Chapitre 44


PDV Jooheon

Je ferme les yeux, non par passion, mais seulement pour ne pas voir et réaliser ce que je suis en train de faire. Mon cœur bat à cent à l'heure, pas par amour, mais par angoisse. Océane ne me repousse pas, choquée, tremblante. Je m'apprête à prendre ses mains, à la plaquer au mur et passer à l'étape supérieur, comme prévu, mais quelque chose me bloque. Je ne fais rien, je me contente de l'embrasser, sans réelle envie, comme une obligation. Je suis même dégoûté de ce baiser, dégoûté de moi-même. Oui, c'est le mot : dégoûté. Alors que pendant des années, je n'ai fait que ça, sans aucun problème. Même avec l'amie d'une des joueuses, justement dans l'optique du jeu.

Seulement, et je m'en rends réellement compte maintenant, ce n'est plus pareil. Quelque chose à changer, et cette chose, je l'ai trop prise à la légère.

Je me recule aussi violemment que je me suis rapprochée d'Océane et prends ma tête entre mes mains :

-Mais quel con, pourquoi je fais ça...

-Qu'est-ce que, murmure Océane en se collant au mur derrière elle.

Pourquoi ai-je cru que faire l'amour avec l'une des meilleures amies de Léna me ferait gagner le jeu ? Enfin, faire l'amour, je ne serais peut-être pas aller jusque là, je ne sais pas. Mais comment ai-je pu croire qu'effectivement, ça serait si facile ? Qu'il me suffisait de faire ça, d'attendre qu'Océane l'annonce à Léna et qu'elle me dise sa réaction, en espérant évidemment qu'elle soit jalouse ? Pourquoi ai-je choisi Océane comme joker d'ailleurs, alors qu'elle sort avec Hoseok ? Mais pourquoi...

-PUTAIN ! je hurle en tournant le dos à la jeune fille et donnant un coup de pied dans le vide. QUEL CON JE SUIS !

-Tu aurais pu me dire que je te servais de joker, dit calmement Océane, ayant apparemment retrouver ses esprits.

-JE... OH ET PUIS MERDE !

Je pousse un cri et me laisse glisser contre le mur. Elle me rend folle, et à cause d'elle, le jeu commence à me rendre fou. Je fais de plus en plus de conneries. Je viens encore d'en faire une, en pensant bien faire. J'ai encore fait le mauvais choix.

-Tu pourrais m'expliquer au lieu de t'insulter et m'ignorer ? s'énerve Océane. Tu m'envoie un message, je ne sais même pas comment tu as eu mon numéro, mais bref, tu me dis de venir ici pour parler de Léna, j'arrive, tu m'embrasses sans prévenir et après tu...

-Pas la peine de me rappeler ce qu'il vient de se passer, je marmonne.

-MAIS MERDE, EXPLIQUE-MOI !

Je tourne la tête vers elle. Elle se sent mal. Ça se voit.

-Je vais dire quoi à Hoseok, moi ? Et à Léna ? Tu pensais vraiment que Léna ne dirait rien et qu'elle prendrait ça comme une manche dans votre jeu ? Elle va te détester, Jooheon et...

-JE SAIS, C'EST BON ! Il n'y a rien à expliquer, à part que je voulais juste quelque chose de bien, pour une fois, et finir ce jeu avant que ça ne dégénère. Et oui, je sais qu'elle va me détester, elle m'avait déjà prévenu, elle m'a interdit de faire ça, et évidemment, je fais le contraire en pensant faire ce qui est le mieux.

Je marque une pause et ravale ma salive :

-Je crois qu'elle m'a changé.

-T'es en train de dire que tu l'aimes ?

-Non, je mens. Je dis qu'elle...

Je me tais, ne finissant pas ma phrase, puis je passe à autre chose :

-Je suis désolé, je n'aurais jamais dû faire ça, je...

-J'ai l'impression de l'avoir trompé, me coupe-t-elle.

-Tu n'as rien fait.

-Je ne t'ai pas repoussé. J'ai accepté que tu m'embrasses. Je n'ai rien fait pour mettre fin à ce baiser.

Des larmes coulent sur ses joues. Elle les sèchent, puis s'en va sans mot. Je l'appelle :

-Océane, s'il te plaît, ne dis rien à Léna. Je t'en prie.

Elle s'arrête, me fixe :

-Je croyais que tu voulais seulement gagner le jeu.

-C'est compliqué.

Elle me regarde en silence :

-Ne te sers plus jamais de moi en joker, pour ce genre de chose. Je ne veux pas.

Elle s'en va, me laissant seul dans la ruelle. Je crois voir une ombre la regarder, la suivre du regard, mais je n'arrive pas à voir de qui il s'agit.

Ma priorité n'est plus de gagner le jeu, parce que je sais désormais que je vais le perdre. Jamais je ne pourrais le continuer définitivement.

Mais je veux essayer d'avoir au moins une chance avec elle. Une seule. Et si elle ne m'en laisse pas, ce sera ma faute, entièrement ma faute.

