Chapitre 49

PDV Léna

-Léna ?

-Hum...

-Il est dix heures, faudrait peut-être songer à te lever.

-Hum, j'arrive...

Je soupire et ouvre difficilement les yeux, puis m'étire. Je retrousse les manches de mon T-shirt et souffle une énième fois, absolument pas motivée à sortir du lit, puis j'écarquille les yeux.

Ma chemise de nuit a des bretelles. Pas des manches.

Je baisse les yeux sur ma tenue.

Mais qu'est-ce que je fous habillée ? J'ai dormi en jean ?

Je regarde autour de moi. Les gars, ce n'est pas ma chambre, ça...

Attends, la personne qui est venue me réveiller, ce n'était pas Océane ? Bah non, elle n'a pas dormi à l'appartement. Et je ne suis pas à l'appartement.

Il s'est passé quoi hier soir déjà ? Ah oui, je suis allée voir le feu d'artifice avec...

MAIS QUOI ?

Je me lève en furie et cours jusqu'au salon, dans lequel je trouve Jooheon, souriant. Il se tourne vers moi :

-Pourquoi t'as l'air paniquée ?

-TU... POURQUOI TU NE M'AS PAS RAMENÉE CHEZ MOI ?

-Tu dormais, tu n'as même pas pu profiter de tout le feu d'artifice, dommage. Et je n'avais pas tes clés.

-MAIS ELLES ÉTAIENT DANS MA POCHE, DÉBILE !

-Et comment j'aurais pu le savoir ?

-TU... ARGH !

Je me tire les cheveux tandis que Jooheon se moque. Je le montre du doigt :

-Arrête de rire.

-Mais tu es juste chez moi, il n'y a rien de grave, continue-t-il de rire. Tu veux prendre le petit déjeuner ?

-Je...

-Tu as faim, arrête de faire ta gamine. Tout est sur la table.

Je lève les yeux au ciel et je m'assois à table. Jooheon apporte du thé et ajoute, pour me rassurer :

-Si tu as peur de ça, je n'ai pas dormi dans le même lit que toi.

Je lève un sourcil :

-Vraiment.

-Non. J'ai dormi sur le canapé.

-Tu n'as pas profité de ma faiblesse ?

-Non, Léna.

Médusée, je le fixe avec un sourire, puis je prends une tartine et déclare :

-Tu m'impressionnes, Jooheon.

-Pourquoi donc ?

-Parce que jusqu'à maintenant, tu es le genre de joueur qui profite de toutes, je dis bien toutes les occasions pour jouer et se rapprocher de la victoire. Dormir avec moi en est une.

-Même sans dormir avec toi, tu y as pensé direct et tu étais tellement mal à l'aise que je peux te dire que j'ai marqué un point. Tu rougis encore d'ailleurs.

Je le fusille du regard.

-La vérité, avoue-t-il, c'est que j'ai peut-être évolué sur ça, et que je préfère, disons, ne plus forcer les choses.

-Le but du jeu n'était pas de justement forcer les choses ?

-Mon but est de te faire tomber amoureuse de moi. Nuance.

-Hum hum.

Je regarde un instant dans le vide, puis lui demande :

-Tu penses que dans un an, on sera encore en train de jouer ?

-Je ne sais pas, tu joues bien.

-Je t'en remercie.

-Je t'en prie.

Il souffle :

-Mais je n'espère pas.

Je fronce les sourcils :

-Pourquoi ?

-Je ne sais pas, c'est long, un an. J'ai peut-être...

Il se tait :

-Envie de changer de joueuse ? je murmure.

-Non, oublie. C'est ce que j'allais dire, mais...

Il balaye l'air :

-Laisse tomber.

-Avec les autres joueuses, ça a duré combien de temps ?

-Je ne sais pas... Quelques mois, c'est vrai. Peut-être un an.

-Et tu dis qu'un an, c'est long, je rigole.

-Hum, peut-être pas, sourit-il. On verra si on a marre au bout d'un an ou pas.

