7 Les poings en feu

Le taxi s'arrête juste à l'extérieur de la casse Hendrick's Dépôts. Murphy règle son dû et demande au chauffeur de bien vouloir l'attendre. Muni de son petit sac à dos, il passe les grilles, dessus, une pancarte indique : Saled.

L'instant d'après, il se retrouve à marcher sur le chemin d'accès, façonnée de nids de poules à moitié gelés, où des tronçons de bitume n'existent plus. Il en va de même pour les différentes dessertes. Une dizaine de voitures sont garées devant le grand container. Jérémy Hendricks discute avec un client à propos de mécanique. Murphy attend son tour, document en main.

Sur l'axe central où il se trouve, il peut voir d'autres personnes à la recherche de pièces de rechange. Le client monte dans son véhicule, qui s'en va. Le mercure donne l'impression d'effectuer une chute libre depuis son entretien à la boîte d'intérim.

Le petit homme regarde vers Murphy, ajuste ses lunettes rondes et sa casquette, puis essuie ses mains dans un torchon déjà plein de cambouis.

— Oui monsieur, comment puis-je vous aider ?

— Bonjour monsieur. Euh, il doit y en avoir d'autres avant moi.

— Pas vraiment, ils cherchent tous leurs pièces. Dites-moi tout, je ferme dans une petite heure.

Le rouquin lui tend le rapport de police de l'enlèvement en fourrière d'il y a deux ans. Jérémy finit d'essuyer ses mains dans sa salopette, puis prend le document officiel. Il positionne ses binocles au bout de son nez.

— Ça va être compliqué mon p'tit gars. Ça fait un sacré bail. Je peux regarder dans l'ordi, mais je garantis rien. Il est fort probable que les deux caisses soient parties en petites boîtes.

Murphy en convient et le suit. Une fois dans le container, Jérémy effectue quelques clics de recherche dans son historique. Murphy scrute les lieux. Un tableau surchargé en écrits noir de feutre, dont seul le type peut en comprendre la signification. Sur la droite, le sempiternel calendrier de l'année en cours avec une nana à poil. Hendricks entre la plaque d'immatriculation du véhicule de sa mère.

— Celle-ci n'existe plus, indique le bonhomme, l'index dessus. Voyons voir l'autre. Hum, je l'ai peut-être gardé celle-là, les Ford focus ont toujours été prisées. Ben ouais, bingo mon gars. T'as de la veine, suis-moi.

Le duo se dirige vers l'ouest de la casse, presque en bordure du grand grillage qui délimite le périmètre du site. Hendricks s'engage vers la numérotation G54, puis cherche un petit moment, il faut qu'il trouve le numéro de châssis correspondant à la plaque d'immatriculation enlevée. Le petit homme se contorsionne à maintes reprises, sous les véhicules empilés sur trois à quatre rangs de hauteur. Au bout de dix minutes, il la détermine avec certitude.

— Trouvé, à toi de voir mon garçon. J'espère que tu trouveras des réponses.

— Merci monsieur.

— De rien. 

Hendricks s'éloigne dans sa démarche particulière de cowboy, les jambes arc-boutées. La caisse est enfoncée à l'avant, mais la portière s'ouvre sans effort. Murphy pose son sac à dos sur un espace libre entre le capot du véhicule accidenté et la camionnette posée dessus. Il s'assied à l'intérieur, toutefois peu rassuré par les bruits de craquements graves et furtifs qui se font entendre sous le poids de son corps.

Il tousse à plusieurs reprises, dû à l'atmosphère saturée. L'habitacle sent le moisi, l'air qui vient de pénétrer n'enlève rien à l'odeur de renfermé qui y règne. Au-dessus de la boîte à gants, deux joints à moitié consommés. Le cœur du rouquin s'accélère un peu. Il repense au jour de l'annonce du décès de sa mère. Il revoit encore quelques bons moments, son magnifique sourire. Mais les souvenirs semblent tout de même s'effacer par l'effet du temps.

