Chapitre 1

Alexander sortit de la maison prêt à se rendre au lycée sachant pertinemment que ses camarades l'attendaient déjà devant l'entrée. Pourtant il décida de ne pas prendre sa voiture et de marcher. Il observait la rue qui était déserte et calme. Les grandes maisons bordant Northbury Street avaient l'air étrangement vides, abandonnées. Il regardait au loin des enfants sortir en riant d'une maison et leur sourit reconnaissant les progénitures de madame Flowers. Elle aperçut le jeune garçon brun aux lunettes et le salua avec le sourire. Il appréciait particulièrement cette bonne entente qui régnait parmi tous les voisins du quartier qui se connaissaient tous très bien d'ailleurs.

Il aperçut l'enseigne RIDGEVIEW HIGH SCHOOL inscrite en gros caractère sur le fronton de l'établissement puis rejoignît à l'entrée un groupe d'élèves qu'il reconnût comme étant ses camarades de classe. Il fut accueilli chaleureusement sauf par un garçon blond qui le salua froidement. Il ne prêta aucune attention à Matthieu qui ne cessait de le dévisager tendant plutôt l'oreille à la conversation du groupe.

— Il paraît qu'il y a une nouvelle élève qui arrive aujourd'hui, déclara un garçon mince et élancé aux courts cheveux bruns avec une lueur d'excitation dans le regard.

Alexander observait le groupe qui avait commencé une discussion interminable sous l'annonce de son ami Dylan. Lui-même surpris par le fait qu'une nouvelle personne puisse se retrouver dans ce lycée d'autant plus que ça faisait trois semaines que les cours avaient repris.

— Et comment ça se fait qu'elle vienne juste aujourd'hui alors que ça fait déjà trois semaines que l'école a commencé ? s'enquérit un garçon ascétique et chétif.

Chacun se mit à énoncer une théorie qui puisse répondre au questionnement du jeune garçon quoique certaines fussent assez drôles et farfelues.

— J'en ai marre de vous écouter blablater sur cette nouvelle venue, interféra une fille aux longs cheveux roux, agacée.

La jeune fille ne supportait pas de ne pas être au centre de l'attention. Elle qui était la capitaine de l'équipe de pom pom girls depuis la seconde. Alexander observait son amie Victoria amusé par son attitude.

— Arrête de faire ta jalouse Vic, rétorqua Matthieu dans un soupir las.

Le groupe se mit à rire suite aux paroles du châtain dévisagé par la jolie rousse qui paraissait légèrement vexée. Le vrombissement d'une voiture noire rutilante se fit entendre coupant court aux ricanements du groupe. La voiture se gara devant le lycée laissant sortir une passagère avant de s'en aller.

— C'est la nouvelle, affirma une autre fille que composait le groupe le regard rivé sur cette dernière.

Alexander darda un regard scrutateur sur la fille aux longs cheveux bruns ondulés. Ce qui attisait encore plus son regard, c'était son accoutrement. Elle était entièrement vêtue de noir de la tête aux pieds. De son blouson en cuir à ses boots en passant par son t-shirt moulant et son jean slim. Il était tout bonnement impossible de passer inaperçu vêtu de cette manière mais il dut avouer que ce style lui allait parfaitement.

— Il ne manquait plus que ça une gothique dans ce lycée, s'indigna Victoria observant avec dédain la nouvelle venue.

Tous les regards étaient braqués sur la nouvelle venue qui ne semblait pas s'en préoccuper. Elle continuait de marcher droit devant elle en pénétrant dans le bâtiment principal du lycée. Alexander s'écarta du groupe et lui emboîta le pas sans attendre suivi machinalement par ses camarades. Il ne pouvait pas faire un pas sans être suivi ce qui le contrariait un peu. Cela avait été toujours le cas depuis son entrée au lycée. Il avait fini par s'y habituer mais en ce moment, il aurait préféré que ça soit autrement.

