Chapitre 15
Les bombardements sont terminés. J'ai peine à y croire. Les gens enfermés dans le sous-sol sont encore en état de stupéfaction. Nous n'osons pas sortir de cet endroit parce que nous craignons que cela ne soit qu'une pause et que tout recommence d'une minute à une autre. L'hôpital n'a pas été touché, ce qui indique que tous les blessés sont sains et saufs. Cela signifie aussi que Féliks n'est pas en danger. J'ai hâte de le retrouver et de prendre de ses nouvelles. Je ne comprends toujours pas pourquoi il n'a pas réussi à venir s'abriter avec la majorité des habitants de l'hôpital dans le sous-sol.
Nous patientons encore un peu. Cinq minutes, dix minutes, vingt minutes... Le silence règne et tout semble calme. Certaines personnes pensent déjà à remonter au rez-de-chaussée et à renvoyer les malades dans les chambres. De mon côté, je suis hésitante quant à sortir du sous-sol. Tout peut arriver dans cette ville et je ne tiens pas à risquer ma vie parce que je ne suis pas assez patiente pour vérifier si je suis en sécurité.
Suis-je douée pour faire des prémonitions? Trente minutes après la dernière bombe jetée au sol, les explosions retentissent de nouveau. Les personnes qui sortaient par la porte principale reviennent rapidement se mettre à l'abri. Je me blottis contre une poutre et me ferme les yeux. De la poussière me tombe sur les cheveux à la moindre vibration du sol. Je voudrais croire que je ne suis qu'en train de rêver, mais les gémissements et pleurs des gens autour de moi m'empêchent d'échapper à cette réalité. L'homme qui chantait auparavant a décidé de se taire et regarde fixement le sol. Comment peut-on croire en un monde meilleur si de telles choses se produisent? Même si l'hôpital n'est pas touché, je sais très bien qu'en sortant de celui-ci je ne croiserai que de la mort et de la dévastation.
Les bombardements cessent. Plus personne ne souhaite quitter l'abri de peur qu'il y ait une nouvelle série d'explosions. De l'incertitude. Voilà ce que nous ressentons. Un jeune enfant, qui ne comprend rien à la situation, demande des explications:
« Maman, pourquoi est-ce que la terre a bougé?
- Il y a des feux d'artifice qui ont explosé sur le sol.
- Certains étaient très gros! Ils devaient être jolis!
- Oui, il y en avait de toutes les sortes. »
Comment expliquer à un enfant que chaque grosse explosion signifie que nous passons à deux doigts de mourir? N'a-t-il pas droit, lui, de conserver son innocence un peu plus longtemps?
Après plus de deux heures, les gens se dirigent vers le rez-de-chaussée. Je les suis et me retrouve en plein milieu d'un endroit qui est digne d'un champ de bataille. C'est la panique générale. Les infirmières déjà présentes à cet étage tentent désespérément d'accompagner les malades vers les chambres qui étaient auparavant occupées par eux. Le sol est jonché de papiers tombés à cause des tremblements. Ce qui était, encore hier, un hôpital peu organisé n'est maintenant plus que chaos.
Je tente de me créer un chemin à travers la foule jusqu'à la chambre de Féliks. À cet endroit, je constate que plus personne n'occupe les lieux. Pas même le voisin de lit. Pour une fois, j'aurais bien aimé qu'il soit là afin de me donner de précieuses informations.
Je ne reste pas plus longtemps ici et continue mes recherches dans d'autres sections de l'hôpital. Rien non plus. Je commence à paniquer et ne comprends rien à la situation. Je fais sa description aux personnes que je croise et aucune d'entre elles ne semble l'avoir aperçu. C'est à ce moment précis que je perds espoir. Comment retrouver quelqu'un qui semble avoir disparu comme par magie? Je lutte contre le sentiment de panique qui s'empare de moi et décide de sortir à l'extérieur du bâtiment.
Après de longues minutes assise sur l'escalier de l'entrée principale, je remarque que de la fumée est présente à de nombreux endroits dans la ville. Étant de nature curieuse, je ne peux m'empêcher d'aller constater par moi-même l'étendue des dégâts causés par les bombardements. À certains endroits, les bâtisses ont été rasées et il ne reste plus que des décombres. Au milieu d'une rue, un trou gigantesque s'est formé et tout ce qui se trouvait dans un rayon de trente mètres a disparu. Je n'ose pas regarder plus en détail ce qu'il y a sur le sol parce qu'observer des corps calcinés n'est pas une chose qui me tient à cœur. Des personnes, probablement à la recherche d'êtres chers, ont mis leur tête entre leurs genoux et sont assises sur ce qui était autrefois un trottoir. L'insouciance des jours passés est terminée et a fait place au désespoir.
Au lieu de continuer à arpenter ces rues et à broyer du noir, je décide de rentrer à l'hôpital. Dans la cour, je croise Thalia:
« Salut, je viens tout juste d'aller jeter un coup d'œil en ville et je ne te conseille pas d'y aller.
- Sedna, qu'as-tu vu?
- Rien. C'est ça le problème. Des rues anéanties, des cadavres et des gens qui pleurent. J'ai cherché Féliks pendant un moment et je ne l'ai pas encore trouvé.
- Si je ne me trompe pas, il est sorti de l'hôpital à la minute où les premiers bombardements ont cessé.
- Tu ne l'as pas revu depuis ce moment?
- Non, je suis désolée. »
Il n'est plus question pour moi de retourner à l'intérieur de l'hôpital. Pas avec Féliks qui est quelque part dans la ville. Mais pourquoi a-t-il voulu sortir alors qu'il n'est pas encore totalement guéri? Il y a des moments où je me dis que je ne comprendrai jamais ce garçon. Je ne perds pas davantage mon temps et retourne au lieu où il y a eu la formation d'un cratère. Mis à part trois ou quatre personnes présentes, il n'y a rien qui m'indique que Féliks est dans les parages.
Je continue ma route vers des rues un peu moins fréquentées. Des décombres jonchent le sol, mais certaines maisons sont encore en bon état. Il y a des habitants de la ville qui sont désormais sans domicile fixe et qui ne savent plus où aller. En marchant, je me retrouve devant un parc où des arbres sont déracinés ou calcinés.
Alors que je me promène au bord d'un étang, une jeune fille vient vers moi en courant. Elle tente de reprendre son souffle, s'arrête et commence à me parler:
« Au secours! Il y a quelqu'un sous cet arbre! »
Sans plus attendre, elle me prend la main et m'amène au lieu désigné. Sous le tronc d'un chêne se trouve un garçon qui a le visage contre le sol et qui semble inconscient. Je reconnaîtrais cette chevelure parmi mille autres. Le cœur au ventre, je soulève les cheveux cachant son front afin de mieux le regarder.
Féliks, qu'as-tu fait pour en arriver là?
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Les vacances d'été sont arrivées! Je suis désolée pour l'attente. Je n'avais plus le temps d'écrire à cause de mes examens d'université. Les publications devraient donc être plus rapides à partir de maintenant! :D
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