Au sol, côté passager, plusieurs pochettes de CD vides. Murphy en dénombre bien une vingtaine, éparpillées un peu partout et déchirées en de longs rectangles.

Il comprend avec aise que le Basile en question s'en servait pour faire office de clope. Fumer l'encre avec l'herbe s'apparente avec certitude au neck plus ultra. Le rouquin en prend un échantillon dans sa main droite, le tourne et le retourne, rien de bien probant. Les aléas climatiques, en particulier les rayons du soleil, ont détérioré la matière. Seule une ou deux lettres s'extraient sur fond de chanteurs de rap en tout genre.

Il balance le papelard de rage.

Murphy cogne plusieurs fois sur le volant, poings fermés. Puis, après cet instant de frustration, il ouvre la boîte à gants.

Vide.

Il fouille un peu plus et passe une main sous le siège conducteur pour en sortir des Penthouse. La colère reprend de plus belle et le jeune homme balance les magazines à l'arrière.

— Merde !

Son cœur s'emballe, sa respiration devient difficile. Il s'extirpe hors de l'épave, claque la portière et finit à genoux. Sa tête bascule en arrière, il regarde le ciel et inspire à fond, les bras relevés. Il jette son bonnet sur le côté, cligne des yeux, tandis que ses mains s'agrippent à ses cheveux roux en brosse. Il gueule.

— AHHHH...

Il insuffle, ses prises d'air deviennent saccadées. Une larme déroule sa trajectoire jusqu'à sa barbe naissante, puis se perd dans son cou. Il essuie cette humidité. Sa rage et sa soif de vengeance le consument de l'intérieur, jusqu'au plus profond de son âme.

Le ciel se couvre à nouveau, le vent glacial s'engouffre dans les moindres recoins. Les amas métalliques ravivent la sensation de froid et accentuent l'effet de solitude qu'il ressent à cet instant.

Cet instant, trop loin de sa mère.

Trop loin de son père.

Beaucoup trop loin d'une vérité qui ne semble pas vouloir se livrer à lui.

Murphy serre les dents, le petit grincement, révélateur de la pression exercée, s'estompe. Le jeune homme se relève et époussette les petits gravats qui se sont incrustés dans son pantalon. Il essuie les larmes qui s'accrochent. Il se sent faible, comme maudit. Une voix le ramène à la réalité.

Il tressaille.

— Excuse-moi mon p'tit gars. Je suis venu voir si ça allait. C'est, c'est le cri qui m'a alerté, précise Hendricks, les lunettes dans une main.

Immobilisé à une dizaine de mètres, il nettoie ses verres dans une manche de son sous-pull, puis les remet.

— Ça te dit un café ? demande le patron, un pouce vers l'arrière. J'en ai du tout fait.

— Ça ira, merci quand même. Un passé douloureux que je tente d'éclaircir, mais ça donne l'impression d'une foutue utopie.

Le rouquin reprend son sac à dos et s'avance jusqu'à arriver à sa hauteur.

— Désolé, fiston.

Hendricks hausse les épaules et les laisse retomber de plus belle. Il dénote ainsi son impuissance face à cette situation.

— Vous savez si la gendarmerie est ouverte aujourd'hui ?

— Je pense que oui, ça dépend quel district t'intéresse. Demain, faut s'attendre au strict minimum, mais là...

Jérémy regarde sa montre à gousset.

— Mouais, jusqu'à midi tu trouveras toujours quelqu'un, d'autant plus que les flics font du rabe en ce moment, avec l'élection présidentielle mardi.

Murphy acquiesce.

— Merci pour l'info. Bon courage à vous m'sieur.

Hendricks exécute un bref signe de la main, tandis que MacCoy s'éloigne vers la sortie et rejoint le taxi.

— Police Département Headquaters, s'il vous plaît merci.

