Chapitre 3
Les jours qui suivirent furent marqués par une série d'invitations mondaines, où les salons de la haute société de Londres se remplissaient de murmures et de regards curieux. J'y allais chaque soir, prenant soin de me fondre dans les conversations, d'écouter attentivement les potins, d'observer. Je devais comprendre ce monde qui était devenu mon refuge temporaire, mais qui pouvait tout aussi bien me trahir.
Mais ce qui me troublait le plus, c'était la présence récurrente de Lord William Hawthorne. Peu importait le bal ou la soirée, il apparaissait toujours au moment où je m'y attendais le moins. Chaque rencontre avec lui était une danse subtile, une tension constante, faite de regards échangés et de paroles à demi-mots.
Ce soir-là, Lady Lawrence m'avait emmenée à une réception organisée par la famille Blackwood, réputée pour leur faste et leurs bals somptueux. En pénétrant dans la salle aux lustres étincelants, j'eus un instant de vertige en contemplant l'opulence qui s'étalait devant moi : des robes de soie aux teintes éclatantes, des bijoux étincelants et des éclats de rire cristallins qui flottaient dans l'air.
Alors que j'observais la foule avec une distance prudente, je sentis une présence à mes côtés. William.
- Mademoiselle Khan, murmura-t-il, son regard pénétrant rivé sur moi, - vous semblez bien lointaine ce soir. Serait-ce le faste londonien qui vous épuise déjà ?
Je le regardai, un sourire aux lèvres, bien que mon cœur battait un peu plus fort.
- Pas du tout, Lord Hawthorne. Je vous observe, vous et votre entourage. Après tout, ne devrais-je pas me familiariser avec ceux qui m'entourent ?
- Une réponse habile.
Il me tendit son bras, et, bien que je sache que l'accepter attirerait encore plus de regards, je posai ma main sur le sien. Nous traversâmes la foule ensemble, et cette fois, je n'avais pas envie de fuir. Une partie de moi avait envie de voir où cette attirance mystérieuse nous mènerait, même si cela signifiait m'aventurer sur un terrain dangereux.
Nous nous retrouvâmes dans un coin plus tranquille du jardin, sous les arbres éclairés par de petites lanternes suspendues. Le bruit de la réception s'évanouissait dans le fond, et seul le bruissement des feuilles nous entourait.
William s'arrêta et me fixa d'un air sérieux, ses yeux plongés dans les miens.
- Aya, dit-il enfin, laissant tomber la formalité de mon prénom complet. - J'ai une question à vous poser, et j'espère que vous me répondrez honnêtement.
Je sentis mon souffle se suspendre, partagée entre l'envie de m'ouvrir à lui et la peur des conséquences.
- Posez votre question, William.
Il fit un pas vers moi, réduisant l'espace entre nous.
- Que fuyez-vous réellement ?
Je détournai les yeux, fixant un point dans le noir.
- Je ne sais pas de quoi vous parlez.
- Ne jouez pas à ce jeu avec moi, Aya. Je vois bien qu'il y a quelque chose en vous... quelque chose de plus sombre, de plus lourd. Chaque fois que nous parlons, je sens cette ombre qui plane autour de vous. Vous pouvez peut-être tromper les autres, mais vous ne pouvez pas me tromper.
Je pris une inspiration profonde, m'efforçant de contenir le flot d'émotions qui menaçait de m'envahir. J'avais si bien appris à me cacher derrière des sourires et des politesses ; pourtant, face à lui, ces barrières semblaient inutiles.
- Et si j'étais en fuite ? Qu'est-ce que cela changerait pour vous ?
Il s'approcha encore, ses yeux sombres fixant les miens avec une intensité troublante.
- Cela changerait que je serais prêt à vous protéger. Peu importe ce que vous fuyez, peu importe ce qui vous hante. Je sens en vous une force et une détermination qui me fascinent. Mais je refuse de vous voir vous noyer dans des secrets qui vous consument.
Ses paroles me frappèrent avec une douceur et une force à la fois. Depuis que j'étais arrivée à Londres, personne ne m'avait parlé ainsi, avec cette sincérité déconcertante. Personne n'avait jamais pris la peine de comprendre les raisons derrière mes sourires mesurés et mes silences.
Je pris une profonde inspiration, pesant mes mots.
- Si je vous disais que je suis poursuivie par des hommes dangereux, des hommes prêts à tout pour m'éliminer... me croiriez-vous ?
Il ne recula pas, ne laissa aucun signe de doute paraître sur son visage.
- Oui. Je vous croirais.
Cette réponse, simple et immédiate, me bouleversa plus que je ne l'aurais cru. Personne ne m'avait jamais accordé une telle confiance, sans questions, sans hésitation. Et pourtant, au lieu de me rassurer, cela me terrifiait davantage. Parce qu'en lui révélant une part de mon passé, je savais que je le mettais en danger.
- Vous ne comprenez pas, William, murmurai-je, la voix tremblante. - Ces hommes... ils ne reculeront devant rien. Ils sont puissants et sans pitié. Ils m'ont déjà retrouvée en Amérique, et il n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne m'atteignent ici.
Il posa sa main sur la mienne, ses doigts chauds et fermes me procurant un réconfort inattendu.
- Alors, nous les affronterons ensemble.
- Non ! Vous ne pouvez pas vous impliquer dans cette histoire, protestai-je, reculant légèrement. - Vous ne savez pas dans quoi vous vous embarquez !
Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres, révélant une détermination farouche.
- Aya, vous sous-estimez mon goût pour les défis. Je ne suis peut-être pas un héros, mais je ne peux pas vous laisser affronter cela seule.
Nous restâmes là, silencieux, nos regards plongés l'un dans l'autre. Dans ses yeux, je pouvais lire une promesse de loyauté et de protection, une force qui m'appelait à déposer enfin mes défenses. Mais en même temps, je savais que chaque instant passé à ses côtés le rapprochait davantage du danger.
Alors, peut-être sans même m'en rendre compte, je fis un pas vers lui. Mes barrières s'effritaient, mes peurs s'évanouissaient, et avant que je ne puisse réfléchir à mes actes, mes lèvres effleurèrent les siennes dans un baiser fugace, presque irréel. Ce fut à la fois un aveu et un adieu, un instant suspendu où mon cœur battait en harmonie avec le sien.
Lorsqu'enfin je me reculais, le souffle court, je vis l'éclat de surprise et de douceur dans ses yeux. Mais avant qu'il ne puisse parler, je fis un pas en arrière, retrouvant mon masque de détermination.
- William, nous ne devrions pas... murmurai-je, la voix brisée par l'émotion.
- Ne devrions pas quoi ? Laissez-moi vous aider ? Ou acceptez simplement que vous n'êtes pas seule ? répondit-il d'une voix basse, comme une promesse.
Je secouai la tête, incapable de supporter l'idée de l'entraîner dans mon monde de danger et de fuites.
- Je ne peux pas vous mettre en péril. Vous êtes mieux sans moi, William.
Et, avant que je ne perde mon courage, je tournai les talons et m'éloignai dans la nuit, laissant William debout dans le jardin, seul avec la révélation que je venais de lui faire.
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