Chapitre 3 - Eclosion
La journée s'écoula dans un flou indistinct aux yeux de Katsuki. Les paroles des professeurs résonnaient comme un bourdonnement lointain, chaque mot se diluant avant de trouver un sens. Le bruit habituel des conversations animées de ses camarades, des chaises raclant le sol ou des rires éclatant au fond de la classe semblait n'être qu'un fond sonore, incapable de percer le brouillard de pensées qui l'enveloppait. Ses doigts jouaient distraitement avec son stylo, frappant la table à intervalles réguliers, tandis que son regard fixait un point inexistant à travers la fenêtre.
Son esprit était ailleurs. Il n'arrivait pas à se défaire de cette sensation étrange, un poids qu'il ne parvenait ni à identifier, ni à ignorer. Il ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'oeil discrets vers la table vide de Deku, vers cette absence criante qui, étrangement, n'avait attiré l'attention de personne. Pas un mot, pas une question. Pas même de la part des professeurs. Comme si sa disparition allait de soi. Tout le monde semblait avoir accepté cette absence comme une banalité, comme si Deku n'existait que dans l'ombre, interchangeable et oubliable.
Pour tout le monde, sauf pour lui.
Et cela le dérangeait.
Qu'est-ce qui lui prenait à ressasser autant sur Deku ? Ce n'était pas la première fois qu'il manquait des cours. Depuis qu'ils étaient enfants, Deku disparaissait régulièrement pour des rendez-vous à l'hôpital, par exemple, manquant ainsi des journées entières en laissant derrière lui des affaires soigneusement alignées, comme une preuve de son passage. Alors pourquoi, aujourd'hui, le simple fait de voir son sac abandonné au pied de sa chaise lui serrait-il autant la gorge ?
Il ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'oeil furtifs au vieux sac élimé dont les coutures fatiguées semblaient sur le point de lâcher, comme s'il recelait un secret qu'il devait percer. Une tension sourde s'installait dans sa poitrine à chaque fois que son regard glissait dans cette direction. Impossible de se concentrer. Impossible d'évacuer ce trop-plein de pensées avant la fin des cours.
— Ohé, Bakugo ! lança Tsubasa en agitant une main devant son visage. T'es dans la lune ou quoi ?
Katsuki cligna des yeux, ramené brutalement à la réalité.
— T'as un problème ? rétorqua-t-il sèchement, se levant brusquement de sa chaise.
Tsubasa et Tesaki échangèrent un regard curieux. Tesaki, le plus nonchalant des deux, croisant les bras avec un sourire moqueur.
— Disons qu'après ton coup de ce matin, t'as l'air un peu... tendu, le nargua-t-il d'un ton narquois.
— Et qu'est-ce qu'il s'est passé ce matin, exactement ? grogna-t-il en plantant ses yeux dans ceux de son camarade, une veine battant à sa tempe.
Le ton menaçant fit reculer Tsubasa, plus nerveux, qui s'empressa de jeter un coup d'oeil vers le professeur encore absorbé par ses corrections.
— Laisse tomber, Hashiga, lui murmura-t-il en tirant sur la manche de son ami. T'as vu la tête du prof ? Il pourrait nous entendre.
Tesaki leva les mains en signe de paix, même si son sourire demeura provocateur. Katsuki n'ajouta rien de plus. Il attrapa son sac d'un mouvement brusque et y fourra ses affaires sans grande attention. Ses gestes étaient mécaniques, presque violents. Ils s'apprêtaient enfin à quitter la salle quand la voix du professeur les arrêta net :
— Attendez, vous trois.
Les trois adolescents se jetèrent un regard interrogateur avant de se retourner vers l'enseignant qui arborait une mine lasse devant son bureau en désordre. Il ajusta ses lunettes et désigna le pupitre au fond de la classe :
— Je vais avoir besoin de vous pour ça, dit-il en désignant le sac. Midoriya est noté absent, mais personne n'a répondu quand j'ai essayé de joindre son domicile. Je ne peux pas laisser ses affaires ici. Vous pourriez les prendre ?
— Pourquoi nous ? grommela Katsuki en croisant les bras.
Le professeur haussa les épaules, visiblement indifférent :
— Parce que vous êtes les derniers élèves encore présents. Et vous habitez tous dans le même quartier, non ? Débrouillez-vous.
Un silence s'installa. Tsubasa pouffa, mais Tesaki haussa un sourcil, mécontent. Katsuki, lui, resta impassible.
— Ne faites pas cette tête, ajouta le professeur en empilant les dernières copies en vrac sur son bureau. Ce n'est pas un sac si lourd.
Et il s'effaça, ne laissant pas vraiment le choix à ses élèves. Avec un soupir agacé, Katsuki attrapa brusquement le sac. Il se demanda brièvement ce qu'il allait bien pouvoir en faire, mais il ne fit aucun commentaire et quitta la salle de classe avec ses camarades.
