Chapitre 7
« TOUT LE MONDE DEBOUT! »
Je me réveille en sursaut. Madame Fersteg se tient devant la porte et n'a pas l'air de bonne humeur. Sans plus tarder, je fais ma toilette et me dirige ensuite vers la salle à manger. Rien de particulier ne survient durant le petit-déjeuner et dès que celui-ci est terminé, je me mets en rang, comme toutes les autres filles, devant notre directrice. Celle-ci ne perd pas de temps et nous explique l'horaire de la journée:
«Faites des groupes de trois personnes. Chaque groupe aura sa propre infirmière assignée qui transmettra les connaissances nécessaires à votre nouveau statut. Allez, dépêchez-vous!»
Je ne connais personne ici. La Voisine s'approche tranquillement de moi et, sans dire un seul mot, se tient à mes côtés. On dirait que j'ai maintenant une nouvelle partenaire d'apprentissage. Je cherche du regard une potentielle coéquipière et la tâche s'annonce plus ardue que prévu. Finalement, je suis en mesure d'apercevoir une fille de mon âge qui m'a l'air plutôt gênée et qui se tient un peu à l'écart des autres. J'essaie de me créer un chemin à travers la marée humaine qui se dresse devant moi et réussis à m'approcher d'elle:
«Est-ce que tu te cherches, par hasard, une équipe?
-Oui...
-Alors bienvenue dans le groupe!»
Je n'attends pas qu'elle me détaille sa réponse et la prends par le bras afin qu'elle me suive. Une fois que notre groupe est réuni, nous allons voir Madame Fersteg et celle-ci nous affecte une infirmière, Mademoiselle Cytel. Alors qu'elle nous indique le chemin à suivre, je me rends compte que je ne connais même pas le nom de ma nouvelle coéquipière:
«Je suis Sedna! Et toi?
-Daëlle. Je viens de Grestel.
-Grestel? Pourquoi vous ont-ils envoyées ici alors que c'est de l'autre côté du territoire?
-Je ne suis pas sûre, mais je crois que les hôpitaux environnants étaient déjà pleins à craquer.»
Je n'ai pas le temps de lui poser d'autres questions parce que Mademoiselle Cytel vient soudainement s'interposer. Sans dire un seul autre mot, nous la suivons presque aveuglément dans l'immense labyrinthe qu'est l'hôpital. Sans plus attendre, nous entrons dans la pièce située juste en face de nous. L'infirmière ne perd pas une seule minute et se place à côté d'une table recouverte d'instruments médicaux et de divers pansements:
«Aujourd'hui se veut être une journée importante; vous devrez vous familiariser avec tout ce qui se trouve sur cette table avant de pouvoir poursuivre votre formation. Cette bande de gaze, par exemple, peut servir à nettoyer des plaies, faire des compresses et des pansements...»
Il n'en faut pas plus pour que je me mette à rêvasser. Je suis toujours en mesure d'entendre les paroles qu'elle prononce, mais elles deviennent un flot incohérent de mots, incapables de former des images précises dans ma tête. J'ai l'impression d'être une fois de plus à l'école sauf que, cette fois-ci, au lieu d'essayer de comprendre ce que sont les mathématiques, j'apprends à sauver des vies. Ce n'est que lorsque Daëlle me donne un coup de coude que je reviens à moi et que je recommence à porter attention à ce qui se déroule sous mes yeux. Les explications théoriques sont déjà terminées et il est maintenant temps pour chacune d'entre nous d'essayer d'enrouler une bande de gaze sur le bras de la personne d'à côté. Malheureusement, Mademoiselle Cytel a choisi Daëlle en tant qu'exemple et il ne reste plus que La Voisine comme partenaire. Celle-ci me prend le bras et commence rapidement à utiliser le matériel qui nous a été donné. C'est maintenant le moment ou jamais de tenter d'établir un contact avec elle:
«Est-ce que tu vas finalement me dire quel est ton nom?
