4. Les conséquences
— Queque... Quoi ?
— Il dit qu'il sait tout de vous et que tu as intérêt à rappeler tout de suite.
Pendant un court instant, je sentis la réalité s'arrêter juste pour reprendre son cours avec une violence qui vira tout l'air de mes poumons.
— Oh mon Dieu ! paniquai-je à mesure que certaines conversations vacillant sur la limite entre flirt et tellement plus me revenaient en mémoire. Oh mon Dieu !
Je me levai pour tenter de calmer mes tremblements en faisant les cents pas. Ben allait me terminer. Ce truc dans mon appart c'était juste un avant-goût. Il allait m'anéantir.
— Je ne sais pas à quoi tu penses, me consola Émilie en émergeant de derrière le comptoir. Je ne sais pas qui est Kwan. Mais je te rappelle que le seul en tort c'est Ben. Il a violé ton intimité, saccagé ton appart, t'a abusée et manipulée pendant trois interminables années. T'as assez d'éléments pour le faire fermer. C'est tout ce qu'il mérite.
— Ne sois pas stupide !
Je l'avais quasiment trompé. Même s'il avait plein de défauts, flirter dans son dos n'était pas la chose à faire. Toutefois, ma conscience n'avait jamais su faire taire mon attirance grandissante pour le Coréen. Notre relation était si précieuse à mes yeux. C'était la seule depuis des années à ne pas avoir été souillée par Ben. J'étais si protectrice envers ce nouveau lien que je l'avais même caché à Émilie.
Je ne regrettais rien. Je n'étais juste pas sûre d'avoir les épaules nécessaires pour les conséquences. Toutefois, je savais que retarder l'inévitable n'allait pas arranger les choses. Je récupérai mon téléphone, avant d'être abandonnée par ma brusque flambée de courage. Je désactivai le mode avion et moins d'une minute plus tard, Ben m'appelait, comme animé d'un radar.
— Salut Ben, décrochai-je d'une voix que je ne réussis pas à rendre stable.
Son ton doucereux ne fut pas non plus d'une grande qualité :
— Je m'inquiétais, dit-il.
Le calme avant la tempête. Je le savais. Les insultes n'étaient pas loin, et après elles, les excuses et les cadeaux... Ainsi, le cycle pouvait continuer. Sauf que cette fois, j'étais déterminée à y mettre fin.
— Je vais bien, répondis-je en articulant à peine.
Un ange passa, nous laissant dans un brouillard d'appréhension, ponctué par le bruit de mes déglutitions nerveuses.
— Tu as manqué notre diner avec mes parents sur zoom, finit-il par me rappeler. Je ne savais pas quoi leur dire.
J'inspirai profondément. On approchait du moment fatidique.
— On a rompu, Ben. Je ne peux plus continuer.
Il ne répliqua pas tout de suite, mais je pus sentir le changement d'atmosphère depuis l'autre côté du fil. Mes yeux s'embuèrent. Ça y est. C'était le moment.
— Tu penses que je ne sais pas ce que t'as foutu pendant ces trois ans ? grinça-t-il. Le nombre de personnes qui t'auraient sauté si je n'avais pas été là ? T'aurais accepté, car tu n'as aucun respect pour moi ou pour toi-même. T'es une salope, Alexa. Pourtant je t'aime. J'ai lu les messages. Je t'ai vu promettre ton cul à ce stupide Coréen...
— Je n'ai pas...
— Je suis le seul à pouvoir supporter tout ça. Et c'est comme ça que tu veux me remercier ?
— Arrête ! braillai-je au bord de la crise.
Devant le regard concerné d'Émilie, je me réfugiai dans la chambre et verrouillai la porte de mes mains moites.
— Dis ce que tu veux, Ben. Cette fois c'est fini. J'en ai marre de me faire insulter pour des choses que ton petit cerveau de mal-aimé a imaginé. Ce n'est pas de ma faute si tu sais que tu me suffis pas. Ce n'est pas de ma faute si la vie t'as tout donné, mais tu fais priorité de tes complexes. T'es qu'une facade. Il n'y a rien de beau en toi. Et je comprends que t'aies peur que je te quitte. Tous les deux on sait que tu m'as jamais mérité.
S'ensuivit un silence insoutenable uniquement troublé par ma respiration hératique et mes reniflements pitoyables. Mon âme tremblait d'appréhension, s'attendant à être pulvérisé d'une seconde à l'autre.
— J'attends des excuses, décréta-t-il calmement. Et des nudes. Je veux voir ton petit corps de chienne et m'imaginer cracher mon jus sur toi... ou plus. N'oublie pas tout ce que tu sais me laisser te faire.
— Parce que j'en avais envie et j'ai cru t'aimer, criai-je.
— Non parce que t'es une chienne. Et ça me manque de te bourrer après t'avoir acheté un autre cadeau hors de prix. T'es si facile que ç'en devient lassant.
Il pouvait être si cruel. Je m'étouffais entre mes sanglots, mais je prononçai quand même d'une voix faiblarde, brisée :
— Brûle en enfer, Ben.
Il claqua la langue.
— Évitons les stupidités. On sait comment ça aurait fini si j'étais là. Toi sur le dos ou à quatre pattes ou comme j'en ai envie. J'attends les excuses et mes nudes.
Mes poings crispés tremblaient et mes narines frémissaient à chaque bouffée de haine pure que j'expirais.
— Et oh, renchérit-il. Avant que tu ne raccroches. J'ai repensé à la question. Où vont les nudes après une rupture ? Je ne sais pas. Mais les tiens iront à partir de maintenant à une personne choisie au hasard toutes les heures, si je ne reçois pas ces putain de nudes et ces excuses, sale chienne ! explosa-t-il à la fin.
J'éliminai sa présence et m'écroulai contre la porte, le poids du monde sur mes épaules tremblantes. Ça faisait tellement mal. Chacun de ses mots avait planté un poignard dans mon cœur et à ce point-là, je ne savais pas comment il continuait à battre. La main sur la bouche, proche de l'apoplexie, je restai sourde au cognement d'Emilie contre la porte en limitant au maximum le bruit de mes sanglots. Comment avais-je pu être aussi naïve ? Comment avais-je pu croire une seconde que la toxicité de notre relation ne finirait pas par me suffoquer ? Pourquoi ? Juste... Je voulais mourir.
Je me roulai en boule par terre et pleurai mon dégoût, ma peine, ma haine, ma douleur, mes regrets, ma peur. Sans savoir comment, je finis par m'assoupir, mais je fus réveillée par des cognements plus vigoureux d'Émilie contre la porte.
— Alexa, putain ouvre-moi !
L'urgence dans sa voix m'évita de refuser, malgré le vide en moi. Mais à peine eus-je deverrouillé la porte que je regrettai. Je n'étais pas encore prête pour cette nouvelle vague violente de douleur.
— J'ai reçu ça de Ben, haleta-t-elle en brandissant son téléphone sous mon nez.
Je crus défaillir. Des photos de mon corps nu que je lui avais envoyé dans un élan de stupidité et de naïveté. Je les avais envoyé à lui tout seul. Pour lui. J'avais cru... Je n'en pouvais plus. Je n'en pouvais plus.
Pourtant au moment même un nouveau message surgit et me brisa les derniers fragments de mon cœur.
« Rappelle à la salope qu'elle a une heure pour les excuses et les nouveau nudes. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top