A l'extérieur, l'air frais de la fin d'après-midi leur caressait le visage, mais cela ne suffit pas à apaiser Katsuki. Au fur et à mesure qu'ils s'éloignaient du bâtiment scolaire, ses deux amis semblaient se relâcher un peu pour reprendre leur routine habituelle, ponctuée de chamailleries et de blagues à la moindre occasion.
— Bon, alors, on fait quoi de ça ? questionna finalement Tsubasa au bout d'un moment.
— On le balance ? suggéra Tesaki, mi-sérieux, mi-amusé.
Katsuki ne releva pas, mais serra davantage les bretelles du sac entre ses doigts comme pour marquer son désaccord.
— Oh, allez, ça va ! On rigole, mec ! protesta Tesaki en voyant que ça ne faisait pas réagir son camarade.
— Sauf que ce n'est pas drôle, rétorqua-t-il d'une voix sèche. Vous voulez vraiment qu'on nous accuse d'avoir abîmé ses affaires ? Vous êtes cons ou quoi ?
Tsubasa et Tesaki levèrent les yeux au ciel, mais abandonnèrent cette idée, du moins temporairement. Katsuki savait qu'il avait raison : se faire prendre à jouer avec les affaires de Deku leur attirerait des ennuis inutiles.
— Bon, laissez-moi m'en occuper, ajouta-t-il finalement en serrant un peu plus le sac contre son épaule.
Même en le disant, il n'avait aucune idée de ce qu'il comptait faire. Le rendre à son propriétaire en personne ? Le laisser traîner quelque part chez lui ? Le ramener le lendemain à l'école, comme si de rien n'était ? Peu importe. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il voulait qu'on lui fiche la paix une bonne fois pour toutes. La journée avait déjà été assez éprouvante.
Des éclats de voix sortirent Katsuki de ses pensées. En relevant la tête, il s'aperçut qu'ils étaient déjà arrivés près du parc du quartier. A cette heure, l'endroit grouillait d'enfants. Certains chahutaient en grimpant sur les balançoires tandis que d'autres se lançaient dans des courses effrénées autour du toboggan. Les rires, les cris, les couleurs des vêtements éclatants sous la lumière de fin d'après-midi composaient une scène à la fois vivante et paisible. Katsuki ressentit un drôle de pincement au coeur, une vague de nostalgie mélangée à une pointe de mélancolie, comme un souvenir qui l'effleurait timidement sans se montrer clairement.
Tsubasa, remarquant son regard qui s'égarait fugacement, lança avec enthousiasme :
— On peut s'y arrêter un peu ? J'ai bien envie de tester à nouveau ta console.
— Sérieusement ? rétorqua Katsuki, haussant un sourcil.
— Bah ouais, je dois encore prouver à Nomu qu'il est à chier, fanfaronna Tesaki de son air arrogant habituel.
— Tu vas voir qui c'est qui est nul ! Je vais te mettre une raclée !
Tsubasa était visiblement chauffé à bloc. Le ton léger de la conversation et les éclats de rire réussirent à détendre un peu Katsuki, même si son visage restait fermé. Ils s'installèrent sur un banc à l'abri du vent et à l'écart des regards curieux des enfants. Les buissons qui entouraient la zone étaient épais et chargés de feuilles, ajoutant une impression d'intimité à l'endroit. Le printemps était presque derrière eux, mais ses vestiges palpitaient encore dans l'air : le bourdonnement des abeilles qui butinaient frénétiquement, les oiseaux chantant entre les branches des arbres et le parfum subtil des fleurs qui finissait d'embaumer les environs.
Tsubasa et Tesaki s'étaient déjà plongés dans leur éternel duel d'ego sur la console. Les éclats de rire et les insultes bon enfant fusaient à chaque échange. Tesaki, visiblement plus habile que Tsubasa, monopolisait la console de Katsuki, mais ce dernier n'y prêta qu'une attention distraite.
Son regard s'égara de nouveau au-delà des arbres, fixant un point invisible à l'horizon avant de glisser, malgré lui, vers le sac de Deku posé à ses pieds. Du bout des doigts, il effleura le tissu rugueux et usé. Les détails lui sautèrent alors aux yeux : les coutures fatiguées, les badges All Might qui le recouvraient... Il y en avait une bonne dizaine, de formes et de tailles variées – ronds, brillants, certains légèrement éraflés – mais chaque badge semblait avoir été placé avec soin, comme pour cacher des parties du sac particulièrement abîmées. Ce sac, il le comprit rapidement à présent qu'il prenait le temps de l'observer, était le même que Deku se trimballait depuis l'école primaire. Tout comme son propriétaire, il portait les marques du temps, mais tenait obstinément debout.
