs rires qui n'ont rien à voir avec ces cris et ces mots crachés qui règnent chez Harry. J'ai l'impression d'étouffer dans cette chambre qui n'est pas la mienne et qui est tellement triste.

Je me lève brusquement, les jambes tremblantes. Je porte un short de foot et un t-shirt dix fois trop grand appartenant à Harry. Je ne sais plus ou sont mes vêtements. Je les ai sûrement laissé dans la salle de bain en voulant me changer hier... Quel abruti.

Sur la pointe des pieds, je rejoins la porte et je l'entrouve. J'écoute, mais aucun bruit ne me parvient. Peut être qu'ils sont partis tous les deux. Dans ce cas là il sera plus facile pour moi de m'enfuir d'ici.

Alors j'ouvre grand la porte et je traverse le couloir presque en courant. Je sais que la salle de bain est juste là et

-Harry ?

Ma voix se brise dans ma gorge. Harry est juste là. Recroquevillé comme un enfant contre la porte. Il pleure. Enfin je pense. Son corps est secoué de soubresauts, et il renifle douloureusement. Et moi, j'oublie, j'oublie ma peur, j'oublie que quelques secondes auparavant, je ne voulais qu'une chose, partir et rejoindre mon lit pour me mettre à y pleurer. Même, j'ai un peu honte. Parce que je ne pense qu'à moi. Tout le temps. Parce que j'ai mal, parce que je suis terrifié par tout, parce que j'ai l'impression d'être la personne la plus malheureuse du monde, et que les gens ne me comprennent jamais, parce que je suis tout le temps si seul. Mais ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas, et pour la première fois de ma vie, je ressens une autre douleur que la mienne. Harry tremble et il est comme un animal blessé, détruit. Harry qui est toujours si lumineux, Harry qui, même lorsqu'il ne sourit pas, a l'air si fort.

Maintenant Harry n'est qu'un enfant qui vient de perdre sa maman et je me précipite à côte de lui. Je le prends dans mes bras, un peu maladroitement. En vérité je ne sais pas quoi faire, alors je reproduis les gestes qu'a Jeanne lorsque je vais mal. Je lui masse lentement la nuque, et puis le haut du dos. Je lui murmure des choses idiotes, je lui parle du rêve que j'ai fait cette nuit, de ce que j'ai mangé la veille, de ses dessins qui sont sûrement les plus beaux du monde même si je ne les ai jamais vu. Je lui parle de tout ça à voix basse, comme si il s'agissait d'un secret entre nous et peu à peu, il se détend. Son corps s'affaissent contre le mien, ses sanglots se font plus rares.

Sa main vient s'agripper contre mon t-shirt et puis il murmure, d'une voix éraillée que je ne lui connaissais pas.

-Je suis désolé Louis.

-Pourquoi ?

-Pour tout ce que tu as entendu.

Je ne dis rien, mais il ajoute très vite :

-Elle ne devait pas être là aujourd'hui.

Il finit par relever le visage. Ses yeux sont rouges.

Maladroitement, on se relève ensemble, et je l'aide à aller dans la salle de bain. Il a une sorte de marque rouge sur le bras, je crois que sa mère a du le serrer tellement fort que ses doigts ont laissés cette brûlure. Ca me donne mal au ventre. Mais je n'ai pas le droit de le laisser tomber alors je prends sur moi et je le soigne. Harry se laisse faire, il garde les yeux baissés et il m'obéit sans un mot.

Je l'observe. Son visage pâle. Ses traits tirés. Les cernes sous ses yeux. Ses longs cils noirs, qui bordent sa paupière. Et puis ses lèvres, roses pâles. Ses lèvres qu'ils mordillent et qui sont âbimées, mais toujours aussi désirables, toujours aussi belles.

-Louis ?

Je sursaute. J'ai le coton dans la main depuis tout à l'heure mais je ne fais rien avec, et Harry me lance un regard légèrement suspicieux. Alors je me recule en bafouillant qu'il peut se lever.

-Je vais te laisser t'habiller si tu veux, il murmure.

Je hoche la tête. Il me sourit un peu, et puis il ajoute :

-Merci.

Ensuite il ferme la porte et je me laisse tomber par terre.

Deux secondes après, je me relève pour vomir dans le lavabo.


*


-C'était ta mère n'est ce pas ?

Harry soupire. Ses épaules s'affaissent un peu. Je ne sais pas si il veut en parler, mais moi j'ai besoin de réponses.

On est tous les deux revenus dans sa chambre, assis en tailleur sur son lit, des bols de céréales entre les mains. J'ai envoyé un message à Jeanne pour lui dire que j'allais bien et Harry a eu l'air soulagé lorsque je lui ai proposé de rester un peu. Je crois que lui aussi, il a peur de rester seul.

-Oui.

-Vous... Vous avez toujours ce genre de, heu, relation ?

Harry grimace. Je sais bien que ma question est maladroite mais il n'a pas l'air de le prendre mal. Il cherche juste ses mots.

-Depuis que je suis gamin, c'est comme ça. On est trop différents. Mais ça n'avait jamais...

