Lettre 9
Danaël,
Les mots ne viennent plus et l'encre coule sans que je ne puisse y trouver un sens. Que dire de plus ? Que puis-je faire de mieux ?
Je m'étais promis de tenir le coup, le plus longtemps possible. Pour toi, pour cette vie dont on t'a privé. Pour les Légendaires et ce pourquoi nous nous battions jusqu'alors. Mais le sens se perd, mes forces disparaissent et plus rien ne suffit. Les petits bonheurs de tous les jours ne m'atteignent plus, je suis à la recherche d'une joie plus grande, plus profonde. Celle que seul toi peux encore me procurer !
Les cauchemars, je ne peux plus les supporter. Cette beauté alentours n'a plus aucun visage. J'y suis étrangère ! Comment survivre seule ? J'ai essayé, Danaël, crois-moi je t'en prie. J'ai tenté de vivre, sans toi, de me faire à cette existence sans nom. De survivre par la suite, pour les souvenirs les moins amers, pour une époque révolue. J'avais tout fait pour tenir, pour faire honneur à mon nom et au tien.
Si tu savais comme j'ai honte ! Prisonnière de cet endroit sombre, je ne suis que l'ombre de moi-même. La princesse Jadina n'a plus rien en commun avec cet être monstrueux. Je salie le nom des Légendaires par ma simple présence en ce monde. Les Alysiens ne peuvent plus compter sur moi et je ne suis qu'une loque, blessée et perdue.
Tout semble m'accuser, m'en vouloir. Ton meurtre est certainement la chose que je regrette le plus à ce jour. Je revois ton sang sur mes mains, la surprise dans tes yeux, à peine recouverte de douleur. J'étais tellement heureuse de te revoir, de retrouver celui que j'ai toujours aimé. Mais avais-je réellement le choix ? Le sourire sur tes lèvres, juste avant que je ne te tue ne me quitte pas. J'y lis encore de l'espoir, une confiance que j'avais détruit de mes mains. Le désir de vivre, cette volonté qui te caractérisera toujours. Et je l'avais fait disparaître, c'était si simple ! Le rictus et cette lumière dans tes yeux ne sont plus qu'un souvenir, douloureux mais bien réel. Jusqu'à ce que tu quittes définitivement ce monde. Sentir ton cœur s'affaisser dans mes bras ... Voir la vie et cette étincelle s'éteindre dans ton regard. J'en suis responsable et si le prix à payer pour mon crime est la mort ... Je l'accepte !
La fin est un concept bien réducteur. On peut quitter ces lieux de bien des façons. Toi, tu es mort en héro et sans la moindre chance d'y échapper. Mais moi ? Qu'en était-il réellement de la princesse Jadina ? Elle aurait pu partir de bien des façons, comme la Légendaire que je ne serais jamais plus. J'ai au moins la chance de choisir ma fin, et c'est bien risible ! Je suis mon propre enfer, et mes faiblesses ont raison de moi. Les valeurs que les Légendaires prônaient ne sont que des chimères à mes yeux. Ce ne sont que des mots vides et j'y ai trop longtemps cru !
L'encre coule, Danaël. Le sang noir de ma plume me rappelle l'urgence de ma vie. Je dois y mettre fin.
C'était là ma dernière chance. Je pensais, sans trop y croire, que t'écrire pouvait m'aider. Je suis naïve ! Les blessures ne guériront pas et ce papier vieilli n'y pouvait rien. J'écrie sans savoir si quelqu'un me lira un jour. C'est le désespoir qui me porte alors, une mélancolie pour le vestige d'une vie faite de mensonge.
C'est pour toi, toutes ces lettres ! Tous ces mots qui n'ont de sens que pour toi. Le sang perle en goutte vermeille et se perd dans l'encre. Le vois-tu ? Ce n'est rien plus qu'une image, la mienne puisqu'il le faut. L'hémoglobine ne me fait plus peur, ma mort non plus. Si seulement je pouvais trouver le repos, j'y nourrie un espoir immense. Mon imagination dessine des merveilles que je ne peux décrire. Toi et moi. Rien que tous les deux, n'est-ce pas parfait ? Tout cela me parait faux pourtant, interdit. Et la réalité me rattrape toujours, le bruit du papier qui se froisse. La plume qui trace des lettres sur la surface parcheminée.
L'Horloge est là, Danaël. Je la vois et je sais que la folie n'y est pour rien. Son ombre au creux de ma main est bien réelle, et j'en tire une terreur inconnue. La Mort se profil déjà prêt de moi, sa silhouette macabre et squelettique est juste derrière moi. Elle m'attend et je sais que le moment est venu. Le « Tic-tac » a quelque chose d'urgent et sonne plus rapide à mes oreilles. Les battements de mon cœur se font plus lents et je n'en connais pas la cause. Est-ce que derrière ce spectre atroce se cache le repos ? Je l'espère, si seulement tu savais.
C'est là mon dernier tourment, le tournant fatal de Jadina d'Orchidia. Je laisse derrière moi toute ma douleur, et ces lettres sont mes uniques traces. J'ose enfin regarder la Mort en face et l'Horloge lugubre ne cessera jamais de clamer sa victoire. C'est la fin que je lis dans le néant, et un espoir minuscule mais auquel je veux donner sa chance. Celui d'un avenir ailleurs, un futur à tes côtés. Ais-je le droit d'y penser ?
Je sourie, et c'est un soulagement. La douleur est vive mais je sais que je n'en connaitrais pas de nouvelle. J'aperçois derrière l'ombre du cadran, ton visage. Tes traits angéliques sont magnifiques et, par tous les dieux ! Tu m'as tant manqué !
Le sang s'écoule et se mélange à l'encre. Comment y voir une quelconque différence ? Je me fiche bien de cela, de cette douleur qui déchire. La torpeur qui m'accueille est bien meilleure. La Mort gagne son éternel combat et je n'ai pas à en rougir. Je m'en vais vers un monde meilleur. Mon chemin s'arrête ici, et je n'ai aucun regret. Adieu Alysia, cette fois, je ne reviendrai pas !
Attends-moi Danaël, j'arrive mon amour,
Jadina.
Je pouvais pas faire d'happy end, avec l'ambiance et la thématique de cette fic ... Sorry
Tout le monde a compris de quoi il était question j'imagine, mais je pense que c'était nécessaire. Elle ne pouvait plus vivre après ce fardeau.
Il reste malgré tout une dernière lettre, à part. Elle sera complètement différente des précédentes, puisqu'elle n'est pas destinée à Danaël. Je vous laisse à vos théories du coup, mais ce sera quand même une lettre. Jadina confit sa douleur et s'excuse à quelqu'un d'autre (un ou plusieurs personnes, je vous laisse y réfléchir)
Je vous dis à la semaine prochaine pour clore cette courte fic, un peu spéciale pour moi et dans sa forme ;3
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