Le chauffeur se redresse dans son siège, finit sa canette de Coca-Cola, qu'il balance côté passager, et démarre. Murphy range le document à propos de la voiture de Basile Jackson et ressort dans la foulée, pour la énième fois, la copie du rapport de police bâclé de l'accident. En bas, la signature du flic en charge de l'enquête, l'inspecteur Jones. Comme souvent, un certain agacement s'empare de lui. Il ressent l'impression de faire du sur place, de patauger dans la boue.

À l'extérieur, les bouchons s'affichent de manière immuable dans cette partition quotidienne de la vie qui s'écoule. Philly expose toute sa grandeur et les nuages délivrent à nouveau de petits flocons.

Le véhicule s'arrête un peu à l'écart de la structure. Trop de voitures ici. Murphy paye le chauffeur et s'enfonce dans le sens unique de la Cherry Street. Il descend son bonnet au plus loin de ses capacités et met ses mains dans les poches de son manteau. Les pick-ups remplissent les places de stationnement de part et d'autre de la rue. Les bâtisses ne dépassent pas les vingt mètres dans cette partie de la ville.

Il atteint le parking qui grouille de flics. Ils discutent beaucoup entre eux et l'agitation dénote un problème. Une fois dans le hall d'entrée, Murphy s'approche de l'accueil. Après un bref bonjour, il présente à l'Afro-américaine de service le rapport de Jones.

— Ben, mon pauvre jeune homme, interdiction à mon niveau de donner ce genre d'informations confidentielles. Seul l'inspecteur en charge à l'époque peut le faire, ça dépendra de son bon vouloir, l'informe t-elle en lui rendant le document.

— Il est là, cet inspecteur Jones ?

Elle fait un signe de la tête en direction du hall d'entrée. Murphy se retourne et demande confirmation, elle acquiesce. Jones arrive à sa hauteur avec le visage en partie ensanglanté. Son regard dénote une impression de vide, ses yeux rouges montrent un trop-plein de tristesse. Il passe son chemin. Derrière lui, ça s'agace, ça crie et certains flics fondent en larmes. Murphy décide de poursuivre Jones jusque dans son bureau.

— Eh ! Faites pas ça jeune homme ! l'interpelle la réceptionniste, en vain.

Le rouquin rejoint l'inspecteur de police dans son local. Jones s'essuie le visage avec un mouchoir.

— Quoi ? Vous êtes qui vous, bordel de merde ?

— Je, je m'excuse de vous déranger, je me rends bien compte du mauvais timing.

— Très bonne déduction du con ! Dégage !

Murphy jette la copie du rapport rédigée par ses soins à l'époque. Jones la chiffonne et lui balance la boule à la figure.

— Tu comprends rien ou quoi ? Fous le camp ! Ma collègue vient de se faire sauter la cervelle, je ne suis plus moi-même.

Murphy ramasse le papier au sol. La colère monte en lui, quelle poisse. Jones sort son Beretta et le braque dans sa direction. Face à ce geste démesuré, il lève les mains et exécute deux pas à reculons. La réceptionniste déboule et tente d'apaiser la situation. Un supérieur hiérarchique pénètre en trombes dans le bureau. Jones tremble, puis pose son arme sur son bureau, s'assied et explose en sanglots. L'Afro-américaine invite Murphy à revenir un jour plus opportun.

MacCoy s'éloigne et prend la sortie, très agacé de repartir bredouille. Après dix minutes de marche effrénée, il met sa carte bancaire dans un distributeur automatique. L'appareil lui indique que ses maigres économies sont gelées. Il ne peut pas retirer d'argent. Quelle consternation, le monde s'effondre autour de lui, encore une fois, et cela affecte ses capacités de discernement, sa respiration devient difficile.

Il demande un relevé de compte. Celui-ci lui indique une somme en crédit à l'attention du Giant Casino à Las Vegas. Il retire sa carte bancaire et se met à courir dans les rues de Philly. Après plusieurs minutes, il s'adosse à un bâtiment faisant l'angle. Essoufflé, il tente de reprendre un sens à tout ceci.