-Eté aussi loin ?

Il hoche doucement la tête et puis, détournant les yeux, il avoue :

-Je ne l'avais jamais frappé.

J'ai mal au coeur. Pour lui. Je m'imagine un instant frapper ma mère, et même si nous ne sommes pas souvent en d'excellents termes, même si elle ne fait jamais vraiment attention à moi, même si je suis l'enfant dont elle doit être la moins fière, je ne me vois pas faire une choses pareille. Jamais. Mais peut être que Harry aussi se disait ça. Jamais.

Alors sans trop savoir pourquoi, je lui prends la main. Il regarde un instant nos doigts enlacés et puis il se met à parler, comme si cet élan de tendresse était le déclencheur, comme si il fallait ça, quelqu'un qui le tienne pour qu'il se laisse enfin aller et se confie.

-J'ai frappé ma maman Louis. Exprès. Je l'ai frappé et... Et j'arrive même pas à vraiment m'en vouloir parce que quelque part en moi je la déteste. Je la hais. Ce n'est pas normal ça, c'est pas normal de haïr sa maman.

Les sanglots reviennent dans sa voix et je serre plus fort ses doigts. Moi aussi j'ai envie de pleurer. Parce que je ne sais pas quoi lui dire. Je ne comprends pas.

-Elle est encore arrivée ce matin, et, et c'est toujours comme ça, elle ne dort presque plus à la maison quand elle revient elle tient à peine debout et moi j'ai honte, tu comprends, j'ai honte parce que tout le monde le sait ici, tout le monde. C'est ma maman et elle n'est même plus capable de me regarder dans les yeux parce que la moitié de son temps elle couche avec un abruti contre deux billets et l'autre moitié elle se soûle ou se drogue ou je ne sais pas quoi et moi j'en ai marre de ça, j'en ai marre de la voir se détruire et de ne rien pouvoir pas faire, j'en ai marre des rires lorsque les gens la voient, j'en ai marre d'entendre tout ce qu'il se dit sur elle, parce que le pire c'est que tout est vrai, tout est crade et tout est vrai... Tu veux savoir le dernier truc ? C'est Marc qui le raconte à tout le monde parce qu'il l'a vu pisser sur le trottoir l'autre soir, mais pas se pisser dessus juste parce qu'elle avait trop bu Louis non il l'a vu se déshabiller et faire ça dans le caniveau parce qu'elle était totalement morte et TOUT LE MONDE aurait pu la voir et moi j'ai tellement honte je ne sais plus quoi faire, tu comprends, j'ai tout le temps peur pour elle parce qu'il va finir par lui arriver un truc et maintenant je crois... Je crois qu'elle ne va jamais revenir parce que je l'ai frappé.

Je me suis mis à pleurer et Harry aussi. On a l'air vraiment stupides tous les deux en larmes à se serrer la main, alors je tire légèrement sur son bras et à nouveau il se retrouve contre moi. J'ai l'impression de réconforter un garçon de cinq ans qui vient de faire une connerie. Mais c'est peut être parce que Harry a tout gardé pour lui depuis trop longtemps. Toute sa douleur accumulée, tout ce qu'il a vu à travers ses yeux d'enfants. Je ne sais pas vraiment quoi dire alors je murmure :

-Je suis vraiment désolé.

Harry hausse les épaules. On a du lui dire tellement de fois, ces mots là, sûrement qu'ils ne signifient plus rien pour lui.

On est toujours désolé. Pour tout le monde. On s'excuse comme si c'était de notre faute. Mais je crois que c'est parce qu'on ne peut rien dire d'autre. On est juste ça, désolé. Moi aujourd'hui, je voudrais être plus, je voudrais avoir cette capacité de le consoler, de lui rendre son sourire.

Mais je ne suis qu'un homme, même pas capable de se consoler lui même, même pas la peine de trouver la force pour combattre ses propres peurs.

Et je crois que c'est parce que je ne suis qu'un homme, sans pouvoirs magique, sans potion miracle, que la seule chose que je trouve à faire, c'est de l'embrasser.


*


Harry a cette façon un peu irréel de faire l'amour.

Mais je ne sais pas si c'est vraiment ce qu'on fait, l'amour.

Mais ça me fait trembler. Et pleurer un peu aussi. Et ça me rend tout chaud, vous savez, il y a comme un petit chat qui ronronne dans mon ventre.

Au début j'ai eu peur, un peu. Parce qu'on s'est embrassés tellement vite et tellement fort, et que Harry avait l'air d'en avoir tellement besoin. Je ne voulais pas faire ça pour que ce soit si désespéré. Alors j'ai dit stop. Et Harry a arrêté. Je crois qu'il a senti mon trouble, et après, pendant un long moment, on a rien fait d'autres que de s'embrasser légèrement, et de se mordiller la peau, là où c'était accessible.

Et puis Harry a dit qu'il avait vraiment envie de moi. Mais que si je ne voulais pas ce n'était pas grave. Que je pouvais dire non.

