Chapitre 3 - Partie 2
— Léonie ? m'interpella une infirmière dont j'ignorais le nom, monsieur Yelski refuse que je lui prenne ses constantes, mais son rythme cardiaque a l'air problématique.
Je ne réagis pas instantanément, ne faisant pas le rapprochement, mais lui emboîtai toutefois le pas, ma blouse tachée toujours sur moi. Ce ne fut que lorsque qu'on entra dans le couloir où se trouvait la chambre de Mischa que je compris. Je me précipitai dans la chambre, ordonnant à la pauvre femme de rester sur le pas de la porte, et constatai les dégâts de mes propres yeux. Il avait arraché brutalement tous les câbles qui le reliaient au moniteur et quelques gouttelettes de sang coulaient le long de ses bras. Le moniteur sonnait en continu, signe qu'il ne recevait plus de rythme cardiaque. Mischa était au milieu de la pièce, la tête entre les mains, mains qui étaient d'ailleurs également en sang. Je ne pris pas longtemps à faire le lien avec la petite table brisée dans un coin de la pièce.
— Qu'est-ce qui vous prend ! criai-je afin d'attirer son attention.
— Foutez-moi la paix ! Vous êtes tous les mêmes connards hypocrites de toute façon.
Je ne compris pas sa réaction, et craignant que son cœur ne s'emballe de plus belle, je baissai le ton et tentai de la calmer.
— Expliquez-moi ce qu'il s'est passé au lieu de me crier dessus comme ça. Je ne mérite pas votre colère.
Il releva alors les yeux et sembla seulement remarquer l'état dans lequel j'étais. Au vu de son regard inquiet, je ne devais pas avoir fière allure, entre mes cernes et ma blouse tachée, je devais ressembler à un cadavre.
— Qu'est-ce qu'il vous est arrivé ? me demanda-t-il d'une voix grave.
— Ce n'est pas mon sang, commençai-je doucement, un enfant s'est blessé le bras et j'ai dû le recoudre mais il saignait beaucoup.
Il parut soulagé et cela eut le mérite de le calmer légèrement.
— Maintenant, laissez-moi regarder votre état, l'intimai-je d'une voix presque suppliante, et racontez-moi ce qui vous a mis dans cet état.
Il m'obéit et se laissa tomber sur le lit lourdement. J'attrapai un petit kit d'urgence, placé stratégiquement dans toutes les chambres et commençai à inspecter ses blessures. Heureusement, la plupart étaient superficielles, toutefois je craignais que son excès de rage n'ait fait sauter des points de suture au niveau de son flanc. J'entrepris de nettoyer le sang qui commençait à sécher le long de ses bras tandis qu'il m'observait, silencieux. Ce ne fut que lorsque je lui demandai de soulever son tee-shirt qu'il ouvra la bouche.
— Un médecin est venu me parler tout à l'heure. Ce n'était pas le même que lors de mon arrivée.
Je le fixai, signe qu'il avait toute mon attention et il reprit son explication.
— Il m'a dit qu'ils ne pouvaient pas garder un sans-abri indéfiniment dans ce service car ils avaient besoin de place pour de nouveaux patients.
Il serra la mâchoire alors que je passai mes doigts sur ses points afin de vérifier qu'ils étaient bien tous en place.
— Il m'a dit que, de toute façon, c'était une perte de temps de me soigner. Que j'allais crever dans la rue dans tous les cas.
Ce fut à mon tour de grincer des dents lorsque j'entendis ses paroles. Ce médecin semblait être un abruti mais il n'avait pas tort. Retourner à la rue signerait sa perte avec une blessure aussi récente et profonde. Il avait besoin d'attention et de soins pendant encore un temps mais l'hôpital refuserait de l'héberger à titre gracieux. Je prononçai alors quelque chose que je regretterai sûrement plus tard, mais qui, sur le coup, me semblait être la meilleure idée du siècle.
— Venez chez moi, déclarai-je tout naturellement.
Il me regarda comme si je venais de lui proposer de séjourner sur la lune alors je repris avec plus de conviction.
— Réfléchissez, vous avez besoin de soins et de repos et l'hôpital ne vous laissera jamais suffisamment de temps pour vous rétablir. Je suis infirmière et je m'occupe de vous depuis le début, je n'aurais aucun mal à vous maintenir en vie si vous ne faites pas de folie. Ce ne serait bien sûr que le temps de vous rétablir entièrement, mais ce serait peut-être même assez pour trouver un travail ! Qu'en dites-vous ?
Il me regarda avec des yeux de merlans frits et je ne pus m'empêcher de sourire face à l'image qui s'imposait à moi.
— Qu'est-ce qui vous dit que je ne suis pas un tueur en série ou un psychopathe qui s'invite chez de jeunes femmes pour les tuer pendant qu'elles dorment ?
— Comptez-vous me tuer dans mon sommeil ? l'interrogeai-je très sérieusement.
— Ça ne marche pas comme ça... soupira-t-il, dépité que je prenne le sujet à la légère.
— Tant pis, répondez à ma question.
Il soupira une nouvelle fois avant d'abdiquer.
— Non, je ne compte pas vous tuer. Je vous dois encore une vie et j'ai besoin de vous.
— Parfait alors ! Je n'ai qu'un lit, je suis navrée mais vous devrez dormir sur mon canapé. Ah et j'ai un chat ! J'espère que ça ne vous dérange pas...
— Non, mais il y a quelque chose d'autre qui me dérange mademoiselle Léonie.
Je haussai les sourcils, surprise de l'entendre m'appeler de la sorte. Je le lui adressais tout de même un petit signe de tête, l'intimant de poursuivre.
— Le problème que j'ai, c'est que vous me proposez de vivre chez vous mais je ne sais toujours pas si je dois vous tutoyer ou non.
J'explosai de rire face au sérieux de sa requête.
— Si ce n'est que ça, ça devrait pouvoir s'arranger, mais je me dois de rester professionnelle ici, alors on verra ça à votre sortie. Je me lève tôt le matin mais je vous pourrai vous laisser des clefs pour que vous puissiez aller et venir à votre guise, assurez-vous simplement de ne pas laisser sortir Croquette.
J'explicitai ma demande en voyant ses sourcils se froncer.
—Croquette, c'est mon chat ! Le soir je rentre environ vers dix-neuf heures trente alors faites en sorte d'être rentré à cette heure-là pour que je puisse vérifier vos pansements. Des questions ? conclus-je.
— Non madame, tout est parfaitement limpide.
Ses yeux pétillaient de nouveau de malice et je préférais quitter cette pièce avant de savoir ce qu'il me réservait si je m'attardais trop longtemps.
— Je vais voir si je peux déjà prévoir ta sortie avec le médecin.
Ce dernier tutoiement m'avait échappé et je sortis de la pièce sans me retourner. Mon cerveau me hurlait de faire demi-tour et de tout annuler, sûr que je faisais la pire erreur de ma vie. Mon cœur, quant à lui, faisait le sensible et prenait Mischa en pitié, alors même qu'il sentait que ce n'était pas un patient comme les autres. Mais comme le disait Blaise Pascal, le cœur a ses raisons que la raison ignore.
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