Katsuki sentit un étrange frisson remonter le long de sa colonne vertébrale. Il n'avait jamais prêté attention à ce genre de détails, auparavant. Pourtant, quelque chose le dérangeait aujourd'hui, quelque chose qu'il ne parvenait pas à nommer.
— Se doit être parce que ce crétin a voulu jouer au fantôme, pensa-t-il dans un grognement mental.
Mais, au fond, il savait que ce n'était pas la seule raison. Quelque chose d'autre le troublait. Il revoyait encore ces fleurs, si nettes, sur le poignet d'Izuku ce matin. Ce détail, imperceptible aux yeux de Tsubasa et Tesaki, continuait de résonner en lui, comme une vérité à laquelle il ne parvenait pas à faire face. Comme un murmure qui refusait de le laisser en paix.
— Eh, Bakugo, lança soudain Tesaki en interrompant sa partie. On pourrait balancer le sac ici, dans les buissons. On est loin de l'école, personne ne saura que c'est nous.
— Sérieux ? ricana Tsubasa, toujours aussi amusé par cette idée.
— Bah ouais ! Si Deku vient pleurer, on dira qu'on s'est fait agresser et qu'on a dû fuir, ou quelque chose comme ça. Y'aura aucun témoin, ajouta Tesaki en haussant les épaules.
Katsuki fronça les sourcils :
— C'est complètement débile.
— Peut-être, mais pas aussi débile que d'écrire des conneries sur son bureau ou de mettre de la terre dans ses chassures. Ca ne tente pas un peu ? insista l'adolescent en le regardant avec insistance.
Katsuki détourna aussitôt les yeux. Il savait que c'était idiot, qu'il n'avait rien à y gagner, comme tout ce qu'il avait pu faire auparavant et qu'avait si bien souligné Tesaki. Mais une part de lui hésitait. Après tout, pourquoi s'en soucierait-il ? Ce sac, ce stupide sac, n'avait pas la moindre importance pour lui. Et il ne s'était jamais autant torturé les pensées pour s'en prendre à Deku de manière directe ou détournée.
Alors pourquoi, bon Dieu, pourquoi hésitait-il encore ?
— Fais ce que tu veux, marmonna-t-il finalement.
Avant même que Tesaki ou Tsubasa ne puissent réagir, Katsuki se leva et, d'un geste, envoya le sac dans le premier buisson à sa portée. Le bruit mat de sa chute entre les branches fragiles fit taire ses amis pendant un instant. Puis, Tesaki éclata de rire :
— Bon, bah, c'est réglé !
Katsuki resta silencieux une fois de plus, mais sa mâchoire ne se desserra pas. Il récupéra finalement sa console, mettant un terme à cette halte au goût amer et le trio quitta le parc. Tsubasa et Tesaki continuaient de se chamailler au sujet de leur jeu tandis que Katsuki se contentait de suivre la conversation d'une oreille distraite. Le poids dans sa gorge était revenu. Ce geste ne l'avait pas apaisé.
La fin de journée s'écoula sans éclat, rythmée par des gestes familiers. Katsuki avait jeté son sac à dos dans un coin de sa chambre, comme à son habitude, avant de se poser sur son bureau pour griffonner quelques devoirs. Mais il peinait à se concentrer. Les chiffres et les mots semblaient flotter devant ses yeux, incapables de former un sens concret.
Avec un soupir agacé, il balança son stylo sur la table et attrapa sa console portable. Le jeu, habituellement si immersif, ne parvint pas à occuper son esprit bien longtemps. Il alterna entre quelques parties rapides et des moments où il fixait l'écran d'un air torve, sans bouger, perdu de nouveau dans les pensées qu'il aimerait éviter.
Quand sa mère l'appela enfin pour mettre la table, il obéit sans broncher, chose rare pour le souligner. En général, il répondait toujours quelque chose : un grognement mécontent, une pique acerbe ou remarque sarcastique. Mais pas ce soir. Il resta silencieux, ramassa mécaniquement les assiettes et les disposa à leur place habituelle sans un mot. Son mutisme inhabituel attira immédiatement l'attention de ses parents.
Le dîner fut servi peu après. Katsudon maison, ce soir-là, un de ses plats préférés, mais il n'en apprécia même pas l'odeur. La maison était fidèle à elle-même, bruyante et animée. Mitsuki, sa mère, parlait fort, sa voix claquant comme un fouet même lorsqu'elle abordait des sujets anodins.
— Ton père a encore oublié d'acheter le détergent, annonça-t-elle pendant un moment, comme si elle relatait une trahison de la plus haute importante.
A ses côtés, Masaru restait égal à lui-même, doux et effacé. Il hochait la tête distraitement tout en jetant des coups d'oeil au poste de télévision, réglé sur l'une des chaînes d'informations qu'il aimait regarder en mangeant, malgré les remarques incessantes de sa femme sur ces "idiots de politiciens".