C'est renversant vous savez, quelqu'un qui vous dit droit dans les yeux que vous êtes magnifiques et qu'il veut vous toucher et vous aimer. Moi ça m'a renversé en tout cas.

Alors j'ai dit oui. Pour toutes ces choses et aussi parce que moi aussi, depuis des jours et des jours, j'en rêvais.

Mais on a fermé la fenêtre et le volet et éteint la lumière. Harry n'a rien dit, il a eu l'air de comprendre. Il m'a dit que ce n'était pas grave, si j'avais encore des peurs comme ça. Que c'était normal. Qu'on ne guérit pas de la moitié des choses qui nous rendent fous de terreur.

Alors lentement, dans le noir, Harry m'a déshabillé. Ses mains ont parcourus mon corps et l'ont fait trembler. Ses lèvres ont embrassées ma peau entière, avec une tendresse infinie que je n'imaginais même pas. Dans les films et dans les livres, ça a l'air si simple vous savez, rapide et très fort et un peu fou aussi, mais là, là c'était merveilleux et mille fois meilleur. C'était sa bouche et sa langue qui me rendait humide et chaud, qui me faisait haleter. C'était ses doigts qui s'entrelaçaient dans mes cheveux, ses lèvres qui revenaient sans cesse chercher les miennes, son corps qui se penchait entièrement contre le mien, ses hanches qui venaient s'appuyer et frotter les miennes, son dos qui se couvrait peu à peu d'une fine pellicule de sueur, tandis que mes ongles venaient s'enfoncer dans sa chair.

Alors bien sur, il les a senti, mes cicatrices. Mais ses doigts n'ont même pas tremblés en dévalant mes cuisses, alors que je retenais mes larmes. Même, il n'a rien dit. Il s'est juste penché et il a embrassé et léché chaque blessure dont il pouvait deviner le contour.

Et puis il a dit, très doucement :

-Tu es magnifique Louis.

C'est là que j'ai commencé à pleurer un peu.

Maintenant il m'embrasse, son corps est nu sur le mien, et mes larmes glissent contre ses joues et je crois qu'il pleure un peu aussi mais pour une fois, ce n'est pas parce que je suis triste.

C'est parce que je me sens tellement, tellement aimé.


*


-Maman ? ... C'est Harry. Je sais... Je sais que tu ne veux plus vraiment me voir, mais je voulais te dire que je suis désolé. Vraiment. Et que... Je t'aime. Même si... Même si c'est dur parfois. Et je voulais... Je voulais...

La main d'Harry tremble sur le téléphone. Il reste un long moment à fixer le mur, écoutant sa respiration dans le répondeur qui continue de tourner, et puis d'un seul coup il raccroche après avoir effacé le message.

Il éteint son portable et se relève, sortant de la chambre.

Dans la cuisine, Louis surveille l'eau des pâtes avec un petit air attentionné. Harry s'approche et hésite un instant avant de le tirer légèrement par la manche. Louis se retourne. Il a l'air un peu gêné aussi, il est comme ça depuis tout à l'heure, depuis qu'ils se sont rhabillés en fait.

Au début, Harry pensait qu'il allait partir directement, que peut être il ne voulait pas faire ça. Mais en fait, c'est surtout que Louis est timide. Et c'est adorable. Bien sur.

-Après manger, j'aimerais bien te montrer quelqu'un.

-Qui ? Tu as d'autres amis comme Angelo ?, demande Louis avec un demi-sourire.

Harry se mordille la lèvre, une lueur amusée brillant dans ses yeux verts.

-Non. C'est plutôt... Comme une vieille dame. Mais tu vas bien l'aimer je crois.

Louis hoche la tête sans poser plus de questions. Il se détourne vers les pâtes et Harry va ouvrir la fenêtre. Il allume une cigarette et regarde en bas, le petit parking. Il fume comme ça, en observant ce paysage qu'il connaît par coeur, et les tours grises lui semble presque être plus lumineuses. Derrière lui, Louis siffle un air qu'il ne connaît pas et pour une fois, Harry se dit que peut-être, il n'a pas besoin de plus pour être heureux.

Alors il sourit.

Et sans même avoir fini sa cigarette, il la jette et referme la fenêtre pour se tourner vers Louis.


///


Hello. <3

Chapitre un peu difficile émotionnellement... Je n'avais pas prévu de consacrer autant à Harry mais en fait j'aime tellement la psychologie de ce personnage que... Voilà. Même si c'était dur à écrire. Enfin bref, vous avez une idée de ce qu'il va se passer dans le prochain aha mais je peux déjà vous dire qu'il sera beaucoup plus centré sur Louis (il est temps de dévoiler un peu son secret, non ? ;D).

Merci pour tous vos messages que je lis et relis * fragilité *, j'espère que ce chapitre vous aura plu autant que les autres !

Meph xx

PS : Si jamais vous êtes en manque de lecture ou que vous voulez découvrir une nouvelle plume, je vous conseille vivement d'aller jeter un coup d'oeil chez nopatronum. C'est une amie et elle écrit vraiment TROP bien. Voilà. Keur keur.

#sensationsfic


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