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Bon, je voulais bien l'admettre, recevoir de petites attentions mignonnes de la part d'un collègue beau gosse n'était pas déplaisant.
Bien sûr, rien qui ne franchissait la ligne, mais recevoir des blagues nazes par mail, avoir un café et un croissant chauds sur le bureau le matin en arrivant, ou savoir qu'on m'attend pour aller déjeuner à la cafétéria, c'était toujours sympa.
Lorsque nous avions pu discuter, où il m'avait vu chialer comme un abruti au cœur brisé, ce que j'étais, nous avions pu bien mettre à plat notre relation. Eunwoo m'avait assuré qu'il ne tenterait plus rien avec moi, et qu'il voulait faire les choses bien avec sa copine. Pour commencer, il voulait lui faire son coming out.
Je trouvais ça extrêmement courageux de sa part, bien plus que je ne pourrais l'être.
Faire son coming out, ça me semblait être encore pire que de se foutre à poil à la télévision national durant une heure de grande écoute. Ça me terrifiait.
- J'aimerais que tu sois là, avait ajouté Eunwoo, toujours assis sur le siège face à mon bureau, tandis que je fermais mon ordinateur.
- Moi ? J'avais pouffé, un sourcil arqué. Pourquoi ? C'est entre vous, il n'y a aucune raison que je sois là.
- Non mais pour un soutien émotionnel, si ça se passe mal au moins je sais que je pourrais venir pleurer sur ton épaule.
Ça nous avait fait doucement rire, mais au fond je comprenais ce qu'il voulait dire.
Quand Jeongin nous avait découvert, Chan et moi, j'ai eu si peur que je me suis renfermé sur moi-même, persuadé que la meilleure solution était de me faire oublier de la population. Mais peut-être que affronter ça ensemble aurait pu nous sauver. Peut-être. Putain que j'étais con.
- Écoute, avais-je repris, je vais te filer mon adresse. Si ça se passe mal, passe chez moi.
Il avait hoché la tête puis nous avions tapé nos mains ensemble avant de quitter l'immeuble. Dehors, sa petite amie l'attendait avec un café à la main. Elle était tout aussi belle que lui, et son manteau était incroyable, si la situation était plus appropriée je lui aurais demandé la référence.
- Allez, courage, lui avais-je soufflé en lui lançant un regard compatissant.
Il avait dégluti, terrifié à l'idée de faire un pas vers elle. Elle avait fini par nous rejoindre, et après l'avoir brièvement salué, j'avais rejoint ma voiture. Je les avais épié quelques secondes avant de me reprendre, c'était très bizarre de fixer un couple qui allait se poser dans un café pour discuter.
J'avais passé la soirée posée sur mon lit, au téléphone avec Jeongin, il me racontait ses conquêtes récentes. Toujours avec autant de classe que d'habitude, bien sûr, j'étais à deux doigts de lui ordonner d'arrêter de tout me détailler lorsqu'un double appel attira mon attention. Eunwoo.
« Ah, Jeong', je dois te laisser. »
« Hein déjà ? Mais non attends ! »
« Y a mon collègue qui doit être devant chez moi là. »
« Ah oui, le bi qui veut avouer son amour des culs et des queues à sa meuf ? »
Beurk.
« Oui c'est ça. »
« Bon vas-y. Mais demain tu viens à la maison ! »
« Promis. Bisous frérot. »
« Bisous ma caille. »
Je n'avais pas répondu à Eunwoo, j'avais simplement mis mes chaussons, pris mes clefs puis j'étais descendu lui ouvrir la porte d'entrée.
Eunwoo avait les yeux rouges, il n'arrêtait pas de renifler et il mâchouillait la pizza fraîchement commandée comme un chien en fin de vie.
Pas difficile à deviner, ça ne s'était pas passé comme prévu.
