❧ Chapitre 2


Linaya n'était plus qu'à quelques mètres de la double porte en bois massif de la bibliothèque, lorsque l'un des battants s'ouvrit. Il laissa apparaître un homme grand et svelte qui se trouvait être à la fois son oncle, et le premier conseiller du roi.
La princesse s'arrêta un instant pour l'observer, préférant attendre qu'il parte avant d'entrer voir son père.

L'homme était vêtu d'une chemise blanche ainsi que d'un veston et un pantalon gris. Comme il lui tournait à moitié le dos, elle ne pouvait pas voir son visage et apercevait seulement ses cheveux bruns mi-longs attachés en un chignon haut, et sa barbe taillée.

– Bien, comme vous voudrez votre Majesté, l'entendit-elle dire avant qu'il ne referme la porte et ne reprenne sa route, les yeux rivés au sol.

Linaya l'entendit grommeler quelque chose à voix basse, mais elle n'était pas assez proche de lui pour comprendre ce que son oncle disait.

Quand il arriva près de Linaya, le conseiller sembla enfin remarquer sa présence et releva les yeux vers elle. Son air préoccupé, s'effaça rapidement pour laisser place à un visage plus joyeux.

Linaya resta de marbre, le sourire qu'il affichait était aussi faux que l'homme qu'il était.

Depuis le temps qu'elle le connaissait, la princesse avait appris à ne pas lui faire confiance. Elle n'était pas dupe, contrairement à son père.
Si l'homme enchaînait les courbettes et semblait se plier à chaque demande du roi, elle voyait bien les grimaces de son oncle lorsque son père n'était plus dans les parages. Combien de fois l'avait-elle vu lever les yeux au ciel, entendu jurer ou pester à propos de telle ou telle décision.
Il n'avait pas eu le bon rôle dans ce château. Étant l'aîné, il aurait dû être roi, cependant son frère cadet, Ameth avait été élu souverain à sa place, ayant été jugé plus aptes à diriger le royaume.

– Bonjour Linaya.

– Bonjour Aymeric, y a-t-il un problème ? Vous aviez l'air embêté.

– Non aucun, juste un léger contretemps à régler. Je vais m'en occuper de ça pas, d'ailleurs.

Son oncle lui adressa un léger hochement de tête en signe d'au revoir, et lui faussa compagnie.

La princesse ne chercha pas davantage à savoir ce qui le contrariait, les raisons pouvant être multiples. C'est donc sans se poser plus de question qu'elle se dirigea jusqu'à la porte et poussa l'un des battants.

Linaya se retrouva dans une pièce longue et spacieuse. Plusieurs dizaines d'étagères remplies de livres plus ou moins anciens lui faisaient face et formaient un long couloir devant elle. Les murs étaient couverts de tapisserie et de quelques tableaux relatant des scènes d'Histoire. Parfois des chandeliers étaient disposés près des étagères sur des petites tables, et au plafond était suspendu un lustre en bronze. Au centre de la bibliothèque se tenaient une table rectangulaire et trois chaises, à l'opposé, un coin détente avait été meublé avec des fauteuils et de plus petites tables.

Comme chaque fois qu'elle entrait dans cette pièce, Linaya sentit une vague de calme l'apaiser. La bibliothèque était un des seuls lieux du château dans lequel elle préférait se réfugier quand elle ne pouvait pas rester dans sa chambre. Le contact des livres, l'idée que le savoir et des univers variés se trouvaient dissimulés au travers de toutes ses pages, l'odeur des livres... Tout lui plaisait et lui donnait envie de passer des heures à lire, bien installée dans l'un des fauteuils moelleux.

Mais pour l'instant, l'heure n'était pas à lecture. Au milieu de la bibliothèque, derrière la table, son père l'attendait en faisant les cent pas, l'air pensif.
Le roi approchait de la cinquantaine, ses cheveux blonds courts grisonnaient. Il était plutôt grand et avait de larges épaules. Il portait une chemise blanche aux manches amples et un pantalon en toile bleu marine.
Comme son père semblait ne pas l'avoir entendu entrer, la princesse toussota pour attirer son attention et s'avança.
Le roi leva enfin les yeux vers elle.

– Ah, Linaya ! Ma chérie ! Je commençais à croire que tu allais poser un lapin à ton vieux père ! avoua-t-il en rigolant doucement.

Il s'approcha et d'un bras, l'enlaça pour la saluer. La princesse répondit à son étreinte puis se détacha de lui.

