Quelques jours plus tard, je reçois enfin un appel du « Times of India ». C'est un homme à l'autre bout du fil.

- Bonjour, êtes-vous bien Sneeha Rahman ?

- Oui, c'est moi. Je vous ai appelé dernièrement car j'avais quelques questions à vous poser concernant le dernier travail qu'a fait mon oncle pour votre journal avant de mourir.

- Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre en écoutant votre message vocal. Quelles preuves possédez-vous ?

- Des photographies. Mais d'abord, pouvez-vous m'expliquer sur quoi il travaillait avant de mourir ?

- Écoutez, je n'ai pas le droit d'en parler car c'était un projet confidentiel. Mais, seulement si vous avez un moyen de me prouver que vous savez de quoi il s'agit, dans ce cas-là je pourrai répondre à vos questions.

- Si je vous dis que sur les photos figurent la première ministre du Tamil Nadu de l'époque ainsi que Hansika Patel ?

- D'accord, cela suffira, me dit-il. Nous avions reçu un tuyau anonyme sur une éventuelle alliance entre la première ministre du Tamil Nadu et Hansika Patel. La première ministre devait venir à Bombay pour signer un contrat. Votre oncle s'est donc rendu au rendez-vous qui nous avait été communiqué. Nous ne savions pas si l'information était authentique, mais c'est ce que votre oncle devait vérifier. Beaucoup de tuyaux nous sont envoyés et nous ne pouvons pas vérifier tout ce que l'on nous dit. Mais dans le cas où cette alliance était réelle cela aurait signifié que la première ministre avait été corrompue, ce qui est un acte grave. Nous ne connaissions aucun détail, mis à part la date, l'heure ainsi que le lieu de rendez-vous pour finaliser cette alliance. Cela pouvait d'une part mettre l'Etat en danger mais, d'une autre part cela aurait permis au journal d'être propulsé en première place des ventes, m'explique-t-il. C'est pour cette raison que nous avons suivi cette piste.

- Donc, vous aviez envoyé mon oncle en reconnaissance. Vous avez eu des nouvelles après cette date ?

- Non, il ne nous avait ni recontactés, ni répondu à nos lettres depuis cette entrevue. Nous ne savions pas ce qu'il s'était passé, ni même si le tuyau était vrai... nous étions en connaissance d'aucune information et nous ne pouvions pas le contacter. Puis, moins d'une semaine après, nous apprenions sa mort. Alors, évidemment, nous avons cherché à retrouver son appareil photo ou une preuve de ce qu'il avait bien pu voir car nous pensions qu'il avait été assassiné à cause de ces informations.

- Mon oncle a été assassiné ? je lui demande surprise.

- Nous ne le savons toujours pas. Il est décédé suite à une infection après avoir été blessé dans une manifestation. Mais qui l'a blessé ? Nous n'avions aucun moyen de le savoir et nous n'en avons toujours pas. Le fait est que nous n'avons retrouvé ni son matériel photo, ni son ordinateur. Rien...

- Sa femme m'a offert tout son matériel photo, mais pas son ordinateur. C'est en regardant son travail que je suis tombée sur ces images. Mais que puis-je faire ?

- Écoutez, je ne veux pas vous mentir. Je pense que les citoyens du Tamil Nadu, ou même du restant de l'Inde sont en droit de connaître la vérité sur leur ancienne première ministre. Et nous sommes, évidemment, très intéressés à publier ces clichés. Maintenant vous en êtes la propriétaire légale, mais on vous les rachète à prix d'or si vous le souhaitez, me dit-il.

Je devrais saisir cette opportunité pour demander du travail. Je suis intéressée par l'argent. Qui ne le serait-pas ? Mais ce que je souhaite réellement, c'est trouver du travail. Exercer ma passion et pouvoir subvenir à nos besoins, c'est ce dont je rêve depuis toujours! Et là, j'ai une chance. Mais c'est ce que l'on peut appeler du chantage, et cela va à l'encontre de mes convictions morales. Je me sens malhonnête envers mes croyances et envers qui je suis. Deux options s'ouvrent désormais à moi : je peux rester fidèle à mes convictions ou je peux saisir la chance qui m'est donnée pour trouver du travail. En prenant le deuxième choix, je pourrais enfin aider mon père après tout ce qu'il a fait pour moi et ainsi lui rendre la pareille. Alors qu'en choisissant la première option, notre avenir sera très incertain. C'est donc pour cette raison que je choisis la deuxième option. Je décide de prendre ma vie en mains !

- Je dois vous avouer que l'argent m'intéresse, mais ce dont j'ai réellement besoin c'est de trouver un travail. Je suis photographe, tout comme mon oncle. Étant donné que je suis une femme, et que je ne suis pas mariée, c'est très compliqué pour moi de trouver un poste.

- Alors faisons comme ça ! Envoyez-moi votre dossier de candidature et votre portfolio. Quant à moi, je regarde ce que je peux faire.

- Je vous envoie tout ça. Merci pour tout, lui dis-je.

- Je vous rappelle lorsque nous aurons pris une décision.

Il ne me laisse pas le temps de le saluer avant de raccrocher. Je ne veux pas me faire de faux espoirs, alors je décide de ne pas en parler à mon père avant d'avoir leur réponse. Si je décroche un travail grâce à ces photos, je ne l'aurai pas eu par moi-même et cela ne me plaît pas. Même si je ne pense pas qu'il m'engagerait si je n'avais pas les compétences requises. Ce n'est pas une excuse valable car ce n'est pas une bonne conduite à avoir. Au moins, grâce à mon oncle, ma situation familiale ne les intéresse pas. Quel hasard ! Comment savoir si ma tante me les as données volontairement. Je ne sais même pas si elle connaissait leur existence.

Quoi dois-je penser ? Si mon oncle ne les a pas recontactés, il devait y avoir une raison... mais laquelle ? Tant de questions, mais si peu de réponses. J'avance à l'aveuglette.

Pour mettre en ordre mon dossier de candidature, je redouble une fois de plus d'efforts. Je cherche donc mes meilleures photographies pour essayer de constituer un excellent portfolio. Je décide d'y intégrer les images de la manifestation de l'autre jour car j'en suis fière. Maintenant, tout ce qu'il me reste à faire c'est de prier. Alors prions...

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[1] Journal national anglophone traitant une grandevariété de sujets