Nous étions restés un moment en silence, à mâchouiller la pizza - degueu au passage - jusqu'à qu'Eunwoo prenne un mouchoir pour arrêter de renifler comme un petit porc à côté de mon oreille.
- Elle a dit que je la dégoûtais.
Ouch, je savais à quel point c'était douloureux. Beaucoup plus qu'on pouvait se l'imaginer.
- Tu veux m'expliquer comment ça s'est passé ? lui avais-proposé avant de lui servir un verre de soja, qu'il goba d'une traite.
- On s'est posé dans un café, très mignon, lumière tamisée, bonne ambiance quoi ! Il renifla. Puis j'ai essayé de lui expliquer que l'apparence n'avait jamais vraiment compté pour moi, que j'aimais les gens et pas leurs entre-cuisses.
- Euh... T'as vraiment formulé comme ça ?
Il avait fait une drôle de grimace, répondant à ma question. Abruti.
- J'étais stressé ! Et comme elle ne comprenait rien, j'ai dû lui dire clairement.
- T'as dit quoi ?
- Je suis bisexuel, mais ça ne change rien entre nous et l'amour que j'ai pour elle.
- Et ça n'a pas fonctionné ?
- Non. Il resta silencieux quelques temps, une larme coulait le long de sa joue rougie par les émotions. Elle a commencé à crier, à dire que je la dégoûtais, que j'étais qu'un sale pédé, que c'était degueulasse, et que c'était bien fini entre nous.
- Wow.
Je ne savais pas quoi dire. Je n'avais pas su quoi dire quand Jeongin m'avait lancé tout ça à la figure, et je ne savais toujours pas quoi dire quand ça arrivait à un ami. Quel imbécile je faisais.
- Au fond je m'y attendais, avait-il continué avant de pouffer. Elle n'allait pas être la seule coréenne a accepter l'homosexualité, alors qu'elle est née et a grandi dans un pays qui nous traite comme des malades mentaux.
- Oui, c'est difficile à accepter mais malheureusement, à leurs yeux nous ne serions jamais rien de plus que des malades à soigner avec des décharges électriques. Ou encore des nuisibles à écraser rapidement.
- Ouais. Mais tu sais quoi ? Je ne regrette pas.
Sourcils froncés, je l'avais regardé dans les yeux. Comment pouvait-il dire ça ?
- Tu ne regrettes pas ? Avais-je répété.
- Non. Bien sûr, maintenant elle va le dire à absolument tous nos amis et je vais sûrement recevoir quelques messages pas très sympa mais je m'en fiche.
- Comment tu peux arriver à n'en avoir rien à faire ?
- Parce que tu es là, avait-il affirmé comme si c'était une évidence. Je sais que tu es là, que tu me comprends, et que tu ne me rejetteras pas à cause de ça. Je sais que tu comprends ce que je traverse, et notre amitié est ce qui m'aide à être fier de moi. Il y a aussi ma sœur. Maintenant que je vous ai tous les deux, je sens que je peux me battre pour qui je suis. Je ne veux plus avoir honte d'aimer les hommes ou les femmes. Je ne veux plus m'endormir en chialant comme un gamin, tout ça parce que j'ai peur qu'on découvre que je suis amoureux d'Orlando Bloom. Arrête de rire !
Autant son speech m'avait soudainement donné une immense confiance en moi, autant la fin m'avait fait explosé de rire.
Mais il avait raison.
Je comprenais pourquoi je n'avais jamais quoi su répondre à Jeongin. Pourquoi aurais-je à me défendre d'être moi-même ? Quel mal y avait-il à ça ?
J'aimais Chan. J'étais fou amoureux de lui depuis des années, et si j'avais eu un minimum de jugeote, je n'aurais jamais affronté ça seul mais main dans la main, avec lui. Ce n'était pas en restant enfermé dans ma chambre que la cause allait pouvoir bouger.
Il fallait que je téléphone à Chan. Était-ce les trois verres de soju ? Non, j'en étais certain, je devais lui parler.
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