Je m'arrête. Jooheon fronce les sourcils :

-Qu'est-ce qu'il y a ?

-Pourquoi tu n'arrêtes pas le jeu ?

Il se fige et baisse la tête. J'ose croiser son regard et être pour la première fois sérieuse à ce sujet :

-Alors oui, tu as dit que si tu arrêtais le jeu, ça voudrait dire que tu as perdu, parce que tu es trop jaloux ou parce que tu es tombé amoureux de moi, je ne sais plus, mais bref. Seulement, on peut aussi s'arrêter là, mettre fin à tout ça, et rester ce qu'on est maintenant. Je ne sais pas si je pourrais dire qu'on est ami, parce qu'en même temps, c'est un petit peu plus que ça. Il y a cette complicité entre nous que des simples amis n'ont pas. Et toi et moi savons que le jeu peut la détruire, cette complicité. Alors pourquoi tu n'arrêterais pas le jeu ? Pour éviter qu'on perde tout ce qu'on a construit ? Pourquoi tu ne l'arrêtes pas, avant que ça soit trop tard ? Et ne me dis pas que tu veux absolument gagner, s'il te plaît.

Il ne répond pas tout de suite. Il met un temps, temps pendant lequel il réfléchit longuement. Puis il marmonne :

-Je n'ai peut-être pas envie qu'on soit que des amis.

Il a dit quoi ?

-Que...

-Ton téléphone sonne.

Vas-y, change de sujet.

Je prends mon téléphone et décroche :

-Oui Rose ?

-Est-ce que tu peux venir d'urgence ? On a quelque chose à te dire, et ce n'est pas forcément cool...

-OK, j'arrive.

Je me lève.

-On en parlera une autre fois, je bredouille, doutant sur ce qu'il vient de répondre. Je dois aller chez les filles.

-Tu veux que je t'y emmène ?

-Je veux bien, je souris.

Il me rend mon sourire. Mais quelque chose se cache derrière, quelque chose qui me perturbe. Mon cœur n'arrête pas de battre. Une sorte d'espoir est né en moi.

Est-ce qu'il a vraiment dit qu'il voulait qu'on aille plus loin dans notre relation ?

○○○

Je descends de la voiture après l'avoir salué et remarque que la porte est déjà ouverte. J'entre et entends les voix de mes amies discuter trop sérieusement à mon goût.

-On va faire quoi du coup ? soupire Clara.

-Bah on n'a pas assez d'argent pour se louer une autre maison... Je crois que cette salope de propriétaire ne va même pas nous rembourser, quelle connasse, rage Rose.

-On peut changer nos billets d'avion ?

-Je crois qu'on peut, répond Mélissa.

Mais qu'est-ce qu'il se passe ?

J'arrive dans le salon et au son de mes pas, mes quatre amies se tournent vers moi. Rose se mord la lèvre, se lève et me prend la main :

-Bon, écoute. Ça ne plaît à personne ce qu'on va te dire, mais assieds-toi.

-Tu me fais peur...

Je prends place sur une chaise. Clara prend une inspiration et annonce :

-La propriétaire de la maison a appelé. Ils vont faire des travaux, mais pendant qu'on était censé être là.

-Censé ?

-Les travaux sont trop importants, on ne peut pas rester.

Oh non...

-Et on a qu'une solution, ajoute Rose.

-Vous allez devoir partir plus tôt ? je murmure.

Confirmant ma crainte, elle hoche la tête.

Je crois que mes yeux sont en train de briller.

-Ah non, s'énerve Clara, je sais que t'es une faible, mais s'il te plaît, ne fais pas ta boloss.

-Je ne pleure pas, je me défends.

-Bien sûr, se moque Mélissa.

-Mais non, et puis je contrôle pas mes émotions.

Je souffle et tente de sourire :

-J'ai pas envie que vous partiez.

-Ooooh, fait Rose en partant me serrer dans ses bras.