Il aperçut à quelques mètres devant eux la jeune fille qui entrait dans le bureau de madame Ford, la secrétaire chargée des inscriptions. Il s'approcha nonchalamment faisant mine de s'intéresser au tableau d'affichage juste à côté de la porte vitrée du bureau. Aussitôt toute la bande s'agglutinait autour de lui. La jeune fille sortît après quelques minutes du bureau sous le regard d'Alexander. Il entreprît un geste de la main en guise de salut envers la nouvelle qui s'engagea dans le couloir sans l'honorer d'un seul regard. Il en resta déstabilisé un temps soit peu puis laissa retomber mollement sa main.

Il reprit contenance sans se soucier du rictus narquois qui était scotché aux lèvres de Matthieu. Il remonta ses lunettes sur son nez et se dirigea dans la salle de mathématiques qui se trouvait au deuxième étage après avoir entendu la cloche sonner. Il s'installa machinalement à une table au fond de la classe près d'une fenêtre et fixa le professeur d'un air absent.

Comment avait-elle pu m'ignorer de la sorte ? se demandait-il en repensant à la scène plutôt.

Il savait bien que cette scène ne devrait pas le tourmenter autant mais étant donné que son égo en avait pris un coup, il ne pouvait pas en faire autrement. Madame Brooke distribuait les copies d'interrogation surprise qu'elle leur avait fait passer la semaine dernière et c'est sans surprise pour lui avec un sourire fier qu'il obtint la note de dix-huit sur vingt.

Des petits coups se firent entendre à la porte. Monsieur Goldberg le proviseur à la carrure imposante et à la tête chauve accompagné de la nouvelle venue étaient tenus devant la classe. Alexander put enfin observer plus attentivement son visage en forme de cœur aux traits fins. Elle avait un front court, des pommettes saillantes, un petit nez et des lèvres pulpeuses rosées mais ce qui fascinait encore plus le jeune garçon c'était ses yeux. L'un était de couleur noisette et l'autre vert émeraude. Il n'en avait jamais vu de semblable et il les trouvait magnifique. Cela n'était pas le cas de tout le monde puisqu'il entendit les paroles de quelques personnes qui semblaient véritablement révulsées et choquées par les iris dissemblables de la jeune fille. Il roula des yeux malgré lui face à toutes ces paroles qu'il trouvait insensées.

Sous prétexte qu'une personne soit différente des autres, elle se voit traiter de bizarre. C'est ridicule ! s'indigna t-il.

— Bon alors nous accueillons une nouvelle élève aujourd'hui tout droit venue d'Italie. De ce fait, j'exige que vous lui accordiez un très bon accueil parce que je ne tolèrerais aucun mauvais traitement, débuta le proviseur en jetant un regard circulaire à la classe. Passez une bonne journée !

Il ne tarda pas plus et s'en alla une fois sa tirade terminée. Tandis que le brun observait toujours la jeune fille qui était en face d'eux.

— Présentez vous à la salle mademoiselle, ordonna madame Brooke d'une voix rêche.

— Je m'appelle Giuliana Marino. J'ai dix-huit ans et je suis nouvelle dans la ville.

Elle parla d'une voix claire et froide avec un léger accent, le visage impassible ce qui n'échappa pas à Alexander. Le professeur lui permit d'aller s'asseoir, ce qu'elle fit optant pour la dernière chaise au fond qui était encore vide. Alexander lui jeta une dernière œillade avant de se retourner face au professeur qui déblatérait quelques théorèmes.

La cloche sonna, libérant les élèves qui se ruèrent dans le couloir. Alexander s'arrêta sur le pas de la porte pour scruter les alentours. Il aperçut la nouvelle qui descendait les escaliers d'un pas vif et pressé faisant balancer ses longs cheveux et dévisagé par certains sur son passage. Il ne pouvait s'empêcher de la trouver jolie.

