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Chan avait brillamment passé sa première semaine à mon cabinet à travailler avec sérieux. Je n'en attendais pas moins de lui mais désormais, je ne savais vraiment plus quoi lui faire faire.

Il allait m'accompagner à une plaidoirie cet après-midi sur une agression sexuelle qui s'était déroulée dans le métro il y a quelques mois.

- C'est rare que les agressions passent au tribunal, remarqua Chan.

- Effectivement, j'avais acquiescé, mais la victime a pris en photo son agresseur et l'a directement placardée sur twitter. C'est lui, qui a déposé la plainte.

Chan pouffa en haussant les sourcils avant de souffler un « quel con ». Il n'avait pas tort, mais devoir défendre cette pauvre jeune femme n'allait pas être une mince affaire.

- Il affirme que depuis, partout où il va, il est dévisagé. Il a même reçu des œufs pourris sur sa voiture lorsqu'il rangeait ses courses.

- Et alors ? Il le mérite, non ? Et des œufs pourris contre une agression sexuelle, c'est peu cher payé, rétorqua Chan en feuilletant le dossier.

- Je suis d'accord mais la cour estime qu'on ne doit pas faire justice sois-même. Autrement, les assassins courraient les rues.

- Ça n'a rien à voir.

- Malheureusement, pour eux, si.

Il leva à nouveaux ses sourcils sans rien ajouter de plus puis s'était levé pour prendre mon manteau et venir me l'apporter. C'était une habitude que je trouvais adorable. Chaque fois que je me préparais à partir, il se dépêchait de prendre mon manteau et m'aidait à l'enfiler. Ça me faisait fondre.

Il s'était assis côté passager dans la voiture sans un mot puis avait sagement attendu d'arriver au tribunal.

Je le trouvais plutôt apaisé depuis quelques jours. Était-ce le boulot ? Une bonne nouvelle ? Sofia ?! Non, pas possible. Du moins, je priais pour que ce ne soit pas le cas.

Avait-il rencontré quelqu'un d'autre ? Ça sonnait encore pire. Je mourrais d'envie de lui poser la question mais avant même que je prenne conscience d'où j'étais, je m'étais retrouvé assis à côté de l'accusée, Chan dans le public.

Il avait l'air un peu perdu, très mal à l'aise, il s'était mis en bout de banc et regardait droit devant lui, sourcils froncés afin d'éviter toute conversation avec un inconnu.

Durant tout le procès, j'avais fait en sorte de ne rien lâcher, jusqu'à même presque retourné la situation où l'accusée était victime. Elle réussit à s'en tirer avec une légère amende quant à lui, la juge l'obligea à présenter des excuses et l'avertit qu'elle le retrouvera sûrement bientôt dans ce tribunal, de l'autre côté des bancs, et qu'elle sera beaucoup moins clémente.

En sortant, après avoir longuement discuté avec la famille de l'accusée, j'avais vu Chan adossé à un mur, deux cafés dans les mains.

- Tu as été super.

Estomaqué, je l'avais regardé droit dans les yeux, bouche bée. Un compliment. C'était un putain de compliment. Étais-je en train de rêver ? Est-ce que la chaleur dans la salle me donnait des illusions ? Mais non. C'était bel et bien réel, ce compliment était bien sorti de sa jolie bouche. Jolie bouche qui ne tarda pas à se dessiner en un faible sourire timide qui se fana bien trop vite à mon goût.

Bordel embrasse-moi.

- Tiens. Il me tendit un des deux cafés. J'ai pris americano. Je sais que c'est ceux que tu préfères.

J'étais au bord de l'évanouissement.

Embrasse-moi, prends-moi dans tes bras, parle-moi, raconte-moi tout, ris avec moi, embrasse-moi, embrasse-moi, embrasse-moi.

Je devenais cinglé à cause de ce type.

- Ça va ?

- Oui oui pardon... Je repensais à... Un truc. Rien d'important. Merci, je lui avais souri avant de prendre l'americano et de me l'enfiler un peu trop vite.