Je m'empresse d'essuyer mes yeux avant qu'une seule larme ne coule. Je n'ai vraiment pas envie qu'elle parte, la vie sans elles, ce n'est pas pareil. Je savais qu'il fallait qu'elles rentrent un jour en France, mais je n'étais pas prête à ce que ça soit bientôt...

-Vous partez quand du coup ?

-Je vais essayer d'avoir des billets d'avions pour samedi prochain, répond Clara.

-Par contre, lance Rose, va falloir te grouiller de savoir si tu restes ici et que tu acceptes le boulot à la SM ou pas, hein.

-Oui oui...

-Oh et puis merde, accepte ! je l'encourage.

-Faut encore que je réfléchisse.

Elle sourit.

-Bon, je déclare, je vais rester avec vous aujourd'hui, si ça ne vous dérange pas. Pour profiter un maximum.

-Si ça nous dérange, soupire Mélissa.

-Oh, Mélissa, c'est méchant ! rigole Naomie.

-Non mais putain, je me suis fais chier à apprendre une langue de merde pour rien, parce qu'au final on part plus tôt ! J'en ai marre, moi !

J'éclate de rire.

Oh que oui, elles vont me manquer, ces petites putes.

PDV Océane

-OK, j'arrive dans cinq minutes, bisous, je conclus en raccrochant.

Léna vient de m'annoncer au téléphone le problème de logement des filles et tout ce qui va avec, soit leur départ dans une semaine. Je soupire. J'ai l'impression qu'absolument rien ne va, que tout nous retombe dessus. Que tout me retombe dessus. Enfin.

Je n'arrête pas de penser à Hoseok. Depuis notre dispute. Depuis mon baiser avec Jooheon, en fait, mais encore plus depuis qu'on s'est disputé. Je n'ai pas arrêté de songer à tout ça, me demandant si j'avais dit quelque chose de mal, si j'avais fait quelque chose qu'il ne fallait pas ou s'il était le seul fautif. Ou si nous étions tous les deux autant fautifs. J'ai tout de même l'impression que c'est de ma faute, alors que c'est lui qui m'a blessé. Sa colère ne m'a pas surprise, ce n'est pas ça qui m'a fait mal. Après tout, peut-être que la colère fait aussi perdre la tête... Ce sont ces mots qui m'ont fait le coup d'un poignard. Il a dit d'une certaine manière que j'étais une pute. Alors... Que je n'avais rien fait, techniquement. Mais comme toujours, c'est la fille qui prend. Je n'ai embrassé personne. On m'a embrassé. Je n'ai jamais souhaité qu'on m'embrasse. Ce n'est pas ça une pute, à ce que je sache. Alors quand il m'a fait comprendre que... Bref.

Après... Si j'avais repoussé Jooheon, rien de tout ça ne serait arrivé. Il ne m'aurait jamais vu tout ça. Il ne m'aurait pas détesté pendant tout le week-end, croyant une fausse réalité.

Au final, on s'est blessé tous les deux mutuellement.

J'arrive enfin à l'appartement. J'ouvre la porte et la première chose que je remarque est la porte de ma chambre ouverte. Par réflexe, je n'oublie jamais de la fermer. Vous croirez peut-être que je suis maniaque, mais c'est une habitude que j'ai pris, depuis que je suis adolescente. Je fermais la porte de ma chambre à chaque fois, et à clé – bon, là je ne le fais pas – pour éviter que mes petits frères et sœurs rentrent. J'en conclus donc que quelqu'un est dans ma chambre, probablement Léna.

Seulement, ma colocataire vient à ma rencontre à peine je pense ça. Et elle, justement, elle referme ma porte à chaque fois qu'elle sort de ma chambre.

Elle se mord la lèvre. Je comprends alors qui est l'intrus dans ma chambre, et j'espère de tout cœur me tromper, parce que je ne suis pas prête à ça actuellement.

-Il est là ? je demande.

Elle hésite, puis hoche la tête. Super.

-Il est arrivé il y a deux minutes, avant que tu arrives, explique-t-elle.

-Hum...