– Désolée. Bien sûre que non, ajouta-t-elle avec un petit sourire. Il paraît que tu avais quelque chose d'important à me dire ?

– Hum, oui. À vrai dire, c'est une annonce...un peu délicate, répondit-il avec un air plus sérieux, en l'observant de ses yeux bleus. Et si nous nous asseyions ?

Linaya haussa un sourcil, légèrement inquiète par le ton qu'avait prit son père. Elle hocha la tête et alla s'asseoir à côté de lui.

– Comme tu le sais, ces dernières années nous avons perdu de l'argent à cause de l'épidémie. La perte a été moins pire que ce que je pensais, elle n'a pas eu de conséquences désastreuses, mais elle n'est tout de même pas négligeable. Si une nouvelle épidémie de maladie venait à nous reprendre, nous n'aurons peut-être pas les fonds nécessaires pour subvenir aux besoins de notre peuple.

Le roi fit une pause et attendit un signe de sa part pour poursuivre.

Linaya acquiesça, elle se souvenait de cette période qui avait eu lieu il y a plus de quinze ans. Le pays avait été touché par une pandémie de pneumonie grave qui avait causé la perte d'un quart de la population.
Mais elle ne voyait pas encore où son père voulait en venir en abordant ce sujet.

– Et comme tu le sais aussi, le roi du pays voisin cherche à créer une alliance et marier son fils.

À ces mots, comprenant où il voulait en venir, Linaya fronça les sourcils et ouvrit la bouche, prête à répliquer. Mais son père prit sa main entre les siennes et s'empressa de continuer avant qu'elle n'ait le temps de dire un mot.

– Ma chérie, tu as vingt-et-un ans, tu es en âge de te marier. Je sais qu'on avait dit qu'on te laisserai le temps et pourquoi pas l'occasion de trouver l'homme que tu aurais aimé. Mais je suis persuadé qu'il sera un bon mari pour toi. Et puis peut-être qu'il te plaira ? En tout cas, ce sera un bon moyen d'assurer l'avenir de notre royaume.

Son sang ne fit qu'un tour dans ses veines. De toutes les annonces qu'il aurait pu lui faire, elle ne s'était pas du tout attendu à ça. Linaya sentit le rouge lui monter aux joues. Après les conversations et toutes les promesses qu'il lui avait fait sur le mariage et son consentement ? Comment pouvait-il lui faire ça ?

Linaya retira brusquement sa main et se leva vivement de sa chaise.

– Comment peux-tu... Tu oses me faire ça ? s'exclama-t-elle, outrée. Après toutes tes belles paroles ? Je croyais que nous étions d'accord ! Qu'il ne serait pas question d'un mariage arrangé ! J'espère au moins que j'ai mon mot à dire ? Si tu as passé un accord alors que... !

Son père se leva à son tour et lui coupa la parole d'un ton froid et formel, sans même hausser la voix.

– Le roi Kiron est d'accord. Nous avons déjà prévu une date pour le mariage, et une autre est fixée pour que vous vous rencontriez avant.

– Tu as vraiment fait ça ? Mais...aah! Comment as-tu pu ?

Elle ferma les yeux et se pinça l'arrête du nez, à la fois frustrée et chamboulée. De toutes manières, elle pouvait dire n'importe quoi, elle ne le ferai pas changer d'avis. Sa décision était déjà prise et il n'avait pas l'air de vouloir la discuter.

– Et mère ? Qu'a-t-elle dit ? Elle est d'accord ?

Le roi pinça ses lèvres.

– Elle... n'a pas émit d'objection.

Le coeur battant la chamade, Linaya se retint de lui crier à nouveau ce qu'elle pensait. La gorge serrée, elle demanda simplement :

– Quand ?

– Dans deux jours. Et pour le mariage, nous vous le diront à ce moment là. Car, crois-le ou non, tu n'es pas la seule à protester.

En colère et en ayant assez entendu, la princesse s'empressa de quitter la bibliothèque. Elle n'essaya même pas de savoir qui d'autre n'était pas d'accord. Elle n'avait plus aucune envie de le voir, ni de rester dans la même pièce que lui. Et dire qu'elle lui faisait confiance...

Dans le couloir, elle se mit à courir sans même savoir où elle allait.

Il fallait qu'elle en parle à Letha.

Déjà désordonnés, les battements de son cœur s'intensifièrent encore davantage quand elle pensa à la brune.

Letha.
Le mariage ?
Un prince ?

La princesse sentit la panique la gagner.
Enfin ! Elle ne pouvait décidément pas se marier !

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