Malgré ce tableau habituel, confortable et familier, Katsuki ne parvenait pas à se fondre dans l'ambiance. Il mâcha distraitement son repas, son regard fixé sur son assiette comme si elle contenait toutes les réponses aux tourments silencieux qui bouillonnaient dans sa tête. La viande, pourtant tendre et savoureuse, semblait avoir autant de saveur dans sa bouche qu'une semelle usée. Il se sentait engourdi, comme enveloppé dans un brouillard qu'il ne parvenait pas à dissiper.
Masaru finit par rompre le fil de ses pensées :
— Tu n'as pas l'air bien, ce soir, Katsuki, lança-t-il doucement, ses yeux plein de sollicitude. Tout va bien ?
— Lâche-moi, le vieux, répondit laconiquement l'adolescent sans lever les yeux, la voix basse et lasse.
Le ton était presque détaché, mais l'insolence resta suffisamment marquée pour que Mitsuki réagisse au quart de tour.
— Katsuki ! gronda-t-elle, ses sourcils se fronçant aussitôt. C'est quoi cette façon de parler à ton père ? Un peu de respect, tu veux ?
Elle n'attendit pas de réponse, elle ne le faisait jamais. La voix de Mitsuki monta immédiatement, grondant comme un orage prêt à éclater, envahissant la pièce avec une force que seul Masaru tentait d'amortir, en vain.
— Allons, chérie, calme-toi... Il est peut-être juste fatigué.
-— Fatigué ?! Tu veux dire malpoli ! Ce garçon ne fait aucun effort !
D'habitude, Katsuki aurait répondu avec la même hargne caractéristique de sa mère, la défiant sur son propre terrain, rendant leurs disputes presque sportives pour toute personne qui n'y était pas habituée. Mais pas ce soir. Aujourd'hui, ses épaules étaient tendues, ses traits tirés par un poids invisible. Quand Mitsuki haussa une nouvelle fois la voix, il sentit une vague de lassitude monter en lui, noyant la colère habituelle.
Il poussa sa chaise en arrière, le bruit sec des pieds de métal coupa net la tirade de sa mère.
— Katsuki, où est-ce que tu vas ? demanda-t-elle, son ton oscillant entre surprise et agacement.
Il ne répondit pas, attrapa un manteau suspendu dans l'entrée et ouvrit la porte.
— Reviens ici ! cria Mitsuki. Tu vas finir ton-
La porte claqua derrière lui, coupant court à tout reproche et cris inutiles.
Katsuki se retrouva dehors, plongé dans la fraîcheur de la nuit. L'air était un peu plus vif que cet après-midi, chargé de l'humidité caractéristique des soirées de printemps. Une fine brise fit voleter ses mèches blondes contre son front alors qu'il s'arrêta un moment sur le pas de la porte, inspirant profondément. Le contraste entre le silence du quartier et l'agitation de la maison qu'il venait tout juste de quitter était presque assourdissant.
Il n'avait pas pris la peine d'allumer les lumières du porche. Seuls les lampadaires diffusaient leur lumière orangée, projetant des ombres mouvantes sur le trottoir. Il enfonça les mains dans les poches de son manteau, le tissu rêche frottant contre ses doigts, et se mit à marcher sans but précis.
Le froissement de ses chaussures sur le bitume résonnait faiblement dans l'air calme. Il ne savait pas où aller exactement et il s'en fichait pas mal. Ce qu'il voulait, c'était fuir l'atmosphère oppressante de chez lui, les regards inquisiteurs de ses parents, les questions auxquelles il n'avait pas envie de répondre. A l'extérieur, au moins, il connaissait chaque maison, chaque recoin, chaque raccourci : ici, l'air était toujours plus frais près des haies mal entretenues ; là, il fallait éviter de marcher trop près des rebords parce qu'un chien du voisinage y laissait toujours sa marque...
Mais le silence de la nuit n'effaça pas les pensées qui tournaient en boucle dans son esprit. Ses pas le menèrent vers la supérette du coin, attiré comme un papillon de nuit par les néons blafards du panneau "Ouvert 24H/24" placardés sur la devanture, agressifs. La porte automatique s'ouvrit dans un tintement mécanique et il pénétra à l'intérieur.
L'ambiance était typique des supérettes tardives : une tranquillité étrange, ponctuée par les bruits électroniques des scanners de caisse et le bourdonnement constants des réfrigérateurs. L'endroit était presque désert. Une caissière à l'air blasé jouait discrètement sur son téléphone, son expression à moitié dissimulée par le présentoir à sucreries. Plus loin, un homme, apparemment épuisé par sa journée de dur labeur, hésitait entre deux plateaux-repas devant un rayon. Derrière encore, une mère fatiguée essayait tant bien que mal de calmer un bébé qui gazouillait doucement, les joues rougies.