Le rouquin sait qu'il ne lui reste plus qu'une seule option, celle de la piste des Marteaux Noirs. Moffat pourra peut-être lui fournir des indices sur Jackson. Il sort d'une poche le papier fournit par Olga tôt ce matin et le déplie. L'adresse à Camden, non loin du site d'Elias Wellington, semble maintenant sa seule solution rapide, afin d'obtenir les cinq cents dollars nécessaires pour une éventuelle info.

Il serre la mâchoire, puis reprend une marche plus proche de la normalité. Il atteint de grands escaliers bétonnés et entame la descente vers la gare de métro. Des graffitis en tout genre recouvrent les murs. Une fois à proximité du guichet automatique, il fouille dans ses poches et s'étonne du maigre butin en sa possession, soit l'équivalent d'une vingtaine de dollars. C'est suffisant pour prendre sa correspondance.

Le service public est bondé, comme à l'accoutumé. Il monte dans le train qui vient de s'immobiliser et s'installe. Son regard se perd dans son reflet dans la vitre sur sa gauche. L'engin démarre. En toute logique, si son compte en banque bloque de la sorte, ça signifie que les dettes de son père vont bien au-delà de ce qu'il imagine.

Le train s'illumine d'une bien piètre lueur du jour à sa montée sur le Benjamin Franklin Bridge. Les gros flocons dévalent dans le ciel de Philadelphie. À peine le temps de scruter le spectacle, qu'il descend à nouveau dans les entrailles de la terre après le passage de la Delaware River. Le premier arrêt à Camden est le bon. Sur le quai, quelques clochards tentent de soutirer trois copec pour une survie dans une existence sans but précis. Juste une vie au jour le jour.

Il entame sa sortie et les graffitis se dévoilent de façon plus significative ici. D'ailleurs, leur teinte sombre agrémente une ambiance plus lugubre qu'à Philly. Dans les rues, une couche de neige tient déjà au sol. Au coin d'une ruelle, des dealers font leur business quotidien. Ici, la loi ne semble pas s'appliquer.

Vingt minutes de marche dans ce qui s'apparente à un déluge blanc. Beaucoup de blacks et d'Italiens ici, il arrive à proximité de l'adresse, qui dévoile un terrain de basket pourri. Les regards le fixent, car sa présence se rapproche d'une intrusion ici. La foule devient dense et les paris s'exhibent à vau-l'eau.

Au centre, en se frayant un passage, Murphy peut apercevoir avec précision la scène et la configuration des lieux. Une dizaine de véhicules 4X4 sont positionnés en cercle, phares de croisement allumés. Quatre fûts métalliques fument et délimitent une sorte d'arène de combat.

Des types sont assis sur les capots des bagnoles tandis que d'autres y sont accoudés, tels des empereurs aux premières loges d'un spectacle de vie ou de mort. La majorité portent des lunettes de soleil, de la grosse musique rap se diffuse. Dans le ring fait maison, deux crétins boxent. Ça gueule de partout.

Des Marteaux Noirs sont présents, Moffat s'approche de lui.

— Salut, Snow Face.

— Salut.

— J'ai une info pour toi, sur le type que tu cherches. Mais va falloir le blé mec, précise-t-il d'un geste explicite du pouce et de l'index.

Murphy regarde vers le terrain de combat, puis revient vers son interlocuteur. Les regards suffisent à comprendre l'intention du rouquin. Un autre membre du gang s'amène. Celui-ci possède une mâchoire carrée, avec plusieurs petites boucles d'oreilles qui s'échappent de la couverture exercée par son bonnet noir.

— Eh ! C'est bien toi qu'est arrivé hier, Ghost ? Tu me remets ?

Murphy dessine un signe négatif de la tête.

— Of, j't'en veux pas va. Je me présente, Morgan, le chef de meute man, s'amuse-t-il à préciser, le menton relevé.

— Ok, je tâcherai de m'en souvenir.

