Il s'arrêta, à côté elle.

Il tourna la tête, vers elle.

Son visage était paisible.
Si paisible.

Ses yeux clairs contrastaient avec ses cheveux acajou.
Sublimes.

Elle fixait le vide face à elle.

Et il regarda, lui aussi, ce qui lui faisait face.

La mer.

Belle.

Ils restèrent ainsi durant plusieurs minutes.

Seul le bruit des vagues et du vent venait perturber le silence apaisant qui régnait sur la falaise où se tenaient immobiles les deux adolescents.

C'est lui qui parla.

- Tu m'as finalement retrouvé ?

- C'est toi qui es venu me rejoindre.

Il marqua un temps d'arrêt avant de répondre.

- Tu sais très bien que c'est faux.

Il baissa la tête tandis qu'elle, se tournait vers lui.

- Je suis venue pour t'ouvrir les yeux.

Il sourit à cette réflexion.

Elle avait dit ça.
Elle qui a perdu la vue avant même de savoir parler.

Alors lui aussi se tourna vers elle.

- Tu sais bien que j'ai déjà pris ma décision.

- Et tu crois que je vais te laisser mourir comme ça ?

Elle dit ça sur un ton calme parfaitement assorti à l'expression des traits fins de son visage.

- Mais, comment ? Ce monde est pourri jusqu'à ma moelle ! C'est parce que tu es aveugle que tu ne t'en rends pas compte ?!

La jeune fille sentit énormément de haine dans sa voix. Et c'est pour l'en débarrasser qu'elle voulait l'aider.

- Je ne t'ai jamais forcé à venir me voir. J'ai juste attendu ici que tu prennes la bonne décision.

Toujours ce même ton apaisé dans la voix.

- Mais que peux-tu faire pour m'aider !?

Il serra les poings.

Ses phalanges blanchirent.

Cela ne servirait à rien de baisser la tête pour cacher ses yeux en train de s'humidifier, son amie ne voit pas ces larmes qui menacent de s'échapper.

- Il te suffit simplement de fermer les yeux.

- C'est pas toi qui voulait me les ouvrir ? rétorqua-t-il, amer.

- Tu comprendras.

Elle, elle les ferma, ses yeux.

Pourtant elle n'en avait pas besoin pour être plongée dans l'obscurité.

Il céda alors à la tentation, et ses paupières se fermèrent, elles aussi.

- Et ?

- Quand je suis devenue aveugle, mon corps et mon cerveau ont réagi, mes quatre autres sens se sont améliorés pour compenser la perte de ma vue.

- Je ne vois pas en quoi ça va m'aider.

- Alors, j'ai appris à écouter.

Elle jeta sa tête en arrière, savourant l'instant.

Le vent fouetta leur visage de son souffle rassurant.

- Alors maintenant...

Un frisson la parcourut.

- Écoute...

Il se surprit à savourer l'instant.

Jamais il ne l'avait fait.

Écouter...

Et il regrettait.

La mer.
Le vent.
Les nuages.
La roche.
Son amie.

Il entendait ? Leur présence.

Et sa voix.

Douceur.

Écoute le murmure du vent.
Écoute le chant de la pluie.
Écoute la voix des astres.

Il fut parcouru d'un frisson et ses épaules relâchèrent la pression qu'elles avaient accumulée.
Ses doigts se décontractèrent.

Un à un.

Il entendait l'air marin qui lui glaçait les joues.
Et son cœur battait soudain plus vite, excité par toutes les proposition que lui offraient la nature...

Elle lui tendit la main, il la prit et ouvrit son âme.

Il comprenait enfin ce qui l'entourait.

Il ressentait enfin la vie.
Le bonheur.
La plénitude.

- Merci...

Ils firent tout les deux face à la mer.

Main dans la main.