Une scène banale, presque insignifiante. Pourtant, Katsuki eut l'impression de faire tache dans la scène et que tous les regards bifurquait tôt ou tard sur lui, comme des projecteurs invisibles éclairant son malaise intérieur. Il se força à ignorer cette sensation et se dirigea vers un rayon familier, saisissant sa boisson préférée. Ses doigts effleurèrent la canette froide, mais même ce contact ne parvint pas à ancrer totalement ses pensées dans le moment présent.
Il se dirigea vers la caisse, où l'employée leva les yeux de son écran, mâchant bruyamment un chewing-gum.
— 150 yens, lança-t-elle d'une voix traînante, comme si prononcer ces deux mots lui demander un effort surhumain.
Katsuki fouilla dans la poche intérieure de son manteau et en sortit un billet froissé qu'il claqua sur le comptoir sans un mot. La caissière haussa un sourcil, mais ne fit aucun commentaire. Elle en avait sûrement déjà vu d'autres. Il n'attendit même pas sa monnaie et tourna les talons pour quitter l'endroit. La lumière blanche de l'éclairage lui brûlait les rétines et le grésillement des machines lui semblait insupportable à ses oreilles. Plus insupportable encore, c'était le poids du regard de ces inconnus, réel ou imaginaire. Il n'osa pas croiser celui de l'homme au plateau-repas qui attendait patiemment qu'il dégage le passage, comme s'il aurait pu confirmer ses craintes.
De retour à l'extérieur, Katsuki inspira une nouvelle fois profondément l'air frais de la nuit. L'obscurité et le silence l'accueillirent de nouveau. Il décapsula sa canette et en avala une longue gorgée. Le liquide glacé coula dans sa gorge, mais le goût, pourtant familier, lui sembla tout aussi fade que la viande au dîner. Amer, même, comme s'il reflétait son état d'esprit.
Son pas, d'abord incertain, le guida une fois de plus vers le parc. Ce lieu l'appelait sans qu'il n'en sache véritablement la raison.
Quand il y arriva, il trouva les lieux déserts. Pas un bruit, si ce n'était le léger murmure des feuilles agitées par la brise. Les lampadaires continuaient de répandre leur lumière diffuse et vacillante, insuffisante pour chasser les ombres qui se glissaient dans les recoins éloignés du parc et qui effleuraient les racines noueuses des grands chênes. Mais même dans cette pénombre, Katsuki reconnut immédiatement les lieux et y trouva un certain réconfort.
Chaque détail était imprégné de souvenirs d'enfance auxquels il n'avait plus songé depuis des années. Ce banc, là-bas, avec sa peinture jaune écaillée par le temps, était celui où il s'asseyait autrefois avec Izuku. C'était leur rituel : il échangeait ses biscuits au chocolat avec les petits gâteaux à la fraise de son ami, riant aux éclats à chaque bouchée, comme si le monde se résumait à ce simple partage. Plus loin, les balançoires grinçantes se mouvaient légèrement sous l'effet du vent, comme hantées par des fantômes du passé. Katsuki se souvint des heures passées à se défier, chacun essayant de se balancer plus haut que l'autre. Izuku riait toujours, même quand Katsuki gagnait.
— T'es trop fort, Kacchan ! disait-il, les yeux brillants d'admiration.
Ces souvenirs lui serrèrent la gorge. C'était comme regarder une autre vie, appartenant à un autre lui, un garçon plus innocent et plus léger. Il porta une nouvelle fois la canette à ses lèvres, mais même l'amertume de la boisson ne parvint pas à dissiper le poids dans sa poitrine.
Il s'avança lentement vers le banc jaune et s'y abandonna lourdement. Le bois froid et lisse lui sembla étrangement réconfortant. Katsuki leva les yeux vers le ciel, cherchant quelques réponses parmi les étoiles, mais la nuit resta obstinément muette et son coeur se serra.
Il revoyait la pente glissante qu'il avait empruntée, cette fameuse pente dont il avait du mal à se détourner. Ce jour-là, Izuku et lui jouaient, comme à leur habitude, à des jeux idiots, défiant toujours un peu plus les limites. Ils riaient au nez du danger, deux gamins inconscients, invincibles dans leur petite bulle d'enfance. Katsuki ne savait plus très bien qui avait proposé de grimper ce grand arbre, mais il était presque certain que c'était lui. C'était typique de son comportement imprudent : il aimait montrer qu'il était le meilleur et qu'il n'avait peur de rien.
Il se souvenait encore de la sensation qui l'avait envahi à mesure qu'il grimpait : ce mélange grisant de fierté et d'excitation. Son coeur battait alors à tout rompre, ses joues s'étaient empourprées sous l'effort et ses mains avaient aggrippé avec force les branches qui devenaient de plus en plus fines. Il était invincible, ou du moins il en était fermement convaincu. Jusqu'à ce que la branche sous son pied glisse.