Morgan acquiesce de ses lèvres rentrées dans sa bouche. Murphy se tourne et continue son approche, au plus près de l'action. L'un des deux puncheurs, scandé comme l'étalon italien, massif et dans les deux mètres de haut, semble s'imposer sans difficultés face à un black à la peine.

Murphy sursaute à une main qui se pose sur son épaule.

Son regard croise celui d'Olga. Elle sourit, mais semble éprise d'une certaine tristesse. Elle aurait préféré ne pas le voir ici, jamais.

Elle l'embrasse sur une joue.

Il est bluffé par la beauté de ses yeux bleu clair, qui se démarquent de cet environnement sombre et hostile.

— Tu peux encore faire machine arrière. C'est vraiment pas une bonne solution, dit-elle d'une intonation proche de la supplication.

L'Afro-Américain finit dans la foule, qui le repousse aussitôt pour atterrir au sol, inconscient. Les deux gorilles, usités à la tâche, le traînent hors des limites. L'étalon italien lève les bras au ciel, puis se met à crier comme une bête. La foule explose, dans une ferveur dénuée de bon sens, et scande son nom.

Il a vraiment une sale gueule. Un autre black arrive au centre de l'arène et braille pour se faire entendre.

— Allez, allez, qui veut tenter sa chance ? Y a vraiment du fric à se faire. L'occasion ne se représentera peut-être pas.

Les décibels en provenance les pick-ups montent encore d'un cran. Ça baratine, roule des mécaniques et quelques types défient verbalement le géant. Le gars les prend au mot de venir se battre contre lui. Personne n'acte ses propos. Il reste probable que la traînée de sang sur le béton calme les ardeurs des plus débiles. Olga retient Murphy par le haut d'un bras. Son regard dénote un ton sérieux, dur, sourcils froncés. Elle lui interdit de réaliser ce qu'il s'apprête à faire.

Il lui passe son sac à dos.

Elle tente de refuser.

Elle recule sans vraiment y arriver.

Il lui dépose ses affaires dans les bras. Sac, manteau, bonnet et pull. Elle le supplie du regard avec insistance, pour ne pas faire ça.

Il n'en tient pas compte.

Il n'a plus d'autres options.

Il lui pose sa main droite sur sa joue gauche.

Elle ferme les yeux à ce toucher, accompagné d'une chaleur bienfaitrice, et pose à son tour une main sur la sienne.

Puis serre.

Fort.

Quelques larmes coulent de ce visage presque angélique. Il l'embrasse sur le front et s'extirpe de son étreinte.

Le cœur d'Olga manque d'exploser.

— Yo, yo, yo, la populace, voici un challenger, s'exclame l'animateur.

Murphy entre sur le terrain. L'étalon italien le calcule de haut en bas. Murphy grelotte de froid. La neige continue d'envahir l'espace et les paris se font dans une ambiance de folie furieuse, proche du post-apocalyptique.

— Donc mon gars, les règles, boxe à mains nues. Rien en dessous de la ceinture, c'est bien compris ?

Murphy acquiesce, serre les dents. Il jette un dernier coup d'œil en direction d'Olga, qui se ronge les ongles. Puis il enlève son t-shirt, exposant sa forte musculature. Son adversaire semble hésiter un bref instant, face à la puissance qui se dégage du rouquin, mais il se renfrogne dans la foulée. Le coup de sifflet envahit les lieux et Murphy lève les poings, puis s'avance vers le géant.

Ils tournent l'un autour de l'autre. MacCoy sait que son adversaire possède l'avantage de la force, à l'inverse de son point faible majeur, la vitesse, qu'il compte bien exploiter. Le géant dégote deux coups de poings, suivis d'une excellente protection faciale du rouquin.

La reprise de la position défensive de son adversaire est lente. Murphy se décale et l'impacte au ventre, lui occasionnant une grimace de douleur. Sans gants de boxe, la sensation est d'une dureté sans concession. Ce léger moment d'inattention donne une opportunité pour l'italien, qui lui flanque sa droite sur la pommette en vis à vis. Le rouquin s'étale dans la neige.

