Chapitre 19
Bien chers parents,
Je suis désolée de ne pas vous avoir écrit plus souvent. Depuis que je suis partie de Sipars, j'ai réalisé à quel point j'ai sous-estimé l'importance de votre présence dans ma vie. En m'éloignant de la maison, j'ai eu l'occasion d'observer le monde autour de moi et de constater que l'avenir ne s'annonce pas prometteur, du moins pour un temps rapproché. Cependant, c'est au milieu de tout ce chaos que j'ai pu rencontrer de formidables personnes. Ne vous inquiétez pas, je suis heureuse et j'aime le travail qui m'a été assigné.
Mon secret est toujours bien gardé.
Prenez soin de vous.
Sedna
C'est la toute première lettre que j'écris à Ygrid et à Gafael depuis que j'ai quitté la maison. Être éloignée d'eux me fait réaliser à quel point j'ai été injuste à leur égard. Même si je ne suis pas leur fille biologique, ils méritent tout de même le nom de « parents ». Je me sens un peu coupable; j'aurais pu leur écrire un court message durant mon séjour à Vertis. Qu'est-ce qui m'a empêché de le faire? Rien du tout. J'ai reçu plusieurs lettres d'eux, mais je n'ai jamais répondu. Je relis ma lettre une dernière fois afin de m'assurer que tout est en ordre.
« Un secret, quel secret? »
Je me retourne et constate que Sibarae se tient derrière moi. Je croyais être seule dans la tente. On dirait bien que je ne l'ai pas entendue arriver.
« Oh, ce n'est rien d'extraordinaire.
- Si ce n'est pas important, tu pourrais au moins me dire ce que c'est.
- Et bien...
- Quoi?
- Je suis atteinte d'une maladie incurable!
- Sedna, je te connais depuis que nous sommes des enfants. Je crois que je saurais très bien si tu n'étais pas en santé. Si tu n'as rien de mieux à faire que de me mentir, tu n'as qu'à le dire au lieu d'essayer de trouver des excuses. »
Sibarae sort rapidement de la tente. Je me rassieds sur ma chaise et me cogne la tête contre la table. Je n'ai jamais été une bonne menteuse. Mais à quoi est-ce que je pensais? Étant donné que j'ai été prise au dépourvu, je n'ai pas pu trouver un meilleur mensonge. Mon amie peut parfois être très rancunière; j'espère qu'elle me pardonnera rapidement cette fois-ci.
J'entends quelqu'un siffler près de ma tente. C'est probablement le signal d'un rassemblement. Je ne suis pas un soldat et je n'ai donc pas à m'en préoccuper. Toutefois, je décide moi aussi de sortir afin d'aller voir l'infirmière en chef.
À mon arrivée à l'hôpital, je n'ai aucune difficulté à trouver Madame Tuffan; les infirmières se rassemblent autour d'elle et cette dernière donne continuellement des ordres. Pour avoir plus de renseignements concernant mes futures tâches, je fais comme les autres et je m'approche d'elle:
« Bonjour, Madame. Je suis l'infirmière Lestar.
- Bonjour. Vous venez tout juste d'arriver de Vertis, n'est-ce pas?
- Oui, c'est bien cela.
- Étant donné que vous n'avez pas encore d'ancienneté ici, je n'ai pas d'autre choix que de vous assigner aux tentes extérieures. Des questions?
- Non, Madame.
- Dans ce cas, vous pouvez y aller tout de suite.
- À vos ordres, Madame. »
J'arrive aux tentes en un temps record. Je suis soulagée à l'idée que Sibarae ne soit pas là. J'ai encore des remords par rapport à notre précédente conversation et je ne sais pas à quoi va ressembler celle qui se tiendra ce soir dans notre tente.
Ce qui se déroule devant mes yeux ne correspond pas du tout à la description faite par Madame Tuffan des tentes pour les blessés; je m'attendais à rencontrer des soldats avec des blessures mineures et, au lieu de cela, j'aperçois des soldats qui viennent tout juste de se faire amputer un bras, une jambe ou même plus d'un membre. Certains gémissent, d'autres sont inconscients. Il est impossible que je sois au bon endroit. Je suis perturbée et me dirige vers l'infirmière la plus proche:
« Bonjour, je croyais que c'était ici la section réservée aux blessures mineures...
- D'où tiens-tu cette information?
- De Madame Tuffan en personne. »
Elle commence à rire.
« Pauvre enfant, c'est ce qu'elle dit à toutes les nouvelles infirmières afin de ne pas les effrayer. Où te crois-tu? Nous sommes en première ligne. C'est l'un des endroits les plus dangereux de tout le territoire. »
Elle se retourne et part soigner d'autres blessés. On dirait bien que je vais me débrouiller par moi-même. Sibarae avait raison: ici, c'est chacun pour soi.
Je n'ai d'autre choix que de me diriger vers le blessé le plus proche. Je n'ai pas une liste de patients comme à Vertis. Je croyais que mon ancien hôpital était désorganisé, mais je m'aperçois que ce n'était rien en comparaison avec mon nouveau lieu de travail. Des soldats reviennent au camp à n'importe quel moment de la journée, ce qui fait en sorte qu'il est difficile de connaître de manière exacte le nombre de personnes ayant besoin de soins.
Ce n'est que lorsqu'une infirmière m'annonce qu'il est temps que j'aille me reposer que je réalise que ma première journée de travail est terminée. Je n'ai pas besoin qu'on me le dise une seconde fois; je quitte la tente et me dirige vers la mienne, qui est plus petite.
Lors de mon arrivée dans la tente, j'aperçois Sibarae qui est assise au pied de son lit. Son visage fâché me signale qu'elle n'a pas du tout oublié notre conversation de ce matin. Je ne sais pas ce que je dois faire... Je n'ai pas l'habitude d'être dans ce genre de situation. Lui parler? Mauvaise idée. Elle va me poser de nouvelles questions. L'ignorer? Elle est tout de même mon amie. Je finis par choisir la première option :
« Salut... »
Commencer une conversation n'a jamais été l'un de mes points forts.
« Es-tu encore fâchée à cause de la lettre? »
Je suis très perspicace aujourd'hui.
« Tu pourrais parler, tu sais...
- Oui, j'ai très bien compris ce que tu viens de dire! »
Le semblant de bonne humeur qu'elle avait vient tout juste de disparaître.
« Le problème est que je suis ton amie et que tu ne me fais même pas confiance! Tu as autour de toi des gens qui t'aiment et l'on dirait que tu ne fais pas attention à eux. C'était exactement ce qui se passait lorsque nous étions à la maison. Je suis restée silencieuse pendant tout ce temps, mais maintenant j'en ai assez!
- Sibarae, tu ne peux pas compr...
- Il n'y a rien de difficile à comprendre. Tu as toujours été ma confidente. C'est à ton tour de t'ouvrir aux autres. »
J'arrête de la regarder pendant un bref moment et je pense à ce qui s'offre devant moi. Est-ce que je devrais le faire ou non?
« Si tu es prête à te lever très tôt demain matin, je t'amènerai dans la forêt pour te montrer quelque chose. »
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Je suis enfin de retour de mes vacances! Je suis désolée pour l'attente. Je n'avais pas accès à Internet la plupart du temps...
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