Le chasseur

Les cheveux bataillant au sommet de son crâne, la courte chevelure rousse se cassait en son bout par d'épaisses boucles décoiffées. Les yeux miroitant la lune pâle derrière moi, ses pupilles brisaient la triste harmonie de l'ombre en un éclat blanchâtre, fendant l'obscurité en éclats.

Les gouttelettes salines, s'accumulant le long de ses fines paupières, la demoiselle en pleurs regardait le vide, le fixant comme son seul ami. Les prunelles dans ses tristes yeux, virevoltaient comme un aimant lourd qui hésite entre les deux pôles qui le suppliaient de s'y accrocher. Chez elle, cet aimant était bien plus solitaire, et se recentrait après chaque lâchage d'attention ...

Mais je la voyais. Ses lèvres humidifiées par chaque mouvement uniforme de sa courte langue, s'asséchaient au fil de ces minutes qui s'écoulaient, de ces secondes qui s'envolaient. Les mains retroussées à l'avant, emprisonnaient la fine dentelle à peine jaunie par le temps, qui surplombait la longue robe anciennement blanche défendant ses jambes sans-protections de ce froid incessant. Les pieds presque nus posés par-dessus le copeau de terre sur lequel nous étions, englobait ses orteils dans un cocon naturel ...

Tapie dans la nuit, la femme scrutait le sombre bois derrière moi, qui dormait depuis bien avant notre existence, sur cette éternelle Terre qui reposait dessous. Les feuilles se frappaient, sous le courroux du vent qui les incitait à se tuer, sans bruit, juste avec son léger soupir. Les arbres grondaient, comme de vieilles personnes aigries par le temps, insatisfaites par la vie, lassées par cette monotone existence qui dure. Et la nuit dormait. Elle ne se levait plus en cet saison. Le découragement avait gagné toute la forêt, et même ce triste ciel n'avait plus l'envie de nous dévoiler son éternel nouveau décor.

Hier déjà, le soleil était blanc pâle derrière ces épaisses fumées grises, blanches ou noires. Et planant au-dessus de nos têtes, comme un gaz protecteur, ces nuages nous brûlaient parfois de froid par leur trop importantes épaisseurs. Il faisait noir, de tout façon. Ce n'était que dans quelques heures, peut-être, que ce drap jeté entre l'astre et moi, se déplierait encore une fois. Les oiseaux dormaient, camouflés dans leur frêle amas de brindilles, et les lapins ronflaient sans bruit, dans ces étroits trous qui leur servaient de nid.

L'homme s'était évanoui dans ce méandre de fougères et de chênes qui ornaient ce territoire naturel, défini par la nature elle-même. Et ses empreintes avaient disparu du sol, dans lequel il avait laissé une trace quelques minutes avant ...

Elle ne l'avait pas écouté, elle ne prenait pas vraiment au sérieux ce qu'il disait ... Devais-je attendre ou aller le raisonner ? La jeune femme ne bougeait toujours pas, mais observait ses mains cette fois. Suppliant son retour, à quelque chose qui n'existait peut-être pas ...

Je partis à sa poursuite. L'angoisse de la laisser seule aveuglait ma vue à coup de larmes. Mon cœur battait, comme les marteaux d'un piano frappant les cordes, dans mon oreille interne qui ne prêtait plus garde aux désagréables feuilles qui craquaient sous mes pas. Ma respiration bruyante était d'autant plus percevable par les croûtes rouges qui auraient pu prendre résidence sur le « doigt de l'ange ». M'arrachant des cris silencieux à chaque faisceaux d'airs qui passaient maladroitement par ces deux orifices. Les poings serrés, planant au-dessous de mes épaules, se balançaient au gré de mes mouvements saccadés, et frôlaient parfois quelques écorces d'arbres qui dépassaient un peu trop de leurs troncs. Les yeux virevoltant de chaque cotés de mon corps, mes orteils entraient en contact avec des pierres ou racines trop grosses, à chaque fois que je bougeais mon regard.

J'avais peur. Ce n'est pas vraiment ça la peur, en fait. Je crois. Je n'aimais pas la voir, la peur m'effrayait. Elle m'empêche de vivre, plutôt. Cela arrive quand elle prend le dessus sur moi.

Un carré de fougère se dessinait au loin. Un silence de mort chantait dans ce sombre coin de forêt, et il devait être là. Les traces de ses grands pieds n'étaient pas encore entièrement gommées, mais la terre était redevenue sèche, comme avant son arrivé, comme tout le temps. Cela n'avais jamais été autrement ...

Je n'aimais pas cet endroit, il était plus lugubre qu'ailleurs. Les arbres vivaient dans la tristesse. On aurait dit qu'ils pleuraient ... Leur sève s'écoulait le long de leur bois, et s'étalait à leur pied comme une flaque de sang qui avait séché après avoir été exposée bien trop longtemps au soleil. Les feuilles recouvraient l'horizon du ciel comme une prison et nous privaient du soleil sous les plus beaux astres d'été. Et les plantes étaient rouges, oranges, parfois noires. Elles pourrissaient comme des vieux meubles dans une maison inhabitée, sans vie, sans âme. Les personnes disaient souvent que les arbres, les plantes, les herbes, les animaux sauvages, la terre, leurs bactéries, vivaient comme nous, les êtres humains.

Cette forêt ici, ne vivait pas. Elle mourait et se consumait à petit feu, chaque minute, un petit peu plus ... Et lui, devait être là.

Devant moi, un amas de feuilles retint mon attention ... Des traces de boue à deux niveaux grouillaient de petit vers, tout fraîchement sortis de terre. Quelqu'un devait être passé par là. A quelque pas, une bosse ni net ni régulière était posée sur le sol. Discrètement, je m'approchais en guettant le moindre bruit autour, levant mes talons pour mieux apercevoir la chose.

Les pieds penchés de chaque coté du corps, et la tête frottant une fougère rougie par le temps, l'homme avait la bouche mît clos, et les yeux fermés. Une plaît béante était étendue sur son ventre. Un couteau rouillé par le sang, dormait à ses cotés. Un corbeau n'ayant pas perdu son temps, picorait le pantalon de fortune que cette personne avait recousu ... Délicatement, je voulu prendre une pierre et la lancer violemment sur le volatile qui était ironiquement à son chevet. Je ne pu le faire. Les membres grelottants, je me mordais les lèvres en voyant la dépouille et avalais un cri qui ne voulait pas sortir. J'avançais, et me mis à genou pour tenter de récupérer ses doigts sales qui traînaient sur le sol. Sa main posait sur son cœur, je baissais mon dos cambré pour approcher ma joue de sa maigre poitrine qui ne battait plus.

De petites gouttelettes arrivèrent par saccades, et humidifiaient son doux vêtement que cette femme avait câliné tant de fois. Mes jambes se délièrent et après m'être relevé brusquement, je criais de toutes mes forces. Aucun son. Il m'eut fallu une éternité pour le trouver. Il est resté là tout ce temps. Mes poings se fermèrent, je les lançais violemment vers son torse en bavant de tristesse à chaque coups. Il l'a laissé toute seule !

Ce bruyant coup de canon, originellement dirigé vers cette innocente biche, avait accidentellement niché l'objet mortel dans son nombril.


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C'est ainsi que se termine ce premier texte pas très joyeux, je vous l'accorde ! La peur et la tristesse sont ici mis en avant ... Pour la petite histoire, ce texte que j'ai écrit en 2015, a donné naissance à une pièce de théâtre du nom de "Libre-Arbitre", que je suis actuellement en train de mettre en scène !

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