-Je suis désolée, si tu ne voulais pas lui parler, je ne savais pas trop si...

-Non non, c'est bon, je la coupe, ne t'inquiète pas.

Je m'avance vers ma chambre doucement et m'arrête devant la porte entrouverte. Je fixe la poignée, songeuse. Je ne veux pas le voir. Ou plutôt, j'ai peur de le voir. Je prends une inspiration et ouvre la porte. Hoseok tourne la tête vers moi, mais je détourne le regard pour éviter de croiser le sien. L'ignorant totalement, je pose mes affaires sur mon bureau, le dos tourné vers le jeune homme. Mes mains sont moites, tremblantes. Je ne sais pas ce que je dois faire. Si je dois dire quelque chose, ou attendre. J'appréhende cette discussion. J'appréhende tellement.

-Océane.

Je retiens ma respiration. Je m'arrête de bouger, sans me tourner vers lui.

-Je suis vraiment désolé.

Je me mords la lèvre. Ne pleure pas, Océane, pas maintenant. Pas encore.

-Je... commence-t-il. Je ne me suis pas une seule seconde demandé pourquoi vous vous étiez embrassé. J'ai imaginé des choses horribles, sans me poser de questions, alors qu'on parlait de toi. Tu... Tu es trop... Bref, jamais tu ne serais capable de faire ce font celles que je t'ai accusé d'être. Je... J'ai été con, vraiment con, et je n'aurais jamais dû te dire tant de merdes. J'aurais dû t'écouter avant de m'emporter et comprendre ce que tu as ressenti durant les deux derniers jours. Je suis désolé, Océane, désolé d'avoir été un putain d'idiot, désolé d'avoir réagi au quart de tour, désolé pour tout. Tu ne sais pas à quel point je m'en veux, tu ne peux même pas te douter.

Je n'entends plus que sa voix, et mon cœur qui bat très fort. Les larmes me montent progressivement aux yeux. Je relève la tête et agrippe mon bureau, comme si j'allais tomber. Tout à l'heure, j'ai dit qu'on s'était blessé mutuellement. Me voir mal le blesse encore plus. Et réciproquement... J'ai envie de le serrer dans mes bras. Lui dire que ce n'est rien. Parce que le voir si abattu me brise encore plus le cœur. Et parce que je l'aime.

-Je t'aime trop pour te faire du mal... ajoute-t-il plus bas.

-Tais-toi, je murmure d'une voix étranglée en me tournant vers lui.

Sachant que j'allais exploser, je me réfugie dans ses bras et commence à pleurer en silence. Hoseok est d'abord surpris, puis il me sert contre lui et ce contact me fait un bien à fond. Je me sens d'un coup mieux, comme s'il me suffisait de retrouver cette proximité avec lui pour me guérir de mon chagrin. Entre deux sanglots, j'arrive à lui murmurer « Je suis désolée » et il caresse mes cheveux en levant un sourcil :

-Pourquoi tu es désolée ?

-Je ne sais pas... Pour tout... Quand Jooheon m'a embrassé, j'ai eu peur que justement, on se dispute comme ça... Je m'en voulais de ne pas avoir réussi à le repousser, à lui dire non... Tu ne peux pas savoir comment pendant une semaine, je me suis sentie seule, brisée... Tu ne sais pas à quel point je t'aime, et que... Putain, tu ne sais rien de ce que je ressens pour toi, Hoseok... Tu...

Il ne me laisse pas finir et m'embrasse en prenant mon visage entre ses mains. Je ferme les yeux et je me sens pousser des ailes. J'entoure sa nuque avec mes bras et nous reculons vers le mur, sans ouvrir un instant les yeux. Je caresses son visage, lui me décoiffe. J'entends Léna fermer la porte, sentant ce que nous allions peut-être faire. Hoseok déboutonne légèrement sa chemise et je me blottis contre son torse. Il relève mon menton et me sourit :

-Je t'aime.

Je frissonne et sourit à mon tour :

-Je t'aime aussi.

Et je vous laisse imaginer la suite.

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