Chan m'avait observé quelques secondes, un peu perdu, avant d'hausser les épaules.

- Et maintenant, on fait quoi ?

- On retourne au bureau faire quelques rangements et on va aller boire un verre fêter ça. Ça te dit ?

- Je n'aime pas quand il y a du monde.

- Qui t'as parlé de d'autres personnes ?

Il avait acquiescé avant de me lâcher un autre sourire aussi faible et éphémère que l'autre, mais je l'avais vu.

Il m'avait fait signe de la tête pour qu'on y aille et avait jeté nos gobelets de café avant de marcher jusqu'à la voiture.

Il était beau. Majestueux. Charismatique.

L'espace d'une seconde j'avais pensé à m'évanouir dans l'espoir qu'il me prenne dans ses bras comme un prince sauverait un pauvre paysan en détresse mais c'était complètement stupide. Après une rapide gifle sur la joue pour me détendre, nous avions repris le chemin.

Enjoués à l'idée de passer un moment à boire une bière entre amis, Chan et moi avions rangé beaucoup plus rapidement que d'habitude le bureau et nous n'avions pas tardé à décoller vers un bar peu fréquenté et accueillant. J'étais certain que Chan allait adorer cet endroit et j'avais fait mouche.

Je ne l'avais pas senti mal à l'aise une seule seconde. Toujours aussi calme et réservé qu'à son habitude, même avec une pinte de bière dans le nez, mais pas gêné.

À mon grand désespoir, nous n'avions pas tellement discuté, si ce n'était du procès et du jugement, mais rien d'autre. Rien de plus personnel qui pouvait m'intéresser.

Nous étions restés un long moment ici, uniquement pour que je ne sois pas trop alcoolisé pour reprendre le volant. Je voulais nous déposer sain et sauf chez ses parents.

- Tu sais, j'avais soupiré, accoudé à la table, il y en a pleins des types comme lui qui s'en sortent sans rien.

- Comment ça ?

- Des types qui se croient tout permis parce que la justice de ce pays est nul quand ça les concerne. Le pire c'est quand on me propose un dossier comme ça avec une mineure.

- Quoi ?!

- Oui. Ça m'est arrivé une fois et j'ai catégoriquement refusé de le défendre. C'était au dessus de mes forces. Tant pis pour la présomption d'innocence et le droit à la défense pour tous. Si je l'avais rencontré je l'aurais probablement accueilli avec un poing dans la figure.

- C'est un train dans la figure qu'il faut à ce genre de type.

- Je suis bien d'accord.

Il avait secoué la tête, signe d'agacement avant de soupirer. Un long moment silencieux s'en suivit lorsqu'il sortit ses écouteurs de la poche. Merde. Je l'avais perdu. J'étais dégoûté putain. Tant pis, après tout il avait tenu la semaine à m'écouter, je devais bien lui laisser cinq minutes tranquille.

- Je peux ? me demanda-t'il en me montrant un écouteur.

- Ouais vas-y... j'avais répondu à contrecœur avant de regarder ailleurs.

J'allais bouder lorsque je sentis un écouteur s'enfoncer dans mon oreille.

Surpris, je m'étais immédiatement remis droit pour le regarder, faisant tomber l'écouteur au passage.

Il me dévisagea avant de me faire signe de le remettre, je ne m'étais pas fait prier pour, puis sa musique se lança dans l'écouteur.

C'était doux. Calme. Triste. C'était lui.

Ce moment dura une vingtaine de minutes avant que Jeongin ne m'envoie un message pour me demander quand est-ce qu'on arrivait.

Déçus, nous avions rangé les écouteurs puis étions partis en laissant un pourboire sur la table. J'avais laissé un gros pourboire, pour remercier les serveurs de ne pas nous avoir gênés durant notre moment.

Chan était un être si merveilleux. Alors que je le pensais prévisible, il m'avait surpris une fois de plus. Chaque jour à ses côtés me faisait prendre conscience de l'inévitable.

Il m'attirait. Plus que de raison. Plus que ce que je ne voulais l'admettre. Chan était encré dans chacune de mes cellules.

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