Parce que de toute façon, depuis que cette nouvelle partie à commencer, je ne fais que de la merde.


PDV Anna

Minhyuk me regarde avec des grands yeux, ne comprenant pas ce que je viens de dire. Il me demande de répéter.

-Je dois rentrer en France demain.

Je me mords la lèvre. J'aurais tellement aimé rester, tellement. Ou du moins, rester le plus longtemps possible. Profiter de Séoul, de mes amies. Et puis... Oui, profiter le plus possible avec Minhyuk. Parce que ça ne s'est pas vu, mais j'ai développé des choses pour lui, même s'il a légèrement forcé les choses – pas autant que Jooheon avec Léna. Je me sens bien avec lui, plus avec lui qu'avec n'importe qui. Je me sens bien, quand je suis près de lui. Tellement bien. Je me sens en sécurité, sereine, heureuse. Mais voilà, c'est sûrement la dernière fois aujourd'hui que je le verrais.

La dernière fois.

-Mais, tu ne devais pas rentrer dans... commence-t-il.

-Je ne rentre pas avec les filles.

-Alors... Pourquoi ?

Je prends une inspiration :

-Mon frère est tombé malade quelques mois avant que je ne parte. Mais... Pas une maladie, du genre un rhume. Une maladie grave. Et...

Je n'arrive pas à dire ce mot. Ce mot qui me fait tant mal, rien que d'y penser. Mortel.

-J'ai compris, me rassure-t-il.

-La dernière fois, ma mère m'a appelé et... Elle m'a dit que ça s'était empiré.

Je sens une énorme boule dans ma gorge, je serre les poings pour retenir le maximum de larmes :

-Je suis très proche de lui. Vraiment proche. Et... Je ne peux pas rester aussi loin alors que, d'une heure à l'autre, il peut partir. Je veux être près de lui, je veux pouvoir lui dire au revoir le moment venu, en espérant qu'il n'arrive jamais, je veux pouvoir l'aider à se battre. Je dois être là bas, c'est mon rôle de grande sœur d'être auprès de lui. C'est...

C'en est trop, j'explose à nouveau. Je sens les deux bras de Minhyuk m'entourer, la chaleur de son corps me réconforte. Je me sens mieux, dans ses bras. J'enfouis mon visage dans ses vêtements et pleure, sans pouvoir m'arrêter. Il essaye de me consoler, le regard vide, aussi triste que moi de partir. Parce que mes larmes sont partagée entre mon départ et mon frère. Je pleure, parce que je ne veux pas partir, et je pleure, parce que j'ai peur pour mon frère, et j'ai peur de le revoir, et tant d'autres choses. Lui arrive à mieux se maîtriser que moi, mais je vois une ou deux larmes couler sur ses joues. Il prend pourtant sur lui, je ne sais dans quel objectif.

-Je comprends, me murmure-t-il. Je comprends...

-Je suis désolée... je sanglote. J'aurais voulu rester plus longtemps...

-Ce n'est pas grave, tu dois retourner là bas, tu...

-Avec toi...

Il s'arrête et baisse son regard vers moi. Il se mord la lèvre, et je bafouille :

-Je crois que je t'aime, Minhyuk.

Il met du temps à réaliser ce que je viens de lui dire, ce que je lui cache depuis tout ce temps. La question que je me pose depuis un moment, avant que mes pensées ne soient occuper par autre chose. Et maintenant que je prononce ces mots, ils ont un sens pour moi. Ils semblent si vrai. Oui, je crois l'aimer. Mais je n'en suis pas sûre, parce que nous ne nous connaissons pas depuis si longtemps. Mais les papillons dans le ventre, la sensation de bien-être, la petite voix qui ne pense qu'à lui, tous ces petits détails, me semblent être des aspects de l'amour. Je ne suis jamais tomber amoureuse jusqu'à maintenant, je me base sur des choses que j'ai lues, entendues. Alors oui, je crois l'aimer. Et quelques jours de plus seraient passé, j'aurais enlevé le je crois. J'en aurais été certaine.

J'ose finalement croiser ses yeux de plus en plus brillants, et Minhyuk me sourit doucement, puis caresse mes cheveux.

-Ne dis pas ça maintenant, lâche-t-il d'une voix brisée.

Il me serre plus fort contre lui et se met à pleurer avec moi. Comme si c'était la goutte de trop, celle qui fait déborder le vase. Il me murmure alors à l'oreille :

-Je crois aussi que je t'aime, Anna.

Alors, malgré que notre couple ne soit pas certain, il prends mes mains et délicatement, m'embrasse. Il m'offre mon premier baiser. Nous fermons les yeux et pendant quelques secondes, nous restons dans le silence, profitant de ce premier, unique et dernier baiser, noyé dans nos larmes salées. Et ce baiser, il confirme nos doutes, les efface et nous prouve une seule chose. On s'aime. Pendant un instant, on s'est réellement aimé.

Il se décale tout aussi doucement, mais ne lâche pas ma main. Je le sens trembler. Je sèche une nouvelle fois mes larmes.

-Tu pars à quelle heure, demain ?