Une seconde d'inattention, un bois un peu trop humide, et tout avait basculé. Littéralement. La chute semblait infinie, comme si le temps s'était ralenti pour prolonger son agonie. L'adrénaline avait noyé son corps, noyant tout autre sentiment, sauf la peur. Une peur brute, primitive. Il se souvenait de cette vision floue d'Izuku au dessus de lui, de sa main tendue pour le rattraper, comme si ses petits bras d'enfant auraient pu y parvenir. Il avait crié son nom, un cri déchirant, et Katsuki avait cru qu'il allait s'écraser, que c'était la fin.
Soudainement, des dizaines de petites branches s'étaient soudainement allongées, bifurquant de toutes parts pour amortir sa chute. Katsuki s'était retrouvé au sol, sain et sauf, le souffle court, les battements de son coeur résonnant à ses oreilles comme des tambours de guerre.
Katsuki déglutit difficilement. Ce souvenir, il l'avait pourtant enterré profondément en lui pour ne jamais y repenser. Pas parce qu'il avait eu peur des pouvoirs d'Izuku. Non, ce n'étaient pas ses bourgeons lumineux, ces fleurs aux éclats étranges qui l'avaient effrayé. Ce qu'il avait craint, c'était de mourir. Une peur viscérale, brutale, qu'il n'avait jamais su verbaliser.
Mais, au fond, ce n'était pas ce souvenir qui lui pesait le plus. Ce qui le hantait plus profondément, c'était ce qui avait suivi cet accident. Une toute autre chute, plus insidieuse, plus lente, avait marqué la fin de son amitié avec Izuku. Cette pente encore plus glissante avait été marquée d'abord par cette main tendue qu'il avait refusée. Par colère, par fierté. Ou peut-être aussi par honte. Les adultes avaient déjà commencé à parler avant ça, évidemment, mais il leur avait mâché le boulot. Les murmures, les regards en biais, les interdictions subtiles... Katsuki avait entendu ses parents parler à voix basse, évoquant Izuku et ce qu'il était devenu : un danger. Les autres enfants avaient suivi l'exemple des adultes assez rapidement, plus par obligation que par méchanceté véritable. Et lui... lui s'était enfermé dans un silence complice.
Au départ, il s'était dit que tout cela n'était que temporaire, que les choses se calmeraient d'elles-mêmes. Peut-être que tout pourrait redevenir comme avant, un jour. Mais les mises en garde des parents ne s'étaient jamais arrêtées.
Il se souvenait encore parfaitement du jour où Izuku était revenu à l'école, souriant. Les autres enfants l'ignoraient ostensiblement, au risque sinon de s'attirer la foudre de leurs parents. Mais Izuku traînait souvent avec eux, alors il s'était mis à les suivre inlassablement pendant trois jours. Katsuki avait bien essayé de braver cet interdit durant ces jours pénibles, il désirait mettre un terme à ces broutilles d'enfant en accordant de nouveau toute son attention vers son ami, mais Tesaki – ce sale petit mouchard – avait rapporté l'affaire à sa mère. Katsuki s'était pris un savon monumental en rentrant chez lui, ce jour-là.
Après cela, il avait arrêté d'essayer. Pas par méchanceté, mais par instinct de survie. Qu'est-ce que le petit lui de quatre ans pouvait faire face au dragon qui lui servait de mère ? Même Masaru n'était pas rassuré par cette histoire. Mais il n'avait pas pu s'empêcher de serrer les poings chaque fois qu'il croisait Izuku. Ce dernier continuait d'avancer, seul, souriant parfois, comme si rien ne pouvait l'atteindre. Comme si leur amitié passée n'avait été qu'un détail insignifiant, une parenthèse dans sa vie qui ne méritait pas qu'on s'y attarde.
Cette idée l'avait rendu fou. Une rage sourde s'était insinuée en lui, accompagnée d'une douleur qu'il ne comprenait pas, qu'il ne savait pas gérer à cet âge-là. Alors, il avait insulté Deku. Pour le provoquer, pour obtenir une réaction quelconque, n'importe laquelle. Juste pour prouver qu'il comptait encore, qu'il existait quelque part dans l'esprit de son ancien ami.
Mais Deku était resté stoïque, encore et encore.
Alors les insultes étaient devenues des moqueries. Puis les moqueries s'étaient muées en violence. Etrangement, personne ne l'avait jamais dénoncé pour ça. Peut-être parce que tout le monde avait pris l'habitude de détourner le regard quand il s'agissait d'Izuku. Et Katsuki s'était enfoncé, chaque jour un peu plus, incapable de dire à quel moment précis leur amitié avait pris fin et à quel moment sa haine avait pris sa source.