— Arrête de la reluquer comme ça et va plutôt en cours, lui déclara Dylan en passant à ses côtés.

Le brun roula des yeux avant de se rendre à son prochain cours notamment Chimie. Le reste de la matinée passa rapidement et il était déjà l'heure du déjeuner. C'était avec impatience qu'Alexander se dirigeait vers la cantine visiblement affamé. Il salua en chemin des camarades qu'il n'avait pas encore vu. Il remarqua Matthieu nonchalamment adossé au mur près de l'entrée. Il discutait avec deux filles qui se turent, fixant de façon admirative Alexander dès qu'elles le virent.

— Salut les filles ! leur lança le brun avec un sourire charmeur.

Elles gloussèrent toujours admirative ce qui ne manqua pas d'énerver Matthieu qui dévisageait Alexander. Il s'en foutait royalement affichant un sourire moqueur. Il entra dans la cantine sans se soucier du regard assassin que lui lançait Matthieu. Il fit la queue au self-service et rejoignit Dylan et Victoria assis à une table.

— Pourquoi Matt te fixe comme s'il allait te sauter dessus ? s'étonna la rousse en observant le concerné à l'entrée de la porte. Quoiqu'il a toujours l'habitude de te fixer comme ça ceci dit, elle termina en un haussement d'épaules.

Alexander ne répondit pas, plus concentré à engloutir ses frites trouvant ce sujet inintéressant.

— Moi je trouve votre petite guéguerre ridicule, répliqua Dylan avec une certaine lassitude.

— Je ne fais aucune "guéguerre" avec Matthieu, rétorqua aussitôt le brun en mimant des guillemets avec ses doigts. C'est lui qui s'est mis à me détester pour une broutille.

Des souvenirs de son amitié passée avec Matthieu refaisaient surface dans la tête du jeune homme. Ils étaient amis depuis la maternelle mais depuis leur entrée au lycée, Matthieu avait commencé à s'éloigner de lui en le dévisageant bizarrement en répandant même des fausses rumeurs sur lui. Il avait découvert que Matthieu le détestait parce qu'il était plus apprécié et plus populaire que lui et quand il était devenu capitaine de l'équipe de basket du lycée depuis la seconde, cela avait encore empiré. Ainsi, le brun a juste décidé de l'ignorer même s'il devait avouer que son ancien ami lui manquait.

Victoria se mit à parler du recrutement des nouvelles pom pom girls de cette dernière année qui allait bientôt commencer. Elle semblait excitée par cette annonce mais le brun savait bien que ce qui la rendait aussi joyeuse,  c'était d'affirmer sa suprématie auprès des nouvelles recrues et de s'amuser avec leurs nerfs. Il n'avait jamais compris ce que son amie trouvait d'amusant à l'intérieur. Il jeta un regard circulaire aux personnes attablées, écoutant d'une oreille abstraite ce que racontait ses deux amis lorsque ses yeux se posèrent sur la nouvelle qui était attablée avec un garçon blond, assez grand et mince. Il reconnut aussitôt Kieran, un de ses coéquipiers de l'équipe de basket. Ils étaient en discussion. On aurait plutôt dit que Kieran parlait beaucoup plus et qu'elle l'écoutait juste mais il s'étonna de les voir ensemble.

La sonnerie retentit annonçant la reprise des cours. Ils se levèrent tous les trois, jetèrent leurs plateaux et se dirigèrent au troisième étage pour leur cours d'histoire qu'ils avaient en commun. Ils s'assirent au fond de la classe comme à leur habitude observant les élèves faire leur entrée. Matthieu entra en discussion avec l'une des deux filles qu'il avait salué sachant bien que celui-ci était entrain de la draguer vu le sourire éclatant qu'il lui lançait. Également la nouvelle Giuliana accompagnée de Kieran.

Le professeur d'Histoire fit son entrée et tout le monde se tut essayant de comprendre ce qu'il racontait. Monsieur Holmes, un vieux monsieur maigre aux courts cheveux bruns hirsutes et au regard dur et froid, allait et venait dans la salle en posant diverses questions qui restèrent sans réponse; personne ne voulant se faire humilier si la réponse était ratée, ce qui avait le don de l'agacer.

Alexander regarda pendant ce temps Kieran et Giuliana qui bavardaient gaiement et il se demanda bien de quoi ils pouvaient discuter surpris de voir à quel point ils s'entendaient bien comme s'ils se connaissaient depuis longtemps. Le brun ne fut pas le seul à remarquer leur bavardage puisque le professeur se tourna vers eux, les sourcils froncés en pointant un doigt accusateur sur la nouvelle. Tous les regards étaient braqués sur elle.

— Vous ! tonna t-il en l'observant. Mademoiselle.... ?

— Giuliana Marino, compléta t-elle promptement d'une voix claire.

Elle ne semblait pas le moins du monde déstabilisée par le ton emporté du professeur qui mettait à présent les mains sur les hanches.

— Vous êtes nouvelle ? demanda t-il arquant un sourcil.

— Oui.

— Puisque vous trouvez mieux de bavarder à mon cours mademoiselle Marino, répondez à cette question ! À quelle période s'étend la renaissance ?

Tous les regards étaient posés à présent sur la nouvelle et le professeur afficha un sourire en coin qui démontrait l'assurance qu'il avait. Il s'attendait sûrement à la voir bafouiller devant tout le monde.

— Elle s'étend sur les 15e et 16e siècles.

Le sourire du professeur disparut aussitôt visiblement étonné qu'elle ait trouvé la réponse. Tandis que celle-ci le regardait d'un air las.

— Bonne réponse. Au moins une qui n'est pas une cause perdue dans cette classe, marmonna t-il en la dévisageant.

Cette remarque fit bavarder la classe qui n'était pas de cet avis ce qui amusa le brun.

— Taisez-vous ! Et prenez note bande d'incapables, vociféra monsieur Holmes.

Le brun posa un dernier regard sur la jeune italienne fasciné par son attitude, il ne faisait aucun doute qu'elle était intelligente. Il finit par se concentrer sur ce que disait le professeur et prenait note.

La cloche sonna. La salle se vida aussitôt. Alexander réunît hâtivement ses affaires. Victoria et Dylan l'attendaient devant la porte, il les rejoignit et ils sortirent ensemble du lycée. La rousse se dirigea vers sa voiture laissant les deux garçons cheminer ensemble. Dylan arriva dans sa rue et laissa Alexander continuer sa marche seul. Il arriva enfin dans son quartier et remarqua une voiture qu'il n'avait jamais aperçu auparavant, garée devant la maison de l'autre côté de la route en face de la sienne.

Ça faisait plus d'un mois que les derniers occupants de cette maison s'en étaient allés et il n'avait pas entendu que de nouvelles personnes viendraient y habiter. Il ne s'attarda pas sur cette remarque et pénétra directement chez lui. Il fut accueillît par sa mère, un tablier attaché sur son cou. Celle-ci était toujours de bonne humeur. Elle avait un visage fin, des traits doux et des longs cheveux bruns peignés à la raie. Alexander lui colla un baiser à la joue.

— Bonsoir maman.

— Bonsoir chéri. Nous avons de nouveaux voisins et nous devons les accueillir comme il se doit, lui fît part sa mère d'un ton enjoué.

Il se contenta de soupirer exaspéré. Il savait bien ce que sa mère voulait dire. Ils devront partir chez les voisins et les offrir un paquet de brownies spécialement cuisiné par sa mère. C'était toujours comme ça quand de nouvelles personnes venaient dans le quartier, il en avait l'habitude maintenant. Il salua son père qui était concentré à regarder la télévision. Il monta rapidement dans sa chambre et s'apprêta pour aller rendre visite à ces fameux nouveaux voisins.

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