La foule éclate en délire total.

Olga serre les habits de Murphy fort contre elle. Elle implore Dieu pour son aide. Son cœur s'emballe presque.

L'italien laisse le temps à Murphy de se relever, qui remarque que du sang coule de son visage. Il fait craquer ses cervicales et revient à la charge. Murphy décide de prendre les choses en main, à la grande surprise de son adversaire. Celui-ci se protège et exécute deux pas à reculons. Murphy réussit à le cogner très fort.

L'étalon lui saisit le poignet, ouvre grand ses yeux en proie à la folie, et lui administre un coup de boule. L'arcade sourcilière de droite se retrouve ouverte.

Sonné, Murphy tente de reprendre ses esprits. Le géant en profite pour le heurter à nouveau de sa droite. La tête du rouquin part en arrière. Son adversaire le tient d'une main ferme, puis recommence, tel un punching-ball. Une réaction de survie de Murphy lui permet de s'extirper de l'étreinte de son adversaire. Il recule un peu, puis enlève tant bien que mal le liquide rougeâtre qui dégouline et obstrue de manière significative sa vision à droite. 

— Allez, viens, fils de pute !

Cette phrase donne un effet d'électrochoc à Murphy. Il revoit le visage de sa mère, sa bonté, son père, pendu. La fureur de vivre s'arrache à son existence même, du plus profond de ses tripes.

Un cri de rage.

Un terrible uppercut envoie l'étalon italien sur le bitume enneigé. Le type reste au sol.

Murphy se met à cheval sur lui.

L'autre tente de riposter, mais les droites et gauches pleuvent. La tête du zig valse d'un côté à l'autre.

Les poings sont en feu.

Murphy gueule sa colère dans un déluge neigeux et un vent glacial. L'instant semble hors du temps, hors de la réalité.

Le silence vient de s'inviter sur le terrain de jeu morbide. Morgan et Moffat interviennent et séparent le rouquin du corps désormais inerte. Une flaque de sang s'étale sur la couche blanchâtre. Quelques spasmes musculaires surviennent.

Murphy cligne des yeux.

La réalité revient peu à peu.

La rage devient tristesse, puis rancœur envers ce monde, où le bon sens semble avoir quitté cette terre de folie humaine. Cette terre de contradictions. Cette terre de misère et de désolation, où seuls quelques-uns se prélassent de la pauvreté des autres.

Murphy finit à genoux, ses mains agrippent avec fermeté sa tignasse rousse.

Il fume.

Il a du mal à respirer.

Olga le rejoint et pose son pull sur lui. Elle l'enlace, en pleurs. Quelques murmures deviennent perceptibles depuis la foule. L'étalon italien disparaît dans celle-ci par les deux gorilles de service. Olga lui essuie le visage avec un mouchoir, puis Murphy se relève avec difficulté, mais sa respiration s'améliore.

On entend les mots " respect man ", " Snow Face ".

L'animateur s'avance avec une grosse liasse de billets.

— Bravo mon gars. Quinze mille deux cents box, man.

Murphy se rhabille et range l'argent dans son petit sac à dos. Le jeune homme file cinq cents dollars à Moffat, Morgan lui murmure alors l'information à l'oreille.

— Ton Jackson, il a été banni et s'est fait enlever son tatouage des Marteaux Noirs dans le dos. C'était avant mon arrivée mec. Mais voilà la liste des potentiels chirurgiens susceptibles de pratiquer ce genre d'intervention, au laser.

Murphy prend le bout de papier, puis l'en fourgue dans une poche de son pantalon.

— Merci, mec.

Morgan acquiesce, satisfait de cet échange, puis recule de quelques pas. Le duo s'éloigne alors dans la foule qui semble plus clairsemée. Un dernier coup d'œil sur la traînée de sang le glace d'effroi. Murphy se désole de cette situation. Soutenus par Olga, ils quittent cet enfer.

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