-...
-Si tu veux que j'arrête de t'appeler "La Voisine", il va falloir que je le sache un jour.
-Thalia.
-Et bien voilà! Ce n'était pas si compliqué que ça.»
Je suis maintenant en mesure de mettre un nom au visage de cette fille. Je peux maintenant mourir en paix. Assez plaisanté. Je n'ai même pas porté attention à ce que faisait Thalia et c'est maintenant à mon tour de faire l'exercice. Je regrette un peu de ne pas avoir écouté l'infirmière, car je ne sais pas du tout comment procéder. J'essaie de jeter un coup d'oeil à Daëlle, qui se situe près de moi. Je crois qu'elle aussi a de la difficulté à enrouler correctement la bande de gaze. Au bout de plusieurs minutes, je réussis néanmoins à obtenir un résultat plus ou moins satisfaisant et je me dis que j'ai fait assez d'efforts pour la journée.
Le retour au dortoir s'avère être pénible. Le souper s'est déroulé sans incident et me voici donc sur mon lit en train de lire. Je suis si ennuyée que je décide d'aller tout de suite me brosser les dents avant d'aller me coucher. Une fois devant le miroir, je me rends compte que je commence déjà à apercevoir mes racines de cheveux qui commencent à devenir blanches. Je sais très bien que j'aurais dû vérifier avant de partir que mes cheveux n'avaient pas besoin d'être teints, mais j'ai oublié. On dirait que je vais finalement avoir d'autres plans pour occuper ma soirée.
Je fouille dans ma valise et réussis à trouver ce que je cherche. Une boîte en bois cadenassée. Je ne perds pas de temps et prends tout ce dont j'ai besoin pour faire des retouches à mes cheveux. Il n'y a qu'un seul et unique problème; la plupart des salles de bain dans l'hôpital sont publiques et je ne peux pas prendre le risque que quelqu'un m'aperçoive en train de cacher mes cheveux blancs. Avoir quelques cheveux blancs ne soulèverait pas de questions, sauf que cela n'est pas mon cas. Je pourrais, bien sûr, m'inventer une maladie, mais j'aurais peur que des médecins veuillent faire des tests sur moi. Ils se rendraient compte de mon bluff et c'est à ce moment-là que j'aurais de sérieux problèmes.
C'est ainsi que je commence à me promener une fois de plus dans les couloirs afin de trouver une salle de bain privée. Je crois qu'il y en avait une lors de ma précédente exploration des couloirs. Je marche en direction des chambres des blessés jusqu'à l'endroit en question. Je dois me dépêcher parce qu'il faut que je revienne avant le couvre-feu. Une fois là-bas, je protège mes vêtements, applique rapidement la teinture et attends que celle-ci fasse effet. Je n'ai ensuite pas le choix de me rincer les cheveux dans l'évier et d'enlever l'excès avec du papier à mains. Lorsque ceci est chose faite, je cache mes accessoires dans mes vêtements et entame le retour vers mon lit.
Alors que je me promène discrètement dans les couloirs, j'entends encore des râlements. Cette fois-ci, cela est plus fort que moi et je tente d'aller voir la source du bruit. Je vois qu'il y a une vitre au sommet de la porte et qu'il m'est impossible d'y avoir accès. Je me résigne donc à tendre l'oreille et j'entends une femme parler à voix basse:
«Tu devrais prendre tous tes médicaments. Si tu veux un jour sortir de cet enfer, il va falloir que tu sois plus obéissant.»
Des bruits de pas résonnent. Je n'ose pas rester un moment de plus à côté de la porte et je m'enfuis rapidement de cet endroit. Ce n'est qu'au moment où j'aperçois le dortoir que je sais que je suis sauve. Plusieurs questions se forment dans ma tête et j'essaie de ne pas y penser. Il est préférable que je réserve ces interrogations pour plus tard, car il y a des choses plus pressantes à gérer.
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