-Tôt. Léna va m'accompagner. Je... Je préfère que tu ne viennes pas, ça sera déjà assez dur pour moi.

-Je comprends.

Il serre ma main, comme s'il voulait me retenir. Puis il essuie à son tour ses pleurs :

-Tu vas me manquer. Énormément.

-Toi aussi...

Je jette un coup d'œil dehors :

-Je vais devoir y aller...

Mais je ne bouge pas. Je reste là, tenant la main de Minhyuk, dans la voiture, entouré du silence. Je finis par ouvrir la portière et je sens le jeune homme me retenir. Je me retourne et il tente de me sourire tant bien que mal :

-Tu ne te rends pas compte à quel point tu vas me manquer, Anna.

Je lui rends son sourire :

-Toi non plus.

Et finalement, il relâche ma main et je sors de la voiture pour retourner dans la maison, le cœur lourd.


PDV Léna

Lorsque Anna pénètre dans la maison, Rose lui saute dessus et la serre dans ses bras. Tout le monde va la voir, pour la rassurer, la consoler, lui dire qu'on comprend toutes. Évidemment, nous sommes toutes tristes, mais nous n'y pouvons rien. A la place d'Anna, j'aurais sûrement agi pareil. Mais je ne suis pas à sa place, et je ne peux qu'être là pour la soutenir, comme une amie devrait le faire.

Océane m'a appelé pour me dire qu'elle rentrait à l'appartement parce qu'elle était crevée. J'en ai profité pour lui expliquer la situation d'Anna et préciser que demain est la dernière soirée avec elle. Elle a donc changé son programme et nous a rejoint. Lorsqu'elle a vu Anna, elle a eu exactement la même réaction que Rose, c'est-à-dire lui sauter dessus. Elle lui a dit des choses qui a refait pleurer Anna, et elle-même a laissé échapper une larme. Bizarrement, elle n'osait pas trop me regarder en face, elle semblait cacher quelque chose. Je ne sais pas. Je dois me tromper. Océane a généralement été toujours sincère, franche... Je ne sais pas.

On a profité de cette dernière soirée avec Anna devant la télévision, à manger des cochonneries encore et encore. Évidemment, moi et Océane avons décidé de dormir avec les filles pour ce soir, ce qui nous a permis de nous coucher tard.

Ce fut l'une des meilleures et des plus tristes soirées de toute ma vie.


PDV Océane

Anna est partie ce matin. Léna et Clara – pour éviter qu'elles prennent le métro – y sont allées avec elle et le départ de la maison a été difficile pour tout le monde. Je pense qu'elle a cru que moi et Rose ne la lâcheront jamais. Dans d'autres condition, ça aurait été le cas pour moi.

J'ai décidé de ne pas retourner à l'appartement aujourd'hui. Léna va y aller pour terminer son projet et faire d'autres choses pour ses cours. Moi... Eh bien, j'ai besoin de temps. Pour réaliser ce qu'il s'est passé hier soir. J'ai l'impression que c'est un cauchemar, et pourtant, c'est la vérité. Le problème n'est pas de le cacher à Léna, non pas que lui mentir ne me dérange pas – parce que comme Jooheon me l'a demandé, je ne lui dirais rien –, bien au contraire, je suis d'ordinaire franche avec elle et les autres. Mais je sais qu'elle est parfaitement capable de comprendre que je n'étais qu'un joker si par hasard elle l'apprend, que tout est encore une fois de la faute à Jooheon – il était d'ailleurs étrange hier soir, vraiment – et que je n'y suis pour rien, enfin, je l'espère. Non, Léna n'est pas le plus gros problème.

Le vrai problème, c'est Hoseok.

Je ne sais pas si je dois lui en parler ou pas. Je me sens mal, si mal. Je n'ai rien fait pourtant. C'est ça le problème : je n'ai absolument rien fait. Je n'ai rien pu faire. Je ne sais pas comment l'expliquer... Je ne pouvais plus bouger, et je ne l'ai pas repoussé, je ne lui ai pas dit d'arrêter, comme si j'étais consentante, alors que non, évidemment. Je me sens coupable, fautive. Dans tous les cas, il serait normal d'en parler à Hoseok. Dans un couple, on se dit tout, on est sincère entre nous. Mais j'ai peur de sa réaction. Je pense qu'il sera compréhensif, mais... Je ne le sens pas. J'ai peur. Je ne sais pas. Je devrais en parler à quelqu'un avant, demander conseil. Je suis dans une impasse, dans une situation si délicate que tous mes choix auront un impact. Je dois trouver le bon chemin pour me sortir de là, cet endroit où Jooheon m'a emmené sans me demander mon accord. Je dois me sortir de cette merde.

Comme Yoongi ou Léna en avait peur, je suis involontairement entrée dans le jeu, ce jeu qui me semblait jusqu'à maintenant un simple jeu, sans réel sérieux. Je pensais ça, parce que je n'y étais pas impliquée directement.

Mais aujourd'hui, c'est la première fois que le jeu a un tout autre sens pour moi.

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