Katsuki inspira profondément, les épaules toujours aussi tendues. Aujourd'hui, la vérité lui sauta aux yeux avec une clarté cruelle : ce qu'il avait fait, ce qu'il avait laissé se produire, avait eu des conséquences. Deku était humain, malgré ses dons. Humain, mais brisé. A cause de lui.
D'un pas mécanique, il se dirigea vers les buissons et récupéra le sac d'Izuku qui n'avait toujours pas bougé, se griffant le dos de la main avec les petites branches récalcitrantes à l'idée d'être dérangée une nouvelle fois. Il observa longuement cette chose si banale, remplie de cahiers et de stylos. Elle lui semblait à présent d'un symbolisme écrasant. Que devait-il faire, à présent ? Le ramener formellement chez Izuku ? Cela faisait si longtemps qu'il n'y avait pas mis les pieds. Est-ce qu'Inko lui ouvrirait la porte ou le chasserait-elle comme il le mériterait ? Est-ce que ça se faisait de sonner aussi tardivement chez les gens, même ?
Katsuki soupira, se passant une main dans les cheveux. Tout en lui hurlait de ne pas attendre le lendemain. Il refusait de rendre ce sac devant ses amis, de faire tourner en bourrique une nouvelle fois Izuku, faire passer le tout comme une mauvaise plaisanterie. Ce n'était pas le cas. Pas cette fois.
Les battements de son coeur s'accéléraient à mesure qu'il serrait le sac contre lui. Il lui fallait prendre une décision. La bonne, cette fois-ci.
Totalement perdu dans ses pensées, absorbé par le tumulte de ses souvenirs, Katsuki ne prêtait plus attention à ce qui l'entourait. Le parc semblait toujours aussi désert, pourtant une silhouette encapuchonnée avait pénétré l'espace, avançant doucement sur le chemin de gravier usé.
Izuku, sous le couvert de sa capuche, s'arrêta net en reconnaissant la silhouette de Katsuki, son souffle se bloquant dans sa poitrine à sa simple vision. Instinctivement, il fit un pas en arrière, prêt à faire demi-tour et s'éloigner. Mais son regard s'arrêta brusquement sur l'objet que Katsuki tenait dans sa main. Son sac à dos.
Un frisson glacé le traversa, aussitôt remplacé par une chaleur brûlante qui montait en lui, fulgurante et incontrôlable. La colère, qui depuis des années se faisait une place discrète dans les tréfonds de son être, éclata soudain comme un barrage cédant sous la pression.
C'était trop. Trop pour aujourd'hui, trop pour une vie entière à porter le poids du mépris et des regards fuyants. Ce sentiment oppressant, si familier, le poussa à rester, à confronter celui qu'il fuyait depuis des années.
En quelques enjambées précipitées, il traversa la distance qui les séparait, la rage bouillonnant dans chaque mouvement, faisant frémir les feuilles autour d'eux. Kastuki sursauta en le voyant surgir ainsi, ses yeux s'écarquillant une fraction de seconde. Avant qu'il ne puisse esquisser un geste, Izuku lui arracha brutalement le sac des mains. La fermeture grinça sous le geste, le son tranchant dans l'air comme un cri d'agonie.
— T'es sérieux, là ? cracha Izuku, la voix rauque, étranglée par une émotion qu'il ne cherchait plus à contenir. Qu'est-ce que tu fabriques ici avec ça ?
Katsuki, pris au dépourvu, balbutia un début d'explication :
— Je... je voulais te le rendre !
Mais Izuku n'écoutait pas. Il ne voulait pas entendre. Son corps tout entier tremblait, ses mains crispées sur les bretelles de son sac, ses ongles s'enfonçant presque dans la toile abîmée. Ses yeux descendirent un instant vers les restes du buisson, à moitié détruit. Il comprit. Il avait fouillé là-dedans. D'un geste brusque, il ramena le buisson à son état d'auparavant. Katsuki parut soufflé une seconde fois.
— Me le rendre ?! Tu penses que je vais te croire ? Après tout ce que tu as fait ?!
— Eh, calme-toi, j'essaye juste de-
— De quoi, hein ? De te racheter une conscience ? coupa Izuku avant qu'il ne puisse terminer. C'est ça, Katsuki ? Ca t'amuse de te prendre soudainement pour un gentil ?
Les mots d'Izuku résonnèrent dans l'air, lourds de colère, mais aussi de douleur. Une douleur profonde, enfouie, qu'il n'avait jamais laissé transparaître jusqu'ici.
De son côté, Katsuki se raidit davantage. Les accusations d'Izuku étaient comme des coups de poing, frappant là où il savait qu'il avait tort, mais il ne pouvait pas riposter. Pas cette fois. Pourtant, la colère, l'orgueil, et cette fichue incapacité à laisser les choses glisser lui nouaient la gorge.
Il jeta des coups d'oeil furtifs au buisson, comme s'il allait se mettre à l'attaquer. Izuku ne s'en rendait pas compte, mais les branches et les racines autour de lui se mouvaient pour les entourer. Elles échappaient à son contrôle.
— Je... je ne fais pas ça pour m'amuser, espèce d'idiot ! répliqua-t-il, sa voix montant malgré lui. Tu crois que c'est facile pour moi, de-
— Facile pour toi ?! rugit Izuku, ses yeux s'emplissant de larmes qu'il refusait de laisser couler. T'as déjà une vie facile, Katsuki Bakugo. Tu ne sais rien de ce que c'est de vivre comme moi !
La nuit elle-même semblait retenir son souffle, alors que leurs cris déchiraient le silence. L'aboiement lointain d'un chien retentit quelque part, mais ni l'un ni l'autre ne s'en soucia.
— Tu crois que tu peux juste venir comme ça et tout effacer ? lança-t-il, la voix brisée par cette colère qui n'était qu'une façade pour masquer sa douleur. Il fallait te réveiller bien avant.
Il fit un pas en arrière, la main crispée sur la sangle de son sac, prêt à tourner les talons. Mais Katsuki tendit instinctivement un bras pour le retenir, agrippant avec douceur sa manche.
— J'ai vu ton bras, avoua-t-il dans un souffle.
La phrase, tombée comme un couperet, suspendit le mouvement d'Izuku et les plantes autour d'eux. Il avait plongé la journée dans les doutes, mais Katsuki confirmait ses craintes les plus grandes. Son corps se raidit et il tourna lentement la tête vers son ancien ami, le regard vert brillant de larmes dans l'obscurité.
— Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ? trancha-t-il. Maintenant, tu sais, et alors ? Tu vas aller le dire à tout le monde, c'est ça ? Vas-y, je t'en prie. Dis-leur haut et fort qu'Izuku Midoriya – non, Deku, pardon – est un monstre. Ca ne changera rien.
Sa voix trembla légèrement sur la dernière phrase et Katsuki se figea. En face de lui, ce n'était pas le garçon souriant et plein de vie qu'il avait connu autrefois. Ce n'était pas non plus le même jeune homme qu'il avait appris à ignorer et à mépriser, à insulter et à tourmenter. Non, ce qu'il voyait là, c'était une version brisée, désillusionnée d'Izuku.
Izuku s'avança d'un pas, son visage soudain à découvert sous la lumière d'un lampadaire. Ses traits fins, d'ordinaire calmes, étaient tordus par une fatigue écrasante.
— T'as aucune idée de ce que c'est, hein ? Tu ne sais pas ce que c'est d'être détesté par tout le monde, parce que tu es toi. Tu ne sais pas ce que ça fait de voir ta mère se tuer à la tâche pour un gosse qui va crever.
Katsuki ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit.
— Je suis fatigué, Katsuki. Fatigué de tout ça.
Izuku se dégagea enfin de sa poigne. Le silence qui suivit ses mots était presque palpable. Katsuki, toujours dans l'incapacité de répondre, sentit ses mains trembler légèrement. Lui qui avait toujours une réplique, une insulte, quelque chose à dire, se retrouvait là, vidé de toute répartie.
Alors, il fit la seule chose qu'il pouvait faire :
— Je suis désolé, murmura-t-il, presque inaudiblement.
Izuku le fixa, les yeux toujours brûlant de larmes. Ses épaules se tendirent, et pendant un instant, Katsuki crut qu'il allait lui hurler dessus, lui dire de disparaître, de ne jamais revenir. Mais au lieu de ça, les racines qui se plaisaient à lui lécher les chevilles se rétractèrent enfin à leur état initial et Izuku détourna le regard, ses traits se relâchant à moitié.
Il fit quelques pas pour s'éloigner, avant de s'arrêter. Sans se retourner, il laissa tomber d'une voix tremblante, mais ferme :
— Si t'es vraiment sincère... attends.
Katsuki releva légèrement la tête, surpris par ces mots.
— Attends que je sois prêt à t'entendre, reprit Izuku. Pour l'instant, je ne peux pas... je ne veux pas te voir.
Sa voix s'éteignit sur ces derniers mots et il reprit sa marche, s'éloignant légèrement dans l'obscurité. Les plantes du parc se calmèrent définitivement. La silhouette de son sac disparut peu à peu, brinqueballé par l'obscurité. Ses paroles résonnèrent encore dans l'esprit de Katsuki, comme une lueur vacillante dans le chaos qu'avait été sa journée. Il resta figé sur place encore un moment, presque certain qu'Izuku allait réapparaître d'un moment à l'autre pour lui dire d'oublier ce qu'il avait dit, avant de soupirer longuement en voyant que ce n'était pas le cas.
Ce n'était pas une fin. Ce n'était pas non plus un début. Mais c'était peut-être une chance. Une mince chance.
Et cette fois-ci, Katsuki comptait bien la saisir.
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