Lettre 5


Mon aimée,

Dans le calme brûlant de la nuit, je ne sais plus qui je suis. Cette idée m'est venue comme ça, sans la moindre raison, sans la moindre explication. Et puis quoi ? Je suis folle et je le sais !

Le silence même me faisait souffrir, et je sus que j'étais de trop. Que je n'avais plus ma place dans ce monde. Que je ne l'aurais jamais plus. Qu'il n'y avait plus à espérer, plus à rêver un Salut qui ne viendrait pas. Qu'Alysia n'avait plus besoin de moi, que ma présence ici n'était qu'utilitaire. Et encore ! Elle l'avait peut-être été alors que j'étais encore une Légendaire, mais maintenant ? Une loque enfermée dans un lieu connu de personne était-elle réellement nécessaire ? J'avais la réponse, je l'avais toujours eu !

Mais ce soir, autre chose à changer. Mon regard oscille entre le ciel calme et mon propre corps. Quelle était le plus grand mensonge ? Est-ce de croire en la vie elle-même ou juste croire en ma personne ? Je me sentais étrangère à mon propre corps. Comme si cette enveloppe charnelle n'était pas mienne, comme si je l'avais volé un jour. Ca devait être une erreur ! Ca ne pouvait simplement pas être vrai.

Mais comment savoir ? Oh, Danaël si tu me vois, si tu m'entends, je t'en prie, dis-le-moi ! Explique-moi tout, dans le creux de l'oreille et j'aurais ensuite droit au bénéfice du doute puisqu'il est si bon. Fais disparaître cette incertitude, cette douleur si tenace ! Sauve-moi de cet enfer, sauve-moi de ce rien que je suis devenue. Sauve-moi de moi !

Je suis consciente d'être mon propre poison. Que, quelque part, je suis ma propre perte, que la fin que les Dieux me réservent est entièrement de ma faute. Mais comment l'accepter ! Je serai ma propre perte, ma chute et si ça devait être la fin de tout, que pouvais-je y faire ?

J'ai envie de gratter ma peau mâte jusqu'au sang, juste pour rendre ma douleur bien physique, pour me prouver quelque chose aussi. Que ce corps est bien mien et que malgré tout, je reste humaine.

Le silence est insupportable. Le calme sonne comme assourdissant et j'entends presque la nuit hurler. Crier à l'astre de la nuit sa rage et sa colère, crier sans que personne ne l'entende. Je suis seule témoin de cette détresse et soudain, ça me touche. Moi non plus, on ne me voit pas, mes supplications n'atteignent pas les êtres de ce monde. On me regarde sans me voir, sans me comprendre, sans voir la souffrance qui est mienne. La nuit et moi sommes pareilles. Un Mal commun nous unis dans ce rien uniforme. Et la Lune observe tout ce joli spectacle, tranquille à sa manière et sans songer un instant à faire quoi que ce soit. La Lune, c'est tous les Alysiens que ma douleur indiffère !

Et toi, qui es-tu ? Où es-tu dans ce décor macabre, sans cette mascarade que mon esprit tordu invente ? Où es-tu dans ma vie ? Il n'y avait aucune trace de ton passage en cette terre. Seul le petit morceau de soie blanche à mon poignet te rattache à ce monde. Ce bout de tissu, c'est toi. C'est ma perte et tout ce qui me retient encore ici !

Je regarde encore le ciel sans étoiles et une nostalgie profonde me bouleverse. La nuit va bientôt disparaître et je serai seule à nouveau. Jamais je n'ai autant haïs l'aube et ces couleurs pastelles aux nuances changeantes.

Et crois-moi, crois tout ce qui reste de bon en ce lieu : jamais je ne t'ai autant aimé, Danaël !

Avec l'espérance de proches retrouvailles,

Jadina.


Déjà la cinquième lettre au compteur et la moitié de cette petite série. Ca passe vite mais il y a fallu trouver matière à rédiger.  

J'espère que ça vous a plu et je vous dis à bientôt pour une prochaine parte ;3

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