Enfance, Chapitre n°1
Les deux enfants sont tranquillement assis à la table du salon. Ils s'attellent à confectionner des cartes de Noël pour toute leur famille, ainsi que pour les membres du conseil d'église dont fait partie leur mère. Sur la grande nappe sont éparpillés une trentaine de feuilles de couleurs différentes, des paillettes, de la colle, des autocollants, des rubans, des stylos multicolores et tout un tas d'autres choses utiles à leur bricolage.
Leurs parents, installés dans le canapé non loin, tentent tant bien que mal de suivre l'émission de télévision malgré les cris de joie et les rires de leurs enfants. Mais cela ne les dérange pas plus que ça, ils sont plutôt heureux de les voir s'amuser de la sorte.
- J'en ai sept ! Et toi ? lance Jiho avec amusement.
- Moi j'en ai neuf ! s'empresse de lui répondre son ainé, avant de continuer, je peux voir les tiennes ?
- Oui bien sûr ! Tiens !
Répond le plus jeune en tendant sa petite pile de cartes à son frère, que celui-ci se dépêche de saisir, très curieux de voir ce que son Jiho a fait. Il sépare ensuite minutieusement les cartes en un petit éventail alors qu'un petit cri étonné et enjoué sort de sa bouche.
- C'est trop beau ! s'exclame-t-il avec joie, elles sont beaucoup plus belles que les miennes, continue-t-il, sincèrement émerveillé par le travail de son frère.
- Je peux les voir ? demande alors ce dernier.
- Oui, regarde !
Taewoon donne alors à son tour ses propres cartes, guettant la réaction de son cadet. Les yeux de Jiho s'illuminent lentement alors qu'ils parcourent le travail qu'il tient entre ses petites mains.
- Tu meeeents ! Ce sont les tiennes les plus belles !
- Mais naaan !! Les tiennes !
- Les tiennes à toi ! essaie en vain de trancher le plus petit.
Mais leur petite discussion stérile continue tout de même quelques courtes minutes, après lesquelles Jiho et Taewoon concluent qu'elles sont toutes belles. Puis les deux enfants reposent chacun les cartes l'un de l'autre avant de retourner chacun à leur tâche. Plus d'une heure s'écoule ensuite, les deux enfants continuant encore de confectionner leurs petites créations.
- Mamaaaan ? cri presque soudain Jiho pour attirer tout spécialement l'attention de leur mère.
- Oui mon chéri ? répond-elle alors gentiment à son plus jeune fils, se retournant pour les observer depuis son siège.
- Il reste deux cartes vides, heu, est-ce que Tae et moi on peut se faire des cartes que pour nous ?
Croisant alors leurs yeux pétillants d'excitation de ses deux rejetons, la grande femme acquiesce en souriant, provoquant instantanément une vague de joie chez ces derniers. C'est donc tout sourire que Jiho et Taewoon se replongent dans leur bricolage.
De longues minutes passent encore, jusqu'à ce que les jeunes voix ne résonnent de nouveau dans la grande maisonnée.
- Finiiiiit ! commence l'un des deux fils, rapidement rejoint par le second.
- Moi aussi !
Cette fois, leur mère sort de la cuisine pour venir inspecter le travail de ses petits protégés. Elle commence par compter le nombre de cartes puis ne tombant pas sur celui attendu, elle relève les yeux, interloquée.
- Il n'y en a que 28, vous n'avez pas fait les vôtres ?
- Si si ! Mais on voulait les garder... tente de justifier l'ainé.
- Je ne peux pas les voir ?
- Nan ! C'est juste entre Tae et moi ! ajoute joyeusement Jiho, en offrant un sourire des plus brillants à sa mère.
- Uhum ! Bien ! abdique cette dernière alors qu'elle commence à replier les cartes, avant qu'elle ne se souvienne soudain d'un détail important, vous avez mis la date de cette année ?
Les deux enfants échangent instantanément des regards écarquillés et après avoir lancé d'immenses sourires à leur mère, ils récupèrent les cartes, se dépêchant d'y inscrire la date et ressortant par la même occasion les leurs.
L'après-midi se finit donc ainsi, dans la joie et la bonne humeur, évitant de justesse une catastrophe temporelle.
La journée continue ensuite dans la tranquillité, jusqu'à ce que la grande pendule de l'entrée ne sonne les coups de vingt heures. L'homme de la maison est alors désigné pour aller coucher les deux enfants, au grès des protestations de ces derniers. Et bien que leur père parvienne tant bien que mal à les placer chacun dans leur lit, les bordant même avec affection, les deux frères ne se calment pas le moins du monde. Il les embrasse tout de même l'un après l'autre sur le front , espérant que leur énergie baisse tandis qu'il commence à sortir de la chambre. Discrètement, la voix de du plus jeune s'élève alors.
- Papa...
- Oui Jiho ? qu'est-ce qu'il y a ? demande-t-il avec patience et bienveillance.
- Est-ce que tu peux nous raconter une histoire ?
L'adulte fait mine de réfléchir mais les petits cris de supplication qu'il entend font vite tomber son masque théâtral et il accepte la requête de son fils avec un sourire sincère.
- Bon, si vous insistez ! dit-il en riant presque à la vue des étoiles dans les deux paires d'yeux devant lui.
Il s'assied ensuite sur le bord du lit du cadet, entamant alors à voix basse une nouvelle histoire, qu'il invente au fil des mots.
- Imaginez un champ. Il est petit, avec de hautes herbes qui monteraient jusqu'à vos genoux si vous étiez en train d'y courir. Mais là, vous ne bougez pas, vous vous faites tout discrets car dans ce petit champ, il y a deux oisillons. Ils se ressemblent presque comme deux goûtes d'eau à la différence que l'un est bleu et que l'autre est blanc. Mais ce n'est pas important pour eux. Eux, ils passent leur temps à s'amuser ensemble, à jouer à cache-cache et à se poursuivre entre les branchages en bordure de la grande forêt.
Jiho et Taewoon le regardent fixement, happés par les mots de leur père. Content de lui, ce dernier continue donc.
- Pourtant, un matin, le petit oiseau bleu ne répond pas au chant de son ami blanc. Inquiet, il le cherche alors, d'un bout à l'autre du petit champ, allant même jusque dans la forêt, mais aucun signe de lui. Les heures passent, puis les jours et le petit oiseau blanc chante et chante sans s'arrêter, appelant de tout cœur son ami. Jusqu'à ce qu'un beau jour, un renard vienne se présenter à lui.
- Oh nan, s'écrit Taewoon, coupant l'adulte dans son récit, il n'a pas mangé le petit oiseau bleu hein papa ?
Ce dernier lui fait simplement le signe de ne rien dire, reprenant sans répondre le récit.
- « Bonjour petit oiseau blanc » lui dit le renard, fit le père en prenant une voix plus grave, « que cherches-tu sans répit depuis tant de jours ? », l'oisillon, bien que méfiant, se rapproche tout de même du renard et se posant sur une branche plus près de celui-ci, lui répond « Je cherche mon ami. Il est tout comme moi, mais il est bleu. Il a disparu », imite-t-il la voix du personnage en montant un peu plus dans les aigus, « je sais où est ton ami moi, voudrais-tu le revoir ? » répond le renard. « Vous dites la vérité Monsieur Renard ? » questionne le petit oiseau blanc, n'ayant pas confiance en l'étrange animal roux. « Bien sûr que je dis la vérité, regarde, voici ma preuve » s'exclame le renard alors qu'il sort de sa fourrure une très jolie plume bleue, appartenant sans aucun doute possible à l'ami du petit oiseau blanc. « Monsieur Renard où avez-vous eu ça ? » demande directement l'oisillon, « il me l'a donnée quand je l'ai croisé avant qu'il s'en aille, il m'a dit de te l'offrir en cadeau d'au revoir ». Les mots du renard font trembler le cœur du petit oiseau blanc et celui-ci tombe alors soudain de sa branche. Mais heureusement, Monsieur Renard le rattrape juste avant qu'il ne touche le sol et continue « il a promis de revenir petit oiseau blanc. » « Mais quand ? » commence à pleurer l'oiseau solitaire.
Les deux enfants sont toujours suspendus aux paroles de l'adulte, des larmes au bord des yeux.
- Le renard ne dit rien et avec délicatesse, il grimpe quelques branches et ramène le petit oiseau blanc dans son nid, déposant à ses côtés la petite plume bleue. Puis il s'en va, laissant l'oisillon seul alors qu'à nouveau, des journées entières défilent pour le pauvre petit animal esseulé. Et un beau matin, alors que le soleil réchauffe et colore le petit champ, une mélodie traverse l'air. Réveillé par la musique, le petit oiseau blanc se redresse à toute vitesse et se perche sur le bord de son nid pour observer le ciel. Une petite forme semble y bouger et en quelques secondes, un petit éclair bleu vient jusqu'à lui et se pose à ses côtés. Le petit oiseau blanc reconnait alors directement son ami, qu'il s'empresse de rejoindre. « Où avais-tu disparu ? » demande-t-il avec impatience. « Il fallait que je parte découvrir le monde ! mais je suis de retour, je voulais revenir te visiter, il y a tellement de choses que je veux te raconter ». Puis les deux petits oiseaux s'envolent alors d'un même mouvement, montant dans les hauteurs. Et comme pour rattraper les jours perdus, ils se mettent lentement à redessiner tous les motifs du ciel du bout de leurs ailes.
En silence, les deux frères regardent leur père, comme s'ils ne voulaient pas que ce soit déjà la fin.
- Dit papa, pourquoi le petit oiseau bleu il est parti sans rien dire ? demande Taewoon.
- Parce que c'est comme ça, il arrive un temps où il faut se séparer.
- Je suis pas d'accord.
- C'est pour ça qu'il faut que vous écoutiez bien cette histoire. Les deux petits oiseaux, ce sont Jiho et toi. Même si aujourd'hui vous êtes chaque jour l'un avec l'autre, quand vous grandirez il arrivera un moment où vous irez chacun de votre côté, toi en premier, Taewoon, puis remarquant que son fils ainé continue de faire la moue, peu convaincu, il continue, mais ça ne fait rien, car vous vous retrouverez toujours, vous êtes deux frères.
Puis satisfait de voir de nouveau un sourire sur le visage du plus vieux, leur père les embrasse une nouvelle fois chacun avant de quitter cette fois rapidement la chambre, laissant les enfants dans le noir, simplement éclairés par leur veilleuse. Il en profite alors pour rejoindre sa femme à qui il s'empresse de raconter l'histoire qu'il vient de partager avec leurs enfants. En effet, ce n'est pas un hasard s'il leur a parlé d'un sujet peut-être aussi dur pour les deux petits garçons. Depuis quelques temps, les parents ont remarqué que leurs deux protégés sont bien proches, encore trop fusionnels même pour leurs âges. Certes ils sont jeunes et ce n'est pas grave, mais ils doivent déjà être prêts à se séparer en grandissant.
Pourtant, de leur côté, une vingtaine de minute après que leur père soit parti, les deux enfants ne dorment toujours pas. Se doutant que leur papa est surement désormais occupé à regarder un film avec leur mère, Jiho fait comme à leur habitude et se lève en silence. Puis toujours sans faire le moindre bruit, il traverse la chambre jusqu'à atteindre le lit de son grand frère.
En arrivant devant, il remarque avec joie le sourire ce dernier alors que celui-ci tient sa couette ouverte pour accueillir son cadet. Heureux, Jiho se faufile donc jusqu'au torse de son frère, se lovant contre lui. Le cocon de chaleur se referme ensuite sur son petit corps, en même temps que les bras de son ainé. Taewoon rapproche alors son frère de lui et dans une habitude silencieuse, les deux enfants se regardent profondément.
Quelques secondes s'écoulent et Jiho finit par clore ses yeux, attendant que son grand frère ne se décide à l'embrasser. Suspendu dans le temps, il sent lentement le mouvement du corps de Taewoon qui s'avance et il entrouvre timidement la bouche, impatient de sentir la pulpe des lèvres de son ainé contre les siennes. En une douce caresse, la bouche si semblable se pose en douceur sur celle offerte. Et avec tout autant de complicité, les deux enfants s'imaginent comme les adultes des films, pressant longuement leurs lèvres ensemble.
Leur petit rituel intime et secret se prolonge de longues minutes avant que Taewoon ne se force à desserrer ses bras d'autour de son petit frère. Et même s'ils ont tous deux conscience du fait qu'ils ne veulent pas se séparer, ils ne peuvent pas risquer de se faire prendre. Car une fois en effet, ils s'étaient endormis ensemble et quand au petit matin leur mère était venue les réveiller, ils s'étaient faits si fortement disputer et gronder qu'ils s'en souvenaient encore parfaitement.
Ainsi ils avaient décidé que tous les soirs, après leur petite bulle de douceur rien qu'à eux deux, l'un comme l'autre irait dormir dans son propre lit, s'en allant dans les bras de Morphée chaque nuit